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Croquis : Normand Daigle

Le premier article de cette série nous a permis de préciser certains points techniques pour aider à la compréhension des circuits d’amplification que nous allons analyser, et le second a abordé la section alimentation, qui est d’une importance primordiale pour une performance de qualité. Aujourd’hui, nous embarquons finalement de plein pied dans l’étude des différentes classes d’opération des amplificateurs de puissance, en débutant avec la classe A. Mais avant d’aller plus loin, nous allons regarder deux autres notions qui seront très utiles pour la compréhension des circuits, soit le concept du diviseur de tension et les sources de courant qui sont très fréquemment utilisées dans les étages de sortie des amplis en classe A.

Un diviseur de tension est essentiellement une chaîne de deux résistances ou plus, qui agit sur la répartition du voltage, comme son nom l’indique. Dans le circuit qui suit, si la valeur des résistances R1 et R2 était identique, le voltage référencé à la masse mesuré au point commun serait exactement la moitié de celui de l’alimentation. Si par contre on diminuait la valeur de R2, le voltage obtenu diminuerait en conséquence, et vice-versa. Comme nous le verrons plus loin, cette caractéristique s’avérera fondamentale dans la polarisation des transistors pour une application spécifique.

Diviseur de tension

Le concept de la source de courant, dont le but est de fournir un courant constant, est un peu plus difficile à saisir car il peut sembler contre-intuitif. Dans sa plus simple expression, et comme on le voit sur le circuit qui suit, elle consistera uniquement en une résistance (R1) placée en série avec l’alimentation ainsi qu’avec la charge (R2 où la flèche diagonale indique que sa valeur résistive est variable). Dans un tel cas, R1 devra avoir une valeur nettement plus élevée que R2 si on veut que les variations de R2 affectent peu le courant global, car ce dernier est déterminé par l’équation I = V / RR est la somme de R1 et R2. Cette configuration a l’avantage d’être très simple, mais elle est loin d’être idéale, surtout lorsque nous sommes en présence d’une charge de basse impédance comme c’est le cas pour un haut-parleur. La solution sera alors une source dite active, qui fournira un courant stable et très précis, peu importe la charge, grâce à l’utilisation de semiconducteurs, que ce soit dans une unité intégrée ou avec des composants discrets. Tout véritable ampli en classe A utilisera obligatoirement une source de courant dans son étage de sortie. Je précise ici véritable car de nombreux amplificateurs annoncés comme étant en classe A sont en fait en classe AB avancée; c’est-à-dire, que leur courant de repos sera très élevé, mais gardons ce point pour plus tard.

Sources de courant active VS passive

Comme nous l’avons précédemment mentionné, un circuit d’amplification doit être conçu de façon à pouvoir reproduire l’intégralité de l’onde audio, c’est à dire sa moitié négative autant que la positive. À cet effet et dans sa plus simple expression, un amplificateur polarisé en classe A ressemblera au schéma qui suit. Ici, un seul transistor NPN en configuration d’émetteur commun est utilisé avec une alimentation à simple polarité de 20 Vcc. Les valeurs des résistances R1 et R2 forment un diviseur de tension qui polarise le transistor et sont choisies pour obtenir un point central de 10 Vcc au collecteur, permettant ainsi d’atteindre une amplitude maximale de l’onde amplifiée avec un écrêtage symétrique. Le rapport des résistances R3 et R4 détermine le gain en voltage (Av) du circuit; c’est-à-dire, le facteur par lequel le signal d’entrée sera multiplié. L’impédance d’entrée du circuit sera essentiellement équivalente à R2, et celle de sortie à R3 qui agit comme source de courant. Les condensateurs de couplage C1 et C2 servent à séparer le signal audio des voltages de polarisation, de façon à ce que seul l’audio transite d’un étage à l’autre ou vers la sortie, soit l’enceinte acoustique dans le cas qui nous intéresse. En supposant que les valeurs résistives sélectionnées nous donnent un gain de 10, un signal d’entrée de 2 Vpp (Vpp signifiant peak to peak ou de crête à crête de l’onde) donnera un maximum de 20 Vpp (ou 7.07 Vrms, soit .707 x 20 V / 2) à la sortie avant l’écrêtage, valeur imposée par le voltage d’alimentation. Un fait important à noter, dans ce circuit le signal de sortie verra sa phase inversée par rapport à l’entrée, tel qu’illustré.

