L’enceinte semi-active Pacific 3 SA de Cabasse
La dernière-née du fabricant Cabasse
Cabasse est un des premiers fabricants français de haut-parleurs et d’enceintes acoustiques. Cette entreprise située en Bretagne fut fondée en 1950 par Georges Cabasse, un physicien spécialisé en acoustique. Deux ans plus tard, Cabasse réalise l’un des premiers haut-parleurs coaxiaux
nommé le Diphone, un 36 cm de diamètre avec un 12 cm au centre pour l’aigu. En 1958, ce fabricant conçoit la première enceinte au monde avec des amplificateurs intégrés. À cette époque, ses réalisations se situaient surtout dans le domaine de la sonorisation professionnelle et de la radiodiffusion. C’est en 1959 que Cabasse s’installa définitivement à Brest pour y construire l’une des plus grandes chambres sourdes qui puisse exister. Cet outil était incontournable pour la mise au point de ses enceintes acoustiques. On doit également à Cabasse la structure en nid d’abeille pour les haut-parleurs de graves et le Duocell, une structure de membrane en mousse thermoformée. Toutes ces innovations mèneront en 1992 à la première version du haut-parleur SCS (Source à Cohérence Spatiale), une demi-sphère pulsante incluant concentriquement le haut-parleur d’aigu et de fréquences moyennes. Par la suite, la compagnie a connu des hauts et des bas, pour être finalement rachetée en 2006 par le groupe japonais Canon. Cette recapitalisation de l’entreprise Cabasse a permis de moderniser sa production actuelle ainsi que donné naissance à la Pacific 3 SA, que je teste aujourd’hui pour vous.
Bien que l’entreprise ait déjà fabriqué en 1965 des enceintes sous-marines pour la Marine Nationale française, le BC17 n’est pas le nom d’un célèbre sous-marin, mais bel et bien le numéro du dernier haut-parleur coaxial en forme de demi-sphère. Ce dernier est le résultat de 3 années de développement, et celui-ci associe un médium-à dôme à un bas-médium annulaire, lequel forme une portion de sphère dont les propriétés de dispersion s’apparentent à celles d’une sphère pulsante. Ce transducteur BC17 équipe déjà l’enceinte Riga qui se présente sous la forme d’une sphère d’environ 21 cm de diamètre et que l’on peut installer sur un mur, sur un socle ou sur un pied très élégant. Le BC17 est relativement facile à alimenter car sa sensibilité se situe autour de 91 dB pour une impédance nominale de 8 ohms et une impédance minimale de 4 ohms.
Dans le cas de la Pacific 3 SA, sa réponse en fréquences s’étend de 175 Hz à 20 000 Hz et sa fréquence de coupure se situe autour de 1 830 Hz. Les lettres SA signifient que l’enceinte est semi amplifiée, c’est-à-dire que ses deux woofers de 21 cm à membrane à dôme inversé et structure en nid d’abeille sont amplifiés par un module interne en classe D de 450 watts/canal. Ce dernier est muni de son pro- pre filtre et d’un potentiomètre qui permet d’ajuster le niveau de grave de plus ou moins 6 dB par rapport à la grandeur et l’acoustique de la pièce d’écoute. En somme, c’est ce qui permet d’aller chercher une bonne extension dans le grave jusqu’à 38 Hz dans un volume clos. Par rapport à une enceinte passive qui fonctionne en « bass reflex », le volume peut être diminué d’au moins 20 %. Donc l’amplificateur qui est associé à cette enceinte se trouve libéré de la charge que représentent les deux transducteurs de graves et peut ainsi s’exprimer sans s’essouffler.
Svelte Pacific
Dans le cas de la Pacific 3 SA, le BC17 est installé dans une élégante colonne de 129 cm de hauteur par seulement 29 cm de largeur. Sa profondeur relativement modeste de 49 cm fait en sorte que malgré un bon volume, cette enceinte n’apparaît pas trop massive dans un salon de grandeur moyenne. La face avant se termine dans le bas par une courbe qui permet de diminuer le parallélisme des parois internes qui peut occasionner la formation d’ondes stationnaires et de réflexions nocives pour la sonorité. Les côtés de l’enceinte offrent à voir de belles courbes qui sont un rappel visuel de la face avant. Ces dernières sont obtenues par l’ajout de plaques de fibre de bois àhaute densité, faisant entre autre varier l’épaisseur des parois latérales. Cette astuce associée à des renforts internes judicieusement positionnés, permet de casser la résonnance naturelle de ce matériau qui peut être pour ainsi dire « excitée » à certaines fréquences. La laque noire finie grand piano est superbement polie. Le socle qui sert de base excède légèrement la surface de l’enceinte, venant augmenter la stabilité au sol et donner accès aux 4 pointes ajustables par le dessus.
Le filtre a été réduit au maximum afin de préserver la dynamique du BC17 qui, dans cet assemblage, peut encaisser un bon 500 watts crête. À l’arrière, on ne retrouve qu’une seule paire de connecteurs façon WBT, une tradition chez Cabasse, lesquels ne permettent pas le bi câblage. Comme la Pacific 3 SA ne possède pas d’évent accordé, son positionnement dans le local d’écoute s’en trouve ainsi grandement facilité. Deux choix de grilles protectrices sont disponibles, soit un modèle qui recouvre entièrement tous les haut-parleurs et un autre en forme de coquille rigide qui ne recouvre que le BC17.
La transparence et le détail sont d’un très bon niveau et les timbres sont quant à eux respectés à la lettre. Ces caractéristiques associées à une image stéréophonique très large m’ont donné par certains moments l’impression d’écouter un grand panneau électrostatique mais, avec en bonus, de la dynamique à revendre et une directivité quasi inexistante.
Bref, avec la Pacific 3 SA, c’est un peu comme si vous aviez deux caissons de graves et deux enceintes satellites constituées d’un BC17 — le tout incorporé dans une paire d’enceintes relativement facile à loger. Les haut-parleurs sont installés dans une configuration d’Appolito dans laquelle les deux woofers sont montés verticalement sur le dessus et en dessous du BC17. Cette configuration associée à la cohérence de dispersion du BC17 permet aux différents lobes de directivité des haut-parleurs de se rencontrer de façon optimale, et ce, en vue de créer une image stéréophonique précise et parfaitement focalisée.
À l’écoute de cette belle bretonne
J’ai eu l’occasion d’en faire de brèves écoutes avec différents amplificateurs à lampes ou à transistors, de faible comme de forte puissance. Les propriétés de la Pacific 3 SA exigent une amplification et des sources de qualité mais la puissance n’est cependant pas une nécessité absolue. Les 30 watts/canal de mon fidèle A21SE de Sugden se sont montrés largement suffisants pour faire chanter cette beauté racée dans une pièce relativement grande. Par moments, j’avais l’impression d’écouter un amplificateur beaucoup plus puissant. Les 450 watts d’asservissement des deux woofers procurent un contrôle hors pair et inespéré de la part d’un amplificateur de faible à moyenne puissance. Ce qui saute aux yeux, ou devrais-je dire aux oreilles en première écoute, ce sont les propriétés de spatialisation du BC17 qui permettent de bien situer les musiciens et les interprètes par le biais d’un bon enregistrement. L’image stéréophonique est large et déborde amplement le cadre des enceintes. En pareil cas, vous pouvez même percevoir une amélioration en hauteur, ce qui vous donne l’impression d’une image stéréophonique en grandeur réelle. Cette dernière se forme davantage vers l’avant et sur le plan des enceintes que vers l’arrière, même si la sensation de profondeur demeure réaliste. Vous bénéficiez ainsi d’une présence accrue des musi- ciens et des interprètes dans votre local d’écoute.
La transparence et le détail sont d’un très bon niveau et les timbres sont quant à eux respectés à la lettre. Ces caractéristiques associées à une image stéréophonique très large m’ont donné par certains moments l’impression d’écouter un grand panneau électrostatique mais, avec en bonus, de la dynamique à revendre et une directivité quasi inexistante. Vous pouvez vous écarter passablement du point central d’écoute et garder une image stéréophonique plus que convenable, ce qui fait de la Pacific 3 SA une enceinte très conviviale plutôt qu’un plaisir d’écoute solitaire. Du côté des basses fréquences le contrôle des woofers est puissant, les impacts de grosse caisse ont du punch et les notes de contrebasse sont parfaitement détourées et sans exagération. Dans l’absolu, cette enceinte ne sera pas la plus étendue en basse fréquence dans sa catégorie de prix, mais en pratique, elle vous permet une intégration plus facile dans des pièces de dimension moyenne. À cet effet, le contrôle du gain des woofers situé à l’arrière de l’enceinte est d’une aide très appréciable. De toute façon, à quoi bon descendre jusqu’à 20 Hz si la grandeur de votre pièce ne vous permet pas de l’entendre et n’a pour effet que de faire vibrer malencontreusement les portes vitrées de votre bibliothèque.
Paris-Istanbul–Shangai
C’est le titre d’un CD du percussionniste Joël Grare qui, pour l’occasion, a formé un ensemble de diverses percussions, d’un violon chinois à deux cordes, d’un théorbe, d’un violoncelle, d’une chanteuse soprano et d’une contrebasse. Cet enregistrement est tout simplement magnifique et la diversité des instruments me permet de bien cerner la véracité des timbres d’une enceinte ou d’une composante audiophonique. Avec la Pacific 3 SA, vous êtes directement au cœur de l’action et sa cohérence spatiale donne une tangibilité presque palpable aux différents instruments. La présence des voix est remarquable, sans être trop projetée vers l’avant et sans exagération des sibilantes. Sur certaines enceintes portées sur les hautes fréquences, le timbre du violon chinois à deux cordes peut devenir grinçant à la longue, mais sur cette Cabasse, celui-ci gagne en véracité, tout en préservant une certaine retenue de bon aloi. Dans la troisième pièce, nous avons affaire à un solo de contrebasse acoustique, duquel je peux très bien sentir la caisse de résonnance de l’instrument ainsi que sa dimension. La pièce numéro 12 est un enchevêtrement de multiples percussions dont un énorme tambour à la verticale ayant presque la hauteur d’un homme. Ce tambour est frappé à quelques reprises et, à chaque fois, la Pacific 3 SA me laisse très bien entendre le timbre et la puissance de l’immense peau qui prend un long délai avant de s’éteindre jusqu’au silence total.
