Pour tous les amoureux de vinyles et les autres !
Depuis le temps que j’écris dans ce magazine, disons plus de 25 ans, je n’ai pas souvenir d’avoir testé un appareil provenant de la Pologne. C’est bien de ce pays que nous arrive ce préamplificateur phono Gratia de Fezz Audio. J’ai quand même fait un joli tour du monde, partant du Canada pour les États-Unis, la France, l’Angleterre, l’Italie bien sûr, mais aussi la Grèce et de nombreux pays d’Asie. Quel beau tour du monde… en audio ! Mais de Pologne, jamais. Pourquoi ? Je ne peux pas vraiment l’expliquer, sauf peut-être y voir une similitude avec ce qui se passe dans le secteur automobile où je constate, au Canada, l’absence de marques comme Peugeot, Renault ou Citroën. Et personne ne contestera les qualités de ces trois marques tout comme celles de produits audio qui nous viennent de l’Europe de l’Est, tel ce préamplificateur phono que nous allons examiner ensemble maintenant.
On le nomme Gratia peut-être pour gracieux, car c’est un adjectif qui lui va bien. Et discret aussi, esthétiquement parlant. Remarquez qu’il n’y a pas grand-chose à présenter sur un préampli phono, aucun bouton à ajuster en cours d’écoute, pas de refroidisseur à intégrer dans le look du coffret… Il faut donc être simple et efficace !
Nous aurons donc un logo de Fezz qui s’allumera lorsque mis en fonction, avec un interrupteur placé sur le côté droit de l’appareil. Le coffret est élégant, noir dans le cas du Gratia qui m’a été confié, disponible également dans différentes couleurs – couleurs joyeuses. Merci Fezz Audio ! Le manufacturier étend sa gamme à des appareils issus de technologies à tubes ou à transistors, en préamplis ou en amplis de puissance, mais c’est le tube qui prime dans son catalogue.
La partie dédiée aux phonos comporte 3 appareils qui répondent à des besoins différents et à des clients différents aussi. Pour une première approche, l’audiophile pourra se diriger vers le Gaia Mini pour les cartouches à aimants mobiles (MM), puis au Gaia EVO et, enfin, à notre concurrent d’aujourd’hui, le Gratia qui est au sommet de la gamme actuelle. En regard des prix très abordables de tous les appareils Fezz Audio, c’est plutôt le pourcentage en utilisation qui devra guider le futur client. Si les vinyles ne représentent que 10 % de son utilisation, il pourra aller vers le Gaia Mini ou le Gaia EVO, mais étant donné le bas prix du Gratia, rien ne l’empêchera de débuter immédiatement par lui !
Techniques et connexions
C’est à l’arrière du coffret que tout se passe, le principal étant là. Fezz Audio nous gratifie de 2 paires d’entrées, l’une pour cartouches à aimant mobile (MM) et l’autre pour cartouches à bobine mobile (MC). Une troisième paire est dédiée à la sortie et je dois préciser que toutes sont de très haute qualité.
Côté réglages, vous pourrez choisir la position en fonction de votre goût (MM ou MC), établir si vous pouvez ou non vous passer du filtre subsonique pour votre platine vinyle, choisir le gain correspondant à votre cartouche et enfin faire une écoute en mono, si votre collection de disques noirs comporte des 78 tours ou des 33 tours mono.
Même si ceci n’entache pas le contact, j’aurais préféré un lien plus facile avec la connexion de masse plutôt que celle qui est proposée, mais bon, une fois notre fil de terre accroché au Gratia, on n’y pense plus !
Une prise IEC avec fusible incorporé et une isolation que procurent 4 pieds coniques, en caoutchouc complètent ma description externe.
C’est en retirant le capot inférieur –14 vis le maintiennent en place, que nous accédons aux entrailles du gracieux Gratia pour y découvrir un travail particulièrement soigné et des composants de premier choix. De l’alimentation stabilisée utilisant un transfo torique encapsulé et fabriqué lui aussi en Pologne, au circuit d’amplificateurs opérationnels Burson Audio Supreme V5i, tout respire le soin qui mènera à un bon résultat sonore immanquable. La place vide, dans le coffret, est amortie par un tapis de mousse dense et compacte collée à même le métal. La place restante, inoccupée, et la partie supérieure du capot,une fois le Gratia remis sur ses patins de caoutchouc en sont pourvues. Cette attention d’anéantissement de vibrations est tout à fait louable, car un circuit phono, plus que tout autre appareil audio, est assurément plus sensible aux perturbations électromécaniques. Si, comme je l’ai dit en début d’article, je n’ai jamais rencontré d’appareil audio fabriqué en Pologne, je n’ai pas d’image négative concernant les produits venant de l’Europe de l’Est, car j’y ai souvent perçu un travail soigné et une certaine touche artisanale là où on sent bien une main humaine avoir signé un appareil. Et ce Gratia de Fezz Audio en est une belle illustration.
L’écoute
J’ai eu recours à ma platine vinyle habituelle équipée de sa cartouche habituelle. Les essais ont été effectués avec des interconnecteurs identiques en longueur et en technologie – mêmes câbles blindés et mêmes origines pour les connecteurs RCA. La longueur des connexions issue de la platine vinyle et celle qui sort du préampli phono Gratia de Fezz Audio pour rejoindre mon préampli, sont les mêmes. Ma propre cartouche est à aimant mobile et je n’ai pas voulu tester le préampli en mode bobine mobile, car je ne voulais pas faire de comparaison de cartouches, mais plutôt décrire ce que fait cet appareil avec mon propre équipement de lecture. Sur le plan des réglages du Gratia de Fezz Audio, j’ai choisi de ne pas utiliser le filtre subsonique.
Rendons d’abord hommage au pays d’origine de ce Gratia et proposons-lui un compositeur de son pays, Frédéric Chopin pour la circonstance ! Même si le clin d’œil est honorable, le défi est déjà présent à cause du piano solo. La prestation de Samson François pour ces Quatorze valses est tout à fait admirable et les subtilités du jeu du musicien sont tout de suite mises en évidence. Ce disque-là, je le connais parfaitement, il a ce je ne sais quoi de chaleureux dans l’interprétation qui sert parfaitement la présentation d’un appareil nouveau. Puisque le disque est un disque EMI, La voix de son Maître, on peut se demander qui sera le maître de la cérémonie, Chopin ou Gratia ? Les notes sont limpides et bien détachées, les attaques franches et dynamiques, l’interprétation que nous en donne le Gratia, remarquable, surtout dans les accélérