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Croquis : Normand Daigle

Après avoir précisé certaines notions techniques dans les deux premiers articles de cette série sur les familles d’amplificateurs de puissance, nous avons abordé le mois passé ceux qui opèrent en classe A. Malgré certaines qualités indéniables, ils présentent malheureusement un inconvénient majeur et incontournable, soit une énorme consommation d’énergie en tout temps, même lorsqu’aucun signal audio est présent, et la dissipation thermique conséquente qui est inhérente à leur mode de fonctionnement. Même si la performance est excellente, avec un taux d’efficacité d’environ 30 % et un coût de fabrication associé très élevé, il va de soi qu’une configuration plus efficace est souhaitable. La réponse a été de créer un étage de sortie en push-pull où le courant de repos est nul dans le cas de la classe B, ou très bas pour la classe AB, réduisant de façon radicale la consommation de l’appareil.

La classe B n’est presque plus utilisée de nos jours à cause des faiblesses que nous verrons, mais la compréhension de son concept de base nous permettra de mieux comprendre la classe AB. La très grande majorité des amplificateurs de puissance présentement sur le marché fonctionnent en classe AB, même parmi ceux qui ont les réputations les plus enviables. Le système a donc sa valeur, mais il présente aussi certains problèmes qui doivent être résolus pour obtenir le résultat désiré. Le concept de base est relativement simple : la moitié supérieure du circuit de sortie traite la moitié positive de l’onde, et la moitié inférieure se charge de la partie négative, comme le montre le croquis 1. La disponibilité de semi-conducteurs en polarités complémentaires (NPN et PNP pour les transistors conventionnels, ou canal N et canal P pour les transistors à effet de champ FET et MOSFET) permet de créer un circuit de sortie simple et élégant. Il est possible de concevoir un étage de sortie en classe B ou AB appelé quasi-complémentaire avec des transistors de même polarité, mais une telle configuration n’apporte aucun avantage et ajoute même à la complexité du circuit, nous ne ferons donc que la mentionner au passage ici, vu qu’elle n’est plus utilisée de nos jours.

Étage de sortie push-pull en classe B

Le circuit en classe B précédent peut fonctionner pour des applications où les exigences de qualité sont peu élevées, mais il ne serait pas à la hauteur pour une application HiFi. En pratique, la forme d’onde qui apparaîtrait à la connexion de sortie vers le haut-parleur serait affectée par une importante distorsion de croisement (crossover distortion). Ce phénomène est dû au fait que la jonction base-émetteur d’un transistor bipolaire (BJT) doit atteindre environ .6 Vcc avant qu’un courant puisse circuler entre le collecteur et l’émetteur. Le premier .6 Vcc de chaque moitié de la forme d’onde sera donc tronqué, avec comme résultat ce qu’on peut voir à la figure 2, une situation de toute évidence inacceptable pour une reproduction de qualité. Le circuit offre tout de même l’avantage d’une très faible consommation de puissance lorsqu’il est au repos.

Illustration de la distorsion
de croisement

Une façon de minimiser la distorsion de croisement sans diminuer l’efficacité énergétique du circuit est d’appliquer de la contre-réaction (feedback), c’est-à-dire de prendre un échantillon du signal de sortie et de le retourner à l’entrée inverseuse de l’ampli afin d’effectuer une correction en comparant le signal d’entrée à celui qui apparaît à la sortie. Malheureusement cette approche a tendance à générer plus de problèmes qu’elle n’en règle. Pour obtenir un niveau de distorsion acceptable, le taux de contre-réaction devra être très important, ce qui exige un gain en boucle ouverte (sans contre-réaction) élevé, avec des conséquences négatives importantes sur la performance globale. Le circuit résultant devra être fortement compensé pour être inconditionnellement stable avec la charge complexe (résistive-inductive-capacitive) que présente un haut-parleur. Bien que les mesures statiques d’un tel amplificateur puissent paraître intéressantes, en fonctionnement dynamique, comme c’est le cas avec la reproduction musicale, les résultats sont beaucoup moins impressionnants. Le schéma qui suit illustre une telle configuration où le gain global de l’amplificateur sera égal à (R2 / R1) + 1, habituellement de l’ordre de 20 à 30 db.