Ceremony
Sur cet album, on peut entendre la musique d’Omar Sosa interprétée par le NDR Bigband (Numalian Democratic Republic). Ce sont des pièces de jazz orchestrées pour un grand ensemble, avec des arrangements denses et touffus, mais faciles à suivre par leurs influences afro-cubaines. Cet enregistrement très lucide et dynamique ne pose aucun problème à la Pacific 3 SA qui suit toutes les partitions de façon précise accompagnée d’une image stéréophonique où chaque instrument est correctement focalisé. Je sens très bien la dimension du grand orchestre qui s’exécute dans un vaste studio d’enregistrement. Sur cette œuvre, la dynamique de la Pacific 3 SA semble sans limite et m’offre littéralement un mur de sons dans mon salon. Et je le répète, tout cela avec un amplificateur d’à peine 30 watts par canal, mais en pure classe A. J’aurais bien aimé entendre cette enceinte avec un intégré très haut de gamme, comme le D-Premier de Devialet ou le 845 Evolution de Mastersound avec ses deux énormes lampes triodes 845 par canal. Pour ce genre d’amplification plus restrictive quant au choix d’une enceinte, la Pacific 3 SA est sûrement l’un des meilleurs choix à considérer pour une bonne synergie.
Dorian Sampler, volume II
Je termine mes écoutes avec ce CD de la défunte étiquette Dorian Recordings. Il s’agit d’une compilation de différents artistes et ensembles associés à ce label. Sur la pièce numéro 9, on peut y entendre une transcription Des Tableaux d’une Exposition de Mussorgsky pour orgue interprétée par Jean Guillou. Cet enregistrement solo de l’orgue du Troy Savings Bank Music Hall de New York est l’un des meilleurs qui soit à mon avis. L’acoustique y est superbe et la partition de monsieur Guillou l’amène à utiliser les très basses fréquences de l’orgue. La configuration semi amplifiée de la Cabasse me permet quant à elle d’explorer ces basses fréquences à un niveau de volume assez élevé. Mon fidèle Sugden a pu s’enquérir de la tâche sans montrer de fatigue ou d’essoufflement de la part de son alimentation. L’enceinte m’alloue une représentation très réaliste de l’espace du lieu de l’enregistrement et suit parfaitement la partition, des plus hautes notes jusqu’aux plus basses. Dans ce cas, la limitation de la Pacific 3 SA à 37 Hz ne m’apparaît pas comme un handicap, et pour la première fois depuis que je possède cet enregistrement, j’ai l’impression de pouvoir le déguster dans son intégralité. La plage numéro 2 de cette compilation me donne à entendre la superbe voix de Julianne Baird accompagnée par l’excellent luthiste Ronn McFarlane, dans une pièce de musique anglaise datant du 17ième siècle. Encore là, les timbres de la voix et de l’instrument sont scrupuleusement respectés et toute l’expressivité du jeu du luthiste m’est retranscrite subtilement. Le registre soprano de madame Baird peut atteindre les plus hautes notes, et ce, sans que l’exercice ne devienne trop dur ou perçant. Bref, c’est un sans faute pour la Pacific 3 SA dans ce type de musique tout en nuances.
Conclusion et recommandations
Vous l’aurez compris, j’ai passé du très bon temps avec la Pacific 3 SA de Cabasse, sans avoir à demander en renfort la cavalerie des watts supplémentaires d’un gros amplificateur. Si jamais vous percevez certaines limitations dans les extrêmes graves, vous pourrez configurer le tout à l’aide du contrôle du gain des woofers de ce modèle d’enceinte afin d’obtenir la performance désirée. Elle s’adapte autant à votre environnement qu’à tous les styles de musique, mais apprécie particulièrement les grands orchestres. Même si celle-ci joue très bien avec de petits amplificateurs, elle se situe dans une classe à part et exige que l’on soit aux petits soins quant à son installation et à sa mise en œuvre. Elle est par ailleurs assez révélatrice pour vous montrer tout changement au niveau des câbles et de l’électronique utilisés en amont. Donc, il ne faut pas être négligeant sur la qualité des composantes à lui associer, et prendre le temps de débusquer les bons éléments pour obtenir une synergie parfaite.
RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
Prix : 22 000 $ la paire
Garantie : 5 ans, pièces et main-d’oeuvre
Distributeur : Cabasse Canada Distribution,
www.cabassecanada.com
Médiagraphie
Bliss, Quiet Letters, U.S Edition, QMG 1003-2 Dorian Sampler, Volume II, DOR-90002
Joël Grare, Paris-Istanbul-Shangai, Alpha 523
Joni Mitchell, Travelogue, Nonesuch 79817-2
Omar Sosa & NDR Bigband, Ceremony, OTA 1021
Remerciements
La rédaction remercie Cabasse Canada Distribution pour le prêt des enceintes
ainsi que M. Patrick Sareault pour le support technique.
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