You are currently viewing Les différentes classes d’opération des amplis de puissance

La technologie qui se cache sous le capot des beaux appareils qui nous permettent d’apprécier la musique peut comporter son lot de mystères pour l’audiophile / mélomane. Les nombreux termes techniques utilisés par les manufacturiers pour décrire les circuits utilisés dans leurs créations demeurent souvent des concepts vagues pour les non-initiés. Le flou étant l’ennemi du choix éclairé, nous entreprenons ce mois-ci une série visant à démystifier le concept de classe d’opération (A, B, AB, C, D, etc.) des amplificateurs de puissance, un élément qui prend une importance particulière avec la vague des amplis en classe D de tous niveaux de prix qui déferle présentement sur le marché.

– Crédit croquis :  Normand Daigle

En introduction, il conviendrait de préciser la terminologie utilisée et certains concepts que nous retrouverons en cours de route. Le but principal des composantes électroniques actives (tubes ou transistors de diverses familles) dans un circuit audio analogique est de fournir un gain en amplitude du signal, que ce soit en voltage (symbole V, unité = Volts ou V) ou en courant (symbole I, unité = Ampères ou A), et dans certains cas les deux. Cette amplification permettra de passer d’une source aussi faible que quelques millivolts dans certains cas à près d’une centaine de volts pour un amplificateur de puissance élevée. À ces notions s’ajoute celle de l’impédance (Z, en ohms ou Ω) qui, dans le cas de l’audio, passera de haute en début de chaîne à basse au niveau de l’interface avec les enceintes acoustiques.

Les circuits que nous verrons seront composés de transistors de différents types, soit bipolaires (BJT pour Bipolar Junction Transistor), à effet de champ (FET pour Field Effect Transistor) ou encore MOSFET (pour Metal Oxyde FET). Ce sont des composantes à trois broches dont une sert à contrôler le courant qui circulera de la seconde vers la troisième. Dans le cas du BJT, on parlera de Base (B), Collecteur (C) et d’émetteur (E) alors que les équivalents du côté des FET et MOSFET seront la Grille (G), le Drain (D) et la Source (S). Chaque type de transistor est disponible en versions de polarités différentes et opposées, NPN ou PNP pour les BJT, et N ou P pour les FET et MOSFET, ce qui permet la conception de circuits symétriques et complémentaires offrant une meilleure linéarité. Chacun offrira certains avantages, mais aura aussi ses limitations dont il faudra tenir compte dans la conception d’un circuit. On retrouve aussi, dans chaque cas, des versions de basse et de haute puissance.

Types de transistors

Aux composantes actives s’ajouteront des éléments passifs tels des résistances (R, quantifiées en Ohms ou Ω) et des condensateurs (C, quantifiés en Farads ou F). Les symboles en question seront parfois précédés d’un préfixe diviseur ou multiplicateur de la valeur, soit « p » (pico, ou 10 exposant -12, par exemple pF), « n » (nano, ou 10 exposant -9, nF), « u » (micro, ou 10 exposant -6, uF ), « m » (mili, ou 10 exposant -3, ), « k » (kilo, ou 10 exposant 3, ) ou « M » (meg, ou 10 exposant 6, ). Ces composantes passives ont pour but de déterminer les paramètres d’opération des circuits, de modeler leur performance et d’assurer leur qualité de fonctionnement et leur stabilité.

Composantes passives et autres éléments de circuits

Un circuit utilisant des composantes actives pourra être configuré de différentes façons, chaque configuration portant un nom particulier basé sur la broche commune, et elle aura des caractéristiques spécifiques. Dans le cas des BJT, on aura la configuration en base commune qui offrira du gain en voltage seulement, le collecteur commun qui ne fournit qu’un gain en courant, et l’émetteur commun qui permet le gain en voltage et en courant. Les équivalents FET et MOSFET, soit grille commune, drain commun et source commune, ont en gros les mêmes caractéristiques.


Configurations d’amplification

Les BJT sont les plus communément utilisés, en partie parce qu’ils sont moins dispendieux. Leur impédance de base relativement faible en fait des composantes contrôlées par courant, alors que la haute impédance de grille des FET et MOSFET permet un contrôle en voltage, à l’instar des tubes auxquels leur performance ressemble. En utilisation de haute puissance, les avantages des BJT sont une résistance interne faible entre le collecteur et l’émetteur en mode de saturation, ainsi qu’une bonne linéarité. Ils ont par contre une vitesse de commutation relativement lente, ainsi que certains problèmes de stabilité thermique qui exigent des circuits de compensation afin de ne pas mener à une trouble d’emballement thermique qui détruirait l’étage de sortie. Les FET et MOSFET ont une moins bonne linéarité et offrent une résistance interne plus élevée entre le drain et la source, mais ils bénéficient d’une plus grande rapidité et d’une bonne stabilité thermique qui facilite le montage en parallèle pour augmenter la puissance potentielle.

Afin de faciliter l’approche et la compréhension, dans certains cas une représentation simplifiée sera utilisée. Un circuit pourra, par exemple, être illustré par un triangle comportant un signe « + » et un signe «  » sur sa face verticale et représentant les entrées, inverseuse pour le « – » et non-inverseuse pour le « + », la sortie étant la pointe opposée. Dans des versions simplifiées, on verra parfois seulement une entrée et une sortie. Ce symbole représente un OPAMP (Operational Amplifier) qui est essentiellement une représentation de type boîte noire d’un amplificateur à gain élevé et à entrée dite différentielle (les signes « + » et « – »). Cette dernière représente un des points les plus importants et versatiles des circuits d’amplification de ce genre car elle permet entre autres l’utilisation de la contre-réaction (feedback), un élément essentiel de tout circuit amplificateur car il détermine en grande partie sa performance, en particulier son gain, sa courbe de réponse en fréquence et sa stabilité de fonctionnement. Certains circuits d’amplification ne comportent pas d’entrée différentielle, mais nous ne les considérerons pas dans notre survol car ils ne sont à toutes fins pratiques plus utilisés pour de nouvelles conceptions vu qu’ils offrent un niveau de performance inférieur à celui des OPAMP, qui en plus offrent la possibilité d’une entrée symétrique (incorrectement appelée balancée, du terme anglais balanced), un atout important dans le milieu professionnel et là où l’immunité contre les parasites et la possibilité d’utiliser de grandes longueurs de fil revêtent une importance particulière.


Ampli opérationnel et configurations

Transférons maintenant cet élément d’amplification dans le monde de la haute fidélité. Dans une chaîne stéréo traditionnelle typique, le préamplificateur recevra des sources sonores présentant des exigences variables et les normalisera pour leur permettre d’attaquer l’ampli de puissance. La platine tourne-disque à cellule de type MM (Moving Magnet) par exemple, fournira un signal de quelques millivolts (mV) ou même moins, avec une impédance aux environs de 50 kΩ et des exigences de courbe de réponse très particulières répondant aux normes de la RIAA (Recording Industry Association of America). La plupart des autres sources auront un niveau de sortie beaucoup plus élevé allant du standard le plus commun de – 10 dBV (316 mV, référencé à 1 V) à la norme professionnelle de + 4 dBu (1.228 V, référencé à 775 mV), sauf les lecteurs CD qui graviteront plus autour de 2 V. L’impédance, elle sera habituellement de l’ordre d’une centaine d’ohms dans le cas des appareils à semi-conducteurs, les tubes étant un cas particulier que nous n’aborderons pas ici. La source sélectionnée sera ensuite affectée par le contrôle de volume et le circuit d’égalisation, si présent, pour ensuite passer à l’étage de sortie qui fournira une amplification finale suffisante pour permettre aux amplificateurs les moins sensibles d’atteindre leur pleine puissance au besoin. Ici encore, les normes varient et certains amplis atteindront leur seuil de saturation avec seulement 500 mV à l’entrée, alors que d’autres exigeront 2 V et même plus.


Structure de gain de la chaîne Hi-Fi

Outre une impédance de sortie très basse (de l’ordre des fractions d’Ohms), ce qui différencie les amplificateurs de puissance des autres appareils utilisant un facteur amplification est justement cette notion de puissance que nous utilisons pour définir leur caractéristique la plus évidente, c’est à dire celle de fournir un travail, quantifié en Watts (W). C’est là que les choses se compliquent et que les coûts de fabrication augmentent. Le gain en voltage (Av) sera alors accompagné d’un gain en courant (Ai) très important, et le produit sera la puissance (P en Watts) fournie à l’enceinte (V x I = P). Ce travail peut être très énergivore et exige d’utiliser certains stratagèmes de conception de l’étage de sortie si on souhaite limiter la dissipation thermique en augmentant l’efficacité, ce qui nous mène directement vers le concept de classe d’opération.

Bien que nous parlions habituellement d’amplificateurs de puissance en classe A, B ou autre, ce n’est en fait que l’étage de sortie qui opère dans ce mode. Afin de faciliter la compréhension, il conviendrait donc d’envisager le circuit en deux sections. La première effectue le gain en voltage et comporte le plus grand nombre de composantes, bien qu’elles soient de petite taille. La seconde est l’étage de sortie qui fournit le gain en courant et qui comprend les pièces les plus massives de l’ensemble : transistors de puissance, drains de dissipation de chaleur, etc. Il existe des configurations où l’étage de sortie fournit lui aussi un certain gain en voltage mais ils ne sont pas la norme, quoique certains soient notables pour leur niveau de performance.

circuit simplifié d’un OPAMP attaquant un étage de puissance

Voilà qui prépare le terrain pour aborder notre sujet, mais d’autres points devront être abordés avant de pouvoir couvrir tous les facteurs qui détermineront la performance globale d’un amplificateur de puissance, et c’est ce que nous ferons lors de notre prochaine rencontre. Nous toucherons entre autres l’alimentation, un élément particulièrement important qui prend un niveau de complexité particulier à cause de la puissance impliquée. Nous irons de l’essentiel au plus sophistiqué : polarité simple ou double, régulée ou non, etc. Le dernier point d’importance avant de passer à l’analyse de la classe A sera le couplage de l’ampli à la charge (l’enceinte) en fonction de la technologie utilisée (semi-conducteurs ou tubes) et du type d’alimentation.

Parlons technologie… à suivre