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Tout, et seulement tout pour la musique

Il faut d’abord faire un rappel historique de la situation et surtout des gens qui ont participé et innové dans le domaine de la haute fidélité. Sans leur créativité et leur ténacité, nous n’aurions pas pu vraiment connaître les joies que procure l’écoute de notre musique dans nos salons. Soyons clairs : ce serait présomptueux de ma part de prétendre pouvoir analyser un appareil comme le IT de Lavardin Technologies, comme tout autre appareil. Pas que je dénigre les autres produits mais surtout parce que cet intégré est dans une classe vraiment à part ; une classe qui se sert d’analyses objectives amenant des conclusions subjectives qui servent mondialement de référence en la matière. Durant les années 1980-1990 paraissait en France une revue baptisée l’Audiophile. Beaucoup de rédacteurs d’articles dans cette revue sont devenus pour moi les défricheurs de ce qui allait faire naître la haute fidélité de haut niveau. De mémoire, j’évoquerais ici les noms de Pierre Johannet, Jean Hiraga, Pierre Loyez, Edouard Pastor, pour n’en citer que quelques-uns, véritables précurseurs et vulgarisateurs publiant des articles sur l’importance des câbles de qualité dans nos systèmes haute-fidélité, dissertant sur l’analyse subjective des transistors en les comparant à l’écoute, parlant de l’avènement du lecteur de disques compacts, décrivant les grandes réalisations d’amateurs passionnés, etc. Il y avait aussi dans cette revue Gérard Perrot, un auteur qui signait Héphaïstos et dont je dévorais tous les articles. À une époque où on ne s’étendait absolument pas sur la partie écoute d’un produit dans les revues audio – on se contentait seulement de vérifier les caractéristiques publiées par les manufacturiers et de faire une description esthétique et technologique des appareils -, il fallait être animé d’une bonne dose de passion pour rédiger des articles comme l’a fait Gérard Perrot, sur la distorsion thermique des semi-conducteurs et plus précisément sur la distorsion de mémoire des transistors.

Et c’est à partir de ces travaux et toute la philosophie qui en découle que les appareils Lavardin ont pu voir le jour. Si la distorsion de mémoire est un phénomène ignoré ou décelé mais laissé pour compte dans la plupart des réalisations électroniques à transistors, le tube lui est moins entaché par ce défaut ce qui lui donne une supériorité subjective ; d’où cet engouement qui perdure pour les appareils à tubes. Nous avons là le point principal de toute la recherche et qui mènera à la réalisation des appareils Lavardin. Pourtant, comme le montre l’intérieur de l’intégré IT, plusieurs détails nous révèleront en bien des endroits que plusieurs concepts innovants sont mis en appli- cation, avec des techniques radicalement différentes.

La distorsion de mémoire
Selon les ingénieurs de Lavardin : « Alors que les tubes font voyager les électrons dans le vide, les transistors utilisent un matériau semi-conducteur solide. Nous avons découvert que ces puces de silicium gardent une trace fugitive des flux d’électrons qui les traversent. Cette signature, en venant s’ajouter au signal audio, entraîne une forme de brouillage qui joue un rôle fondamental à la fois dans la dureté et la pauvreté du son des amplificateurs traditionnels ».

C’est donc en comparant les amplificateurs à tubes et en observant que ceux-ci présentaient une distorsion de mémoire souvent dix fois moindre, que l’ingénierie de Lavardin a développé une nouvelle approche pour ses circuits. Le constructeur souligne aussi que cette réduction d’effet de mémoire, presque absente dans les réalisations à tubes, faisait préférer, musicalement parlant, cette technologie: aurions-nous là la révélation du secret de l’engouement permanent des amplifications à tubes et leur riche sonorité ?