Circuit d’amplification simple en classe A


Une façon relativement simple d’améliorer la performance de ce circuit sera de remplacer R3 par une source de courant active. Parmi les avantages de ce genre de composant, on retrouve une impédance interne très élevée, de même qu’une bonne immunité contre les fluctuations de l’alimentation, permettant une nette amélioration de la linéarité du circuit. Dans le circuit modifié qui suit, on peut considérer que le transistor agit comme une résistance variable qui serait contrôlée par le signal d’entrée. Le signal apparaissant au collecteur variera donc en fonction de cette fluctuation de résistance, comme s’il s’agissait d’un diviseur de tension. Par contre, puisque la résistance interne du transistor diminuera avec une augmentation du signal à la base, la résultante amplifiée au collecteur sera de phase inverse à l’originale.

Intégration d’une source de courant active

Jusque-là, tout est relativement simple, et on retrouve cette configuration et ses multiples variantes dans la quasi-totalité des circuits d’amplification linéaire dont l’impédance de sortie est relativement élevée, incluant les étages d’entrée et intermédiaire d’un ampli de puissance. Par contre, dans le cas de ces derniers, la situation se corse car nous introduisons à l’étage de sortie la notion de courants importants et de puissance, puisque ces appareils sont destinés à attaquer des enceintes dont l’impédance peut descendre sous la barre du 4 Ω. Les courants en cause deviennent alors très élevés, avec comme conséquence cette dissipation thermique importante, qui caractérise les amplis en classe A et qui fait rapidement grimper leur coût de fabrication. Leur efficacité théorique étant de seulement 25 %, 3 W de chaleur devront être dissipés pour chaque watt de signal audio, des chiffres impressionnants lorsqu’on les compare au 75 % d’efficacité pour la configuration en classe AB et 95 % pour la classe D.

Le circuit simplifié qui suit, nous montre un amplificateur de puissance avec son étage de sortie en classe A, avec des valeurs permettant de vérifier ce qui vient d’être mentionné. Pour simplifier les choses, la résistance d’émetteur a, ici, été éliminée. En faisant des calculs qui ne tiennent pas compte des pertes internes des différents composants, nous déduisons que l’alimentation de 20 Vcc permet un signal maximal de 7.07 Vrms, tel que vu précédemment. Le courant résultant sera donc de .88 Acc, (7.07 Rrms / 8Ω), pour une puissance disponible maximale de 6.22 Wrms (7.07 Vrms x .88 Acc). Afin d’atteindre cette puissance, la source de courant devra en tout temps fournir .88 Acc. Au repos (état statique, sans signal), ce courant circulera de l’alimentation vers la masse à travers le transistor, créant donc une dissipation de 8.8 Wcc (10V cc X .88 Acc) autant dans la source que le transistor, soit 17.6 Wcc au total. En faisant le rapport entre la puissance audio maximale et la dissipation continue des composants, nous obtenons environ 35 % d’efficacité (100 X 6.22 Wrms / 17.6 Wcc). Par contre, autant le transistor que la source de courant n’étant pas des composants idéaux, ils introduiront des pertes qui réduiront l’efficacité à 25 %. Ces chiffres peuvent paraître insignifiants à première vue, mais les enceintes modernes sont en règle générale peu efficaces et exigent beaucoup plus que 6.22 Wrms pour atteindre un niveau acoustique et une dynamique raisonnables. Une puissance plus réaliste serait d’environ 50 Wrms, avec comme conséquence 150 Wcc de dissipation continue sur chaque canal, ce qui est loin d’être négligeable. Un autre facteur non négligeable est que les amplis en classe A sont souvent optimisés pour pouvoir doubler ou presque leur puissance sur une charge de 4 Ω, comme c’est le cas pour un classe AB (pourvu que son bloc d’alimentation le permette), ce qui implique de doubler le courant statique et de faire tomber l’efficacité à 12.5 %, soit 300 Wcc de dissipation pour 50 Wrms de puissance audio. Pour ces raisons, il n’est pas rare de mesurer des températures autour de 60° C sur les drains de dissipation de chaleur de ces amplis.

NB : les suffixes cc (courant continu) et rms (root mean square ou puissance moyenne) utilisés pour le voltage, le courant et la puissance font référence respectivement aux valeurs statiques et audio.

Amplificateur de puissance simple

Quoique fonctionnel, le circuit simplifié que nous venons de voir présente un désavantage ; puisqu’on retrouve la moitié du voltage d’alimentation (1/2 Vcc) à sa sortie, un condensateur est requis pour découpler l’enceinte afin de ne laisser passer que l’audio et il doit être d’une valeur très élevée, de l’ordre de plusieurs milliers de uF si on ne veut pas que la réponse dans le grave soit affectée outre mesure. Pour une charge de 4 Ω et un point de coupure de – 3 db à 10 Hz avec une pente de 6 db / oct (décibels par octave, donc – 9 dB à 5 Hz), une valeur d’environ 4 000 uF sera requise, ce qui implique un condensateur électrolytique coûteux et non idéal pour une performance optimale. La solution sera alors d’adopter, comme nous l’avons vu dans la partie 2 de cette série, une configuration avec alimentation symétrique, tel que représenté dans l’image qui suit. Le condensateur de sortie pourra alors être éliminé car le point commun entre le transistor et la source de courant se trouvera à 0 Vcc. Malgré l’ajout de complexité de l’alimentation, la performance se trouvera améliorée par le couplage direct et par la meilleure performance de l’alimentation symétrique au niveau du rapport signal bruit.

Amplificateur en classe A avec alimentation symétrique

Comme nous venons de le voir, la demande en courant d’un amplificateur en classe A est très élevée, ce qui pose des problèmes importants du côté de l’alimentation. Afin de réduire le ronflement à un niveau acceptable, le niveau de filtration devra être très élevé, souvent de l’ordre des centaines de milliers de uF, avec un coût associé très conséquent. Puisque cette demande est permanente et ne varie pas avec la demande en puissance audio, tous les composants de la section alimentation sont grandement sollicités, ce qui affecte leur durée de vie. En conséquence, les transformateurs atteignent des températures d’opération très élevées, et même les condensateurs de filtration peuvent surchauffer à cause du ripple current (le courant qui circule dans le condensateur lorsqu’il se charge et se décharge à chaque demi-cycle du 60 Hz d’alimentation secteur).

Une solution intéressante pour l’alimentation des amplificateurs en classe A est l’utilisation d’une version régulée, comme celles qui ont été mentionnées dans la seconde rubrique. Le circuit actif de régulation agit comme un multiplicateur de capacitance, ce qui permet de diminuer la valeur des condensateurs de filtration, et il permet une réduction supplémentaire de l’ondulation qui cause le ronflement. Il y a cependant un coût à tout, et non seulement ces régulateurs augmentent la complexité du circuit, mais ils seront eux aussi une source de production de chaleur car leur fonctionnement exige une chute de voltage qui, multipliée par le courant qui y circule représente une puissance dissipée non négligeable qui s’ajoute à celle de l’ampli.

Malgré les nombreuses contraintes inhérentes à la conception et à l’utilisation de la classe A dans les étages de sortie des amplis de puissance, ils demeurent très prisés des audiophiles et mélomanes. Leur coût de fabrication élevé, justifié par des alimentations et des dissipateurs thermiques surdimensionnés, est contré par un excellent rendu audio et une couleur très particulière. Parmi les points forts de cette configuration, on retrouve leur demande constante de courant sur l’alimentation, qu’elle soit régulée ou non, ce qui l’avantage de ne pas provoquer de fluctuations liées à la demande en puissance audio comme sur les autres types d’amplis. Ces variations ont tendance à affecter négativement la reproduction des écarts dynamiques, sans compter qu’elles peuvent nuire à la linéarité et la stabilité de l’ampli. L’autre point majeur en faveur de la classe A est une meilleure linéarité inhérente du circuit qui permet une conception plus simple sans avoir recours à un taux de contre-réaction trop élevé qui peut générer d’autres problèmes.

Ceci étant dit, l’utilisation de la classe A à l’étage de sortie d’un amplificateur de puissance est obligatoirement liée à un prix de vente élevé qui n’est pas à la portée de tous. Il va donc de soi qu’une approche différente, mais tout de même très performante et moins coûteuse, est souhaitable pour répondre à la demande du marché, et c’est là qu’interviennent les autres classes d’opération que nous étudierons lors de nos prochaines rencontres.

Pour référance; Parlons technologie – Partie 2