Tel que convenu dans la première chronique de cette série, nous aborderons ce mois-ci la section alimentation de l’amplificateur de puissance. Quoique relativement simple, elle est en bonne partie responsable de la performance et de la qualité de reproduction d’un appareil hi-fi. Il conviendrait avant tout de préciser ce qu’est-ce qu’on appelle le bloc d’alimentation ?
Croquis : Normand Daigle
Tout appareil électronique exige une source de courant continu (CC) afin d’alimenter ses circuits, c’est-à-dire que le courant circule toujours dans la même direction, soit du + vers le – selon la convention acceptée (la réalité physique est l’opposé, mais ça ne change rien au fonctionnement). Par contre, notre réseau de distribution électrique fonctionne en courant alternatif (CA) afin de pouvoir profiter des avantages de l’effet transformateur qui en facilite le transport en minimisant les pertes. Dans ce cas, la polarité du courant fluctue constamment à une fréquence de 50 ou 60 Hz (Hz = cycles par seconde de l’onde sinusoïdale générée par la centrale électrique). La prise secteur à laquelle nous raccordons nos appareils fournit un voltage variant entre 100 et 240 Vca (Volts en courant alternatif) selon le pays. La première chose à faire pour satisfaire les demandes des circuits électroniques sera de réduire le voltage CA à un niveau convenant à nos besoins, pour ensuite le convertir en CC. Le processus est relativement simple, du moins pour les alimentions conventionnelles, mais les exigences des circuits audio en matière de bruit et de stabilité rendent leur qualité de conception particulièrement importante.
Avant d’aller plus loin, il serait important de définir quelques termes et de préciser le fonctionnement des composantes qui seront utilisées dans les circuits d’alimentation. Le premier item rencontré en partant du raccord au secteur sera le transformateur. Il s’agit essentiellement de deux bobinages de fil de cuivre isolés électriquement l’un de l’autre, et que nous identifierons comme primaire (raccordé au secteur) et secondaire (qui servira à créer notre alimentation CC). Ils sont montés sur un noyau métallique à l’intérieur duquel circule un flux magnétique généré par le courant circulant dans le primaire. Ce même flux induira dans le secondaire un voltage d’amplitude proportionnelle au rapport du nombre de tours des bobinages. À titre d’exemple, un primaire de 100 tours relié au secteur 120 Vca produirait 12 Vca sur un secondaire de 10 tours.
L’étape suivante sera de convertir le CA en CC à l’aide d’une composante appelée diode qui a la particularité de ne laisser circuler le courant que dans un sens. Un utilisant quatre diodes configurées en pont, nous pouvons transposer la partie négative de l’onde du côté positif, créant de la sorte une onde pulsative de fréquence doublée et de polarité fixe. Laissée telle quelle cette alimentation produirait un signal parasite de 100 ou 120 Hz dans les enceintes. La solution sera d’ajouter un condensateur de valeur élevée (habituellement plusieurs milliers de uf) entre les deux pôles afin de produire un effet de filtration. Pour faciliter la compréhension du fonctionnement, il suffit de voir le condensateur comme une pile rechargeable de faible capacité qui sera chargée durant la montée de l’onde, pour ensuite se décharger partiellement au cours de la descente, et ainsi de suite à chaque demi-cycle. L’alimentation ainsi obtenue comportera une ondulation résiduelle (« hum » ou ronflement) dont l’amplitude variera en fonction de la demande en courant, mais nous sommes déjà beaucoup plus près d’une source de courant continu valable.
La croyance populaire qui associe la performance d’un amplificateur de puissance à son poids n’est pas tout à fait erronée, bien que les choses ont tendance à changer avec les technologies plus récentes comme les alimentations à commutation, mais concentrons-nous pour le moment sur les systèmes plus traditionnels. Le transformateur présente des limitations, et les courants élevés en cause dans les amplis de puissance imposent de limiter les pertes et d’augmenter l’efficacité. Puisque l’intensité du flux magnétique est proportionnelle au courant circulant dans le bobinage primaire, le noyau devra être construit de façon à ne pas saturer. De plus, les bobinages comportent des nombres de tours importants, avec comme conséquence une résistance non négligeable du fil utilisé. Les solutions pour contourner ces problèmes seront l’augmentation de la section du noyau du transformateur et l’utilisation d’un fil de calibre plus élevé, deux choix qui feront augmenter très rapidement le poids et le coût de fabrication. Dans les faits, le transformateur est responsable d’au moins 50 % du poids d’un amplificateur de puissance bien conçu.