Réalisation interne
Une fois la plaque d’aluminium fermant le coffret retirée, les nouveaux concepts ne sautent pas immédiatement aux yeux ; et c’est tant mieux car l’objet mérite toute notre attention. C’est d’abord le coffrage complet du transformateur dans un boîtier d’aluminium de très forte épaisseur qui se remarque en premier et le fait que ce dit coffrage soit isolé du châssis principal par des amortisseurs en néoprène. Suit une carte imprimée pour le banc de filtrage, une autre carte sur laquelle sont fixées les entrées des sources, toutes pilotées par relais et, de part et d’autre du châssis les cartes d’amplification. Un potentiomètre – Alps – et sa petite carte de connexion, un sélecteur rotatif rejoignant à l’aide d’une tringlerie la carte des entrées, voici somme toute une description classique de ce qu’on retrouve généralement dans un intégré : soulignons ici la très belle architecture symétrique de cet intégré IT. Mais voilà, c’est en s’attardant un peu que les choses changent et nous montrent, pour chaque partie concernée, des détails qui ont sûrement conduit à faire de cet intégré Lavardin un objet musical très différent.

La première surprise concerne les fils de liaison étages d’entrées et les liaisons sorties de haut-parleur. Les liaisons de la carte d’entrée au potentiomètre et de la jonction aux cartes amplificatrices se fait via des fils monobrin émaillés sans adjonction de fil de masse tressé, comme on le voit traditionnellement. Les sorties haut-parleurs sont elles aussi particulières puisqu’il s’agit d’un fil, multibrin celui-là, totalement dénudé. Pour le reste… il me sera difficile d’aller plus loin car tous les transistors ont vu leurs références effacées et les composants devant demeurer « secrets », encapsulés. La construction interne est parfaite et on sent surtout une réalisation très «humaine» ce qui, par les temps qui courent, est plutôt rare.

Réalisation externe
C’est indéniablement un très bel objet, aux proportions harmonieuses. Même si j’ai lu quelque part que certains le qualifiait d’austère, je dirais plutôt que l’intégré IT de Lavardin a de la classe, un peu comme un habit Toxedo, nœud papillon compris, peut avoir de la classe. C’est incontestablement un appareil fait pour durer et dans plusieurs années, on pourra encore dire qu’il est élégant, et non austère, comme un homme en habit de Toxedo ; indémodable et très chic. La finition des arêtes des pièces de métal est ici à donner en exemple ! Pas de bord tranchant, pas de zone dangereuse au contact, ici tout est parfaitement arrondi et poli. Les traitements de surface de tout le coffret – entièrement réalisé en aluminium – sont admirables, tout comme le sont les deux boutons rotatifs des commandes, volume et sources, massifs et magnifiquement tournés. Le poussoir de mise en marche est digne des appareils sophistiqués de laboratoire. La face arrière possède une seule paire de connecteurs par canal pour les enceintes, aucune prise XLR toutes les entrées étant en RCA et un cor- don enfichable standard. Là encore, Lavardin affiche ses préférences radicales, jusque dans le choix de la DEL de mise en marche… qui est rouge.

Préparation à l’écoute
En visitant le site Lavardin ou en consultant les brochures de cette compagnie, bien des gens seront surpris par le côté affirmé de l’entreprise. Pourtant, d’une certaine manière, je dois admettre qu’il est difficile pour des concepteurs de se voir affublés d’objets divers et qui, soit disant, viendront « enjoliver » ou « parfaire » les sons émis par l’appareil. Il faut comprendre aussi que le but de Lavardin est de proposer un produit que ses ingénieurs pensent comme abouti et comme étant le fruit d’une recherche intensive ayant mené à une réelle innovation technologique. Personnellement, j’appuie entièrement cette démarche qui consiste à dire « écoutez mon appareil d’abord », avant toute intervention de type ésotérique ou pire, de toutes connexions magiques. Vouloir modifier les sons émis grâce à des câbles spécifiques, dans le cas d’un Lavardin, c’est ne pas comprendre la source de toutes les recherches qui ont mené à ce produit exceptionnel. Évitez donc les barres magiques dédiées au secteur, les câbles munis de boîtiers aux fonctions transcendantales, les câbles à forte tendance inductive (câbles plats), nous conseillent les ingénieurs de Lavardin et écoutez simplement notre produit tel qu’il est, tel qu’il a été conçu. C’est le manuel d’instructions qui nous met sur la voie et nous met en garde contre une utilisation abusive de divers produits qui pourraient entacher l’œuvre Lavardin au complet. Fort de ces recommandations et pour goûter aux bienfaits de la philosophie, j’ai donc agi en conséquence et placé un cordon secteur standard, des câbles haut-parleurs classiques tout comme mes câbles de liaison et utilisé mes 2 paires d’enceintes (89 dB et 93 dB) qui ont l’avantage de présenter une impédance presque constante de 7 Ω, ce qui suit bien la recommandation de Lavardin. Quand je dis que mes câbles liaison sont standards, pensez standard mais de haute qualité tout de même ! L’intégré IT de Lavardin a été mis en fonction pendant une heure avant chaque écoute. Avant de rencontrer la musique, j’ai écouté son silence ; aucun bruit de rayonnement de transformateur n’est perceptible, même l’oreille posée sur le coffret interne, pas plus que de bruit de fond dans les enceintes ; il faut vraiment se placer à un pouce du tweeter pour percevoir un quelconque souffle. Mes enceintes n’ont amais été aussi silencieuses ; c’est remarquable !