Amplificateur en classe B avec contre-réaction

Une façon plus efficace de contrôler plus efficacement la distorsion sans trop affecter l’efficacité et sans avoir recours à de très hauts taux de contre-réaction est d’utiliser un stratagème pour combler ce décalage de .6 Vcc des jonctions base-émetteur. Chaque transistor de sortie recevra dans ce cas en permanence le voltage requis pour atteindre ou dépasser légèrement son seuil de déclenchement. Dans le circuit qui suit, nous pouvons voir une source de voltage de 1.2 Vcc reliée aux bases des transistors de sortie. Cette légère polarisation crée ce qu’on appelle la classe AB, car il s’agit essentiellement d’un circuit en classe B qu’on pousse légèrement vers la classe A. On peut de cette façon éliminer complètement la distorsion de croisement, tout en n’augmentant que très peu la consommation de puissance. Le courant statique de l’étage de sortie créé par cette polarisation, aussi appelé courant de repos ou idle, est habituellement de l’ordre de 15 mAcc par paire pour des transistors de sortie bipolaires (certains amplis ont plusieurs paires en parallèle afin d’augmenter la capacité de puissance). Pour un ampli typique d’environ 100 Wrms à 8 Ω fonctionnant avec une alimentation symétrique de + et – 40 Vcc, la consommation au repos sera de seulement 1.2 Wcc, soit 15 mAcc X 80 Vcc (la somme des alimentations positive et négative). Pour une même puissance disponible à la sortie, un ampli en classe A consommerait en permanence environ 350 Wcc, on peut donc facilement constater l’avantage énergétique de la classe AB. Il est à noter que les amplis utilisant des MOSFET à la sortie auront un courant de repos beaucoup plus élevé, de l’ordre de 100 à 150 mAcc, et par le fait même une dissipation thermique plus importante. Notons ici que dans tous les exemples qui suivront des transistors bipolaires seront utilisés.

Amplificateur en classe AB

Un ampli en classe AB sera par nature plus linéaire (ie : absent de distorsion) qu’un équivalent en classe A et nécessitera par le fait même un gain en boucle ouverte moins élevé, ce qui favorisera la stabilité du circuit. Malheureusement la réalité a tendance à être moins simple qu’on pourrait le souhaiter. La polarisation de l’étage de sortie est habituellement créée par un circuit variable qui permet d’ajuster le courant de repos afin d’obtenir le résultat optimal. Cet ajustement permettra de compenser les écarts de caractéristiques des transistors de sortie dus aux tolérances de production. Une fois la polarisation ajustée au courant de repos désiré, un voltage fixe et stable sera appliqué entre les bases des transistors.

Puisque nous avons affaire à un circuit de puissance, éventuellement les transistors des sorties pourraient atteindre une température relativement élevée lors d’une écoute à haut volume, et c’est là que les choses se compliquent. La base du problème est que leur voltage base-émetteur diminue avec une augmentation de la température, c’est à dire qu’elle a un coefficient de température négatif. Puisque le voltage entre les bases est tenu à un niveau stable par le circuit de polarisation, le courant de repos aura tendance à augmenter. Dans des cas extrêmes, le circuit pourrait même s’emballer et l’augmentation du courant pourrait éventuellement mener à la destruction des transistors de sortie.

La solution est d’introduire dans le circuit de polarisation une composante qui produira l’effet inverse et maintiendra un courant de repos stable sur toute la plage de température d’opération de l’ampli, chose évidemment plus simple à dire qu’à réaliser. En pratique une diode sera mise en contact physique avec le drain de dissipation de chaleur afin d’en capter la température, et elle sera connectée au circuit d’ajustement de la polarisation auquel elle fournira la référence qui permettra d’assurer la stabilité du courant de repos.

Fait intéressant, les MOSFET ont un coefficient de température positif et par le fait même ne nécessitent pas de circuit de compensation, bien qu’ils présentent d’autres problèmes.