Une alimentation de qualité est primordiale pour une bonne performance, mais les exigences peuvent varier énormément selon le type d’appareil. Dans le cas d’un préamplificateur phono par exemple, la demande en courant sera minime, mais une grande stabilité de voltage et une absence totale de bruit seront les priorités. Afin d’améliorer la performance du circuit d’alimentation de base que nous avons vu plus haut, un système de régulation permettra de stabiliser le voltage et d’éliminer l’ondulation résiduelle. La majorité des appareils utilisent ce type d’alimentation régulée qui est facilement réalisable vu les faibles courants en cause qui sont de l’ordre des milliampères (mA). Les cas des amplificateurs de puissance est tout autre par contre, et une approche différente sera de rigueur. Il sera, dans ce cas, question de voltages plus élevés, mais surtout de courants très importants de l’ordre de plusieurs ampères (A), mais ces points n’excluent pas nécessairement la régulation.
La régulation permet d’obtenir un voltage très stable à partir d’une alimentation qui peut fluctuer, soit à cause de variations du secteur ou d’une demande en courant variable. Elle sera effectuée par une combinaison de composantes actives et passives. Pour un circuit de basse puissance et moins exigeant, une simple diode Zener pourra convenir. Cette composante a la particularité de présenter un voltage constant à ses bornes, mais elle impose la présence d’une résistance série qui rend l’utilisation à haute puissance très inefficace. Il est par contre possible d’utiliser une Zener comme référence, conjointement avec un transistor pour augmenter l’efficacité et la performance. Dans un tel cas, la capacité en courant du circuit sera limitée par les caractéristiques du transistor et non de la diode. Si une performance accrue est requise, l’utilisation d’un régulateur intégré offre une solution simple et efficace, car il s’agit d’une seule composante contenant un circuit complexe (IC). Leur usage sera cependant limité aux circuits de basse et moyenne puissance, car la plupart ont une limite de courant inférieure à 2 A. Dans les cas où un courant plus élevé est requis, un circuit hybride composé d’un régulateur intégré et d’un transistor de puissance permettra d’accomplir le travail. Il est à noter que les variantes utilisant un IC peuvent aussi être réalisées avec des composantes discrètes. Évidemment l’amélioration de performance que procure la régulation ne s’effectue pas sans contraintes, et les conséquences sont une complexité et une dissipation thermique accrues. C’est par contre un faible prix à payer pour une performance de qualité.
Nous n’avons discuté à date que d’alimentations simples, c’est-à-dire qui ne comportent que deux pôles, soit un + et un – qui est habituellement aussi la mise à la masse (ground), ce qui présente certains désavantages. Une alimentation double ou symétrique permet de régler plusieurs problèmes sans trop augmenter la complexité du circuit. Dans ce cas, la masse sera le point central, et nous aurons une borne positive (identifiée par V+) et une négative (V-). Un des avantages majeurs d’une telle configuration est la réduction du bruit résiduel d’alimentation, car l’ondulation de chaque pôle est en opposition de phase avec l’autre, causant une annulation partielle dans le circuit qu’elle alimente. Un autre point d’importance est la possibilité de coupler un circuit directement à sa charge (l’enceinte dans notre cas) sans avoir à utiliser des composantes de couplage (condensateur ou transformateur). Cet aspect n’est pas nécessairement évident pour le moment, mais il devrait bientôt le devenir.