Rencontre avec la musique
Recevoir un appareil Lavardin chez soi, c’est comme inviter à souper son artiste préféré ; on est ému et on se demande un instant si tout ça est bien vrai, si tout ce qu’on raconte sur le personnage, tout ce qu’on a lu, en bien ou en mal, va s’avérer exact. Le IT de Lavardin est installé, les confrères en amont et en aval branchés, l’écoute peut commencer. On verra peut-être un trait d’humour dans le premier titre choisi mais le Requiem de Jean Gilles commence par un battement de tambours qui vous donne immédiatement une idée de la dimension de la salle. Suit l’introduction des violons et la voix nous apparaît claire et particulièrement charnelle. La soprano entre en scène et s’engage un dialogue qui ne m’est jamais apparu aussi limpide. Même si je connais bien mon disque, le IT de Lavardin excelle, comme s’il accentuait l’articulation des chanteurs. L’accompagnement constant et la mise en scène globale est magnifiée et la musique est enveloppante. C’est d’ailleurs ma première découverte avec cet intégré, son pouvoir de donner à cette prestation musicale (oh combien enregistrée de façon admirable !) une sensation de relief non seulement entre les enceintes mais aussi devant elles – comprenez devant chacune des enceintes. On ne parle pas ici d’enceinte gauche et droite avec une belle présence entre les deux, mais aussi de matière devant chaque enceinte, comme quelque chose de plus étalé dans ma salle, entre chacune des enceintes et ma position d’écoute. Dans la pièce Inclinavit coelos, je sens d’une manière stupéfiante que l’enregistrement est différent et que la prise de son donne plus de chaleur aux voix ; le coffret du disque ne précise malheureusement rien, si ce n’est la date d’enregistrement – 1990 – et le nom de la personne qui a réaisé la prise de son – Michel Pierre.

