L’insonorisation d’une salle d’écoute n’est pas une mince affaire. Plusieurs s’y aventurent au meilleur de leurs connaissances (souvent en appliquant des croyances et des techniques populaires, tels que les deux gypses sur une barre résiliente) et se retrouvent malheureusement avec des résultats qui ne sont pas à la hauteur de leurs attentes, tout en ayant dépensé. Il vous faut pourtant insonoriser votre local car vos voisins (et les personnes avec qui vous partagez votre habitation) nuiront, sans le vouloir, à votre bonne écoute autant que vous constituerez une menace à leur confort. Voici donc ce premier article d’une série de trois sur l’insonorisation. (Ces articles se limitent à un projet de salle d’écoute construite dans un sous-sol.)

Établissement de vos besoins
L’acoustique est une science précise qui traite souvent des données imprécises ou inconnues, comme la tolérance de votre famille face au bruit ou la transmissibilité des bruits par voies indirectes ou votre niveau d’écoute, etc. De plus, différentes situations demandent différents moyens. Ainsi, pour déterminer vos besoins d’insonorisation, il vous faut d’abord réfléchir à votre situation. Quelle est la réduction phonique que vous procure votre plancher avant la construction? À quel volume faites-vous votre écoute? Y a-t-il une cage d’escalier qui mène au local? Serez-vous en mesure de modifier les horaires de certaines de vos sessions d’écoute pour accommoder votre entourage? Quelle est la nature de l’occupation des espaces situés autour de votre salle; chambres à coucher? Garage? Les réponses à ces questions vous garantiront un bon résultat tout en vous faisant épargner.

Un petit sonomètre peut vous aider à quantifier votre besoin de façon approximative. Ceci est important puisqu’une erreur de 5 dB sur l’évaluation de vos besoins d’insonorisation peut représenter le double de la masse des cloisons et planchers/plafonds à construire. Il vous faut un appareil qui est capable de mesurer des niveaux de pression acoustique assez bas, comme 30 décibels. Réglez le sonomètre en mode dB(A), slow. Mesurez d’abord l’amplitude du son dans l’espace qui sera occupé par votre future salle à votre niveau d’écoute habituel (mesure A). (Ne vous gênez pas pour faire répéter le passage le plus fort.) La musique populaire ou rock est préférable pour cette expérience puisqu’elle est plus stable en amplitude donc plus facile à mesurer de façon adéquate. Faites une moyenne de cinq mesures effectuées à divers endroits dans la pièce. Allez à l’étage faire une série de mesures (mesure B). La différence entre les deux niveaux (A-B) vous donne la réduction phonique actuelle entre la source et le lieu sensible. Mesurez à nouveau à l’étage (mesure C) alors que quelqu’un baisse le volume du système de son jusqu’à ce que le niveau de pression acoustique soit confortable en haut. La différence entre les niveaux (B-C) vous donne la réduction phonique à ajouter. La différence entre les niveaux (A-C) vous donne la réduction phonique totale à obtenir.

Si vous disposez d’un sonomètre pouvant faire des mesures en bandes de fréquences, vous pourrez faire ce test avec plus de précision en comparant les lectures avec les courbes de critères NC. Les niveaux de bruit permissibles maximums varient selon l’occupation des locaux et sont spécifiés en termes de critères de bruit (Noise Criterion). Voir la figure suivante. Chaque courbe représente les niveaux de pression acoustique ayant la même sensation de volume. Comme on peut le voir, l’oreille humaine nécessite un plus haut niveau de pression acoustique en basses fréquences pour ressentir une même sensation de volume qu’à 1000 Hz par exemple.

Il est possible de tracer la courbe des valeurs A (mesure A voir ci-haut) sur ce graphique. On obtient ainsi, par exemple, le graphique suivant.