Jusque-là tout semble bien, mais encore une fois certaines caractéristiques des amplis en classe AB peuvent les empêcher d’atteindre le niveau de performance de ceux opérant en classe A. Entre autres, la linéarité inhérente d’un l’étage en mode push-pull est malheureusement inférieure à celle de la classe A, en particulier pour les signaux de faible intensité, car dans ce cas les transistors ne fonctionnent pas dans leur zone d’opération idéale. Malgré tout, un circuit conçu avec soin auquel on ajoutera un niveau de contre-réaction raisonnable permettra d’obtenir des résultats très impressionnants. L’autre facteur ayant un effet déterminant sur la performance est l’alimentation.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, un des avantages de la classe A est une demande en courant constante, avec comme conséquence un voltage d’alimentation stable qui favorise la dynamique de la reproduction sonore. Dans le cas de la classe AB, la demande en courant variera selon l’intensité du signal audio de quelques dizaines de milliampères à plusieurs ampères, provoquant des fluctuations du voltage d’alimentation qui peuvent se traduire par une performance moins vivante. La solution sera de surdimensionner la section d’alimentation ou encore d’en réguler la sortie afin d’en garantir la stabilité, mais avec un impact très important sur le coût de fabrication.

Malgré tout, le niveau de performance atteint par les appareils en classe AB les mieux conçus est comparable à celui des classe A, à un coût moindre et sans les désavantages thermiques.

Nous avons précédemment mentionné que certains amplis en classe AB ont une polarisation de l’étage de sortie beaucoup plus élevée que les quelques mAcc mentionnés plus tôt. Bien que la classe AB offre une linéarité avant contre-réaction nettement supérieure à la classe B, la zone qui suit immédiatement le début de la conduction dans les transistors de sortie ne présente pas la performance idéale.

Pour cette raison, plusieurs manufacturiers utilisent un courant de repos plus élevé, de l’ordre de 100 mAcc environ afin de s’assurer que les transistors ne sortent jamais de leur zone d’opération optimale. Dans certains cas la polarisation sera poussée à un niveau encore plus élevé, et l’amplificateur pourra opérer en classe A pour les premiers watts. Pour un courant de 1 Acc par exemple, les 8 premiers watts sur une charge de 8 Ω seront effectivement en classe A. Évidemment la dissipation thermique au repos sera plus grande, et si nous reprenons notre exemple précédent d’un ampli avec une alimentation de + et – 40 Vcc, elle atteindra 80 Wcc pour une puissance de sortie maximale d’un peu moins de 100 Wrms Cette diminution d’efficacité est loin d’être négligeable et exigera des drains de dissipation thermique conséquents et un circuit de contrôle de la polarisation plus raffiné.

Tous les circuits que nous avons vus à date utilisaient l’étage de sortie exclusivement comme amplificateur de courant, introduisant même une légère perte en voltage. En complément, il serait intéressant de mentionner ici le cas de certains amplificateurs dont l’étage de sortie offre un gain en voltage en plus du gain en courant. Ce concept est intéressant car, non seulement offre-t-il un gain en puissance (P = V x I), mais il permet aussi de concevoir des étages d’amplification en voltage plus simples, ce qui est un atout pour la performance sans augmenter le coût de fabrication.

Le schéma qui suit montre un tel circuit. À première vue, outre l’apparition de deux transistors avant l’étage de sortie final, il semble pratiquement identique au précédent, mais remarquez que les transistors NPN et PNP sont inversés. Le résultat de ce changement est que le haut-parleur est maintenant relié aux collecteurs des transistors et non plus aux émetteurs. Si nous nous référons aux diverses configurations que nous avons vues dans le premier article de cette série, nous constatons que plutôt que d’opérer en collecteur commun où seulement un gain en courant est possible, notre circuit est maintenant en émetteur commun, ce qui signifie qu’il offre maintenant un gain en voltage aussi bien qu’en courant.

Amplificateur en classe AB avec gain en voltage à l’étage de sortie

Le mois prochain, nous ferons un survol des classes d’opérations moins fréquemment utilisées, et surtout nous porterons une attention particulière à la classe D. Comme nous le verrons, cette technologie est rendue à un niveau tel qu’elle devient un sérieux rival pour les configurations traditionnelles au niveau de la qualité de reproduction, et elle présente en plus des avantages majeurs qui devraient en faire à court terme le choix incontournable en HiFi.

Pour référence… partie3
Parlons technologie à suivre…