Je passe maintenant à un disque de compilation Café Del Mar, le partenaire idéal pour cette description puisqu’il nous propose des plages d’origine différente, des enregistrements et des lieux de prises de son différents aussi mais surtout un beau mélange musical fusion. De Paco de Lucia à Mari Boine en passant par Lamb et Coldplay, toute une brochette prestigieuse pour révéler les pouvoirs musicaux du IT de Lavardin. Si cet intégré est musical, pour utiliser un cliché, il a aussi des pouvoirs ! Le premier de ces pouvoirs, facilement décelable, c’est qu’il révèle qu’une compilation n’est pas seulement une suite de prestations musicales différentes mais surtout une ambiance qui ne forme jamais un tout, même si on ne change pas de support musical. En d’autres termes, c’est comme si quelqu’un changeait les disques compacts au fur et à mesure de mon écoute, tant les sensations sont différentes. Oui, l’intégré IT de Lavardin excelle dans les différences, les nuances et les subtilités ; certaines subtilités apparaissant d’ailleurs comme plus nombreuses grâce à lui ! Sur la pièce de Ben Onono, Tatouage Bleu, le concept de superposition voix-instruments est particulièrement senti avec l’intégré IT, trop même, comme lorsqu’on remarque le trucage évident dans un film. Je poursuis avec une autre compilation qui nous fait voyager d’un continent à l’autre ; de l’Amérique à l’Afrique, une sorte de carnet de voyage musical. Ce choix me permet bien de voir qu’à chaque morceau de musique on change bien de continent, de rythme, d’ambiance et de type d’enregistrement. L’intégré IT de Lavardin libère bien plus de détails que d’habitude, avec une précision rare qui ajoute au plaisir. Cette surprenante précision joue plus sur la longueur des notes, qui semblent se prolonger plus qu’avec mon équipement habituel, ainsi que sur les harmoniques qui paraissent plus nombreuses, plus chatoyantes. La sensation presque magique que donne l’écoute du IT de Lavardin est un peu celle d’un écran d’images qu’on pensait satisfaisant et dont on vient de parfaire le réglage, pour une plus grande netteté. En d’autres termes, et pour revenir dans le domaine acoustique, c’est comme si une grille imaginaire avait été retirée de la face avant de mes enceintes – qui n’en possèdent pas ! Dans l’extrait de Sandra Rumolino (Argentine), les claquements de mains se réfléchissent dans les coins du studio, créant un écho flottant qui n’était pas perçu aussi distinctement auparavant. Si je suis satisfait de ce que je possède depuis bien des années, je dois dire que le IT de Lavardin me fait percevoir beaucoup plus de richesses et d’émotions, principalement dans le placement des instruments où dans le fait que je ressens exactement le métal que l’on frotte, les cordes pincées et les peaux qu’on frappe à répétition, tout est vraiment plus détaillé, c’est envoûtant. C’est bien ça, l’intégré IT de Lavardin fouille les nuances et donne un renouveau à votre écoute dans la présence, je le répète, entre chaque enceinte et vous. Dans la pièce d’Isabel et Angel Parra (Chili), je suis même renversé par la précision de la voix que je percevais toujours comme un peu floue. Viennent ensuite Kari Bremnes et Renaud Garcia Fons, et bien d’autres… Pour la découverte de nouveaux plaisirs, de nouveaux détails, de nouvelles richesses musicales avec le IT de Lavardin

Conclusion
Pour ceux qui pensent qu’un intégré n’est qu’un appareil commode qui permet de choisir différentes sources et qu’une seule unité de puissance dans un même coffret, attendez-vous à être plus que surpris. L’intégré IT de Lavardin est dans une classe musicale à part et il faut saluer ici les recherches qui ont mené à un produit aussi exceptionnel. Pour les quelques vilaines langues qui diront qu’avec une puissance annoncée de 2 x 55 W – l’intégré paraît beaucoup plus puissant, en témoigne le fortissimo des masses orchestrales qui sont sans rapport avec les watts annoncés, aucune télécommande, un aspect « austère »… et une diode rouge, il y a de meilleurs choix. Pour ces gens-là, on pourra dire sans se tromper qu’ils n’ont jamais écouté un IT de Lavardin plus de deux minutes – c’est un mal très répandu dans l’audio, que d’écouter deux minutes un appareil et penser qu’on peut donner un avis sérieux ! Pour ressentir le fruit d’une recherche électronique sans compromis, pour sa beauté esthétique et musicale, pour les détails qu’on découvre en sa compagnie et parce que le plaisir est multiplié par cent à chaque écoute, sur n’importe quelle prestation, j’inviterais tous les lecteurs, même ceux qui n’ont pas le budget, à écouter cet appareil et à s’en servir comme référence. Car l’intégré IT de Lavardin c’est bien pour moi la référence de ce que doit être unintégré aujourd’hui. Cet appareil passera à l’histoire et dans plusieurs décennies on le citera encore en exemple. Car, comme le disait Gucci, « Le prix, on l’oublie, seule la qualité reste »!

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
Garantie : 8 200 $
Prix : 3 ans, pièces et main-d’œuvre
Distributeur : Codell Audio, Tél. : 514.737.4531,
www.codellaudio.com
www.lavardin.com/lavardin-indexF.html

MÉDIAGRAPHIE
Jean Gilles, Requiem, Harmonia Mundi, HMX 29811341
Café Del Mar – The Best Of – Compiled by José Padilla, Mercury Records, 0249811498
Carnet de voyages musicaux – Afrique • Amérique, Arion, ARN50593
Kari Bremnes, Norvegian Mood, FXCD 221
Renaud Garcia Fons, Arcoluz, Enja / Justin Time, JENJ 3325-2
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