Ce que nous venons de voir au sujet des alimentations régulées s’applique à ce qu’il est convenu d’appeler des régulateurs linéaires. Bien qu’ils soient très performants, peu coûteux et plutôt simples, ils ont l’inconvénient d’être relativement inefficaces. La stabilité du voltage de sortie est obtenue au prix d’une certaine consommation d’énergie qui est le résultat du courant traversant le régulateur multiplié par la différence de voltage entre son entrée et sa sortie. Par exemple, une alimentation de 15 V qui serait régulée à 10 V et qui serait reliée à une charge de 10 Ω causera une dissipation de 5 W dans le régulateur, soit un courant de 1 A (10 V / 10 Ω) multiplié par une chute de voltage de 5 V (15 V – 10 V), exigeant un drain de dissipation thermique afin d’éviter que la composante soit endommagée par la chaleur.
Il existe une alternative de plus en plus utilisée pour alimenter les circuits électroniques, et elle s’avère particulièrement intéressante pour les amplis de puissance, il s’agit des alimentations par commutation (switching power supply). L’apparition de transistors de puissance très rapides et pouvant accepter de hauts voltages, et le développement de l’industrie informatique ont permis de produire des blocs d’alimentation par commutation très performants à des prix raisonnables et qui ont, entre autres, l’avantage d’être universels, c’est-à-dire qu’ils peuvent habituellement s’accommoder d’un voltage secteur entre 90 et 250 Vca. Leur taux d’efficacité très élevé, parfois supérieur à 95 %, ainsi que leur faible poids et encombrement les rendent très intéressants pour les applications dans des circuits de haute puissance. Évidemment ils présentent aussi certains inconvénients, les principaux étant qu’ils sont critiques de conception et qu’ils ont tendance à générer des interférences de fréquence radio (RFI) particulièrement difficiles à maîtriser. Par contre, s’ils sont bien conçus, leur performance est très impressionnante et ils représentent la solution incontournable pour l’avenir.
Pour faciliter la compréhension des circuits, les alimentations simples ont été mentionnées ici, mais en pratique elles ne sont presque plus utilisées car les versions symétriques offrent une performance supérieure. Mais il y a aussi cet autre avantage que nous avons mentionné plus haut, soit la possibilité de coupler la charge directement au circuit d’amplification, un facteur important dans le cas d’un amplificateur de puissance à cause de la basse impédance de la charge (l’enceinte). Il est important à ce point de préciser que le haut-parleur ne doit recevoir que du signal audio, qui n’est autre que la résultante d’un assemblage d’ondes de nature alternative, donc du CA. Il doit en tout temps être isolé de l’alimentation. Dans un circuit à alimentation simple de 40 Vcc par exemple, le point de raccord avec la charge se trouvera à environ 20 Vcc afin de permettre au signal audio de moduler sur toute la plage de 0V cc à 40 Vcc. Il faudra alors absolument découpler l’enceinte de ce 20 Vcc tout en permettant à l’audio de passer. La solution sera d’utiliser un condensateur ou un transformateur. Ces composantes, aussi dispendieuses qu’indésirables, ont un impact non négligeable sur la performance, et il est nettement préférable de ne pas les introduire dans un circuit où la performance optimale est recherchée. Avec une alimentation symétrique de + 20 Vcc et – 20 Vcc, le point central correspondra à la masse, donc 0 Vcc, la charge peut donc y être raccordée sans problème.
Pour terminer, un rapide survol sur les circuits à tubes serait de mise, vu l’intérêt renouvelé pour cette technologie. Dans ce cas, même si une alimentation symétrique est en théorie possible, elle ne ferait qu’ajouter à la complexité sans offrir le moindre avantage. La raison est que les tubes présentent une impédance de sortie beaucoup trop élevée pour attaquer directement une charge de 8 Ω ou moins comme une enceinte. La seule solution est alors d’utiliser un transformateur qui aura entre autres pour fonction d’effectuer ce couplage d’impédance.
Le mois prochain, nous débuterons l’analyse de chaque classe d’amplificateurs de puissance. Nous préciserons les exigences, les forces et faiblesses de chacune, et nous tenterons de faire un lien entre leur mode d’opération et la performance perçue.
À suivre en septembre…
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