La valeur NC attribuable à une chambre à coucher est d’environ NC-23, ce qui correspond à 33 dB(A). Pour faire le calcul de l’isolation (perte par transmission) à obtenir, en bandes de fréquences, il suffit de soustraire les valeurs de la courbe NC-23 à celles de la mesure A. Ensuite, on peut se référer aux études mentionnées plus bas pour trouver l’assemblage plancher/plafond adéquat. Ces études donnent les pertes par transmission des cloisons et planchers/plafonds en bandes de fréquences, ce qui est beaucoup plus fiable.

Indice de transmission sonore ITS
Devrions-nous nous fier à l’indice de transmission sonore (ITS, en anglais STC pour Sound Transmission Class) pour évaluer la performance d’isolation d’une paroi?

En réalité, les cloisons sont d’abord évaluées en laboratoire où l’on fait un test de perte par transmission (en anglais TL pour Transmission Loss). Il s’agit, grossièrement, de mesurer la perte de pression acoustique entre un coté et l’autre de la paroi, ce par bandes de fréquences d’un tiers d’octave. Ces données sont précises et complètes mais complexes car le résultat est une courbe ou un tableau à plusieurs valeurs, tel que le montre la figure suivante.

Il convenait de trouver une forme à valeur unique, soit un seul chiffre pour simplifier. La valeur ITS représente une moyenne des valeurs de la courbe de perte par transmission spécialement calculée. Voici la courbe de référence pour calculer l’ITS.

Les conditions pour établir une valeur ITS sont les suivantes:

  • La moyenne des écarts entre les valeurs de perte par transmission et celles de la courbe ITS dans le sens défavorable ne doit pas dépasser 2 dB. Il faut diviser la somme des écarts défavorables par le nombre total de bandes de fréquences de mesure.
  • L’écart défavorable maximal à une fréquence quelconque ne doit pas dépasser 8 dB.
  • L’indice ITS est la valeur donnée par la courbe de référence à 500 Hz quand les conditions précédentes sont respectées. Sur la figure suivante, l’ITS résultant est de 31.

On peut remarquer que la courbe de référence ITS est moins exigeante et est limitée en basses fréquences pour deux raisons. La première est que l’oreille humaine est moins sensible en basses fréquences. Il est donc inutile d’exiger des hauts niveaux d’isolation dans ce registre. Ils sont par contre importants car les cloisons contiennent mal les basses. La deuxième repose sur le fait que, dans les années où a été inventé l’ITS, les sources de bruit ne contenaient pas beaucoup de basses. On pense à la parole, les bruits dans les bureaux, le petit radio transistor dans la cuisine et la télé qui contenait un petit haut-parleur. Mais les temps ont changé et la courbe devrait être revue surtout parce qu’elle ne considère aucune valeur en deçà de 100 Hz. De plus, la procédure pour déterminer la valeur ITS tolère des écarts allant jusqu’à 8 dB dans une bande de fréquence pour le calcul de l’ITS à partir des valeurs de perte par transmission. Deux cloisons de performances très différentes peuvent retrouver le même ITS. Par exemple un ITS pourrait sembler excellent alors que ses valeurs de pertes par transmission seraient élevées uniquement dans les hautes fréquences. Nous avons surtout besoin d’isolation en basses fréquences. Ceci étant dit, il est beaucoup plus avisé de se fier aux valeurs de perte par transmission publiées par les laboratoires de recherche telles les deux excellentes études suivantes du CNRC (Conseil national de recherche du Canada) :

Cloisons :
IRC-IR-761; Gupsum Board Walls Transmission Loss Data, Halliwell, R.E.; Nightingale, T.R.T.; Warnock, A.C.C., Birta, J.A.

Planchers/plafonds:
IRC-IR-811, Detailed Report for Consortium on Fire Resistance and Sound Insulation of Floors: Sound Transmission and Impact Insulation Data on 1/3 Octave Bands by A.C.C. Warnock & J.A. Birta.

Références
Environmental Acoustics, McGraw-Hill, Leslie Doelle, 1972
Métrologie acoustique et insonorisation, Éditions FM, Michel Bochud, 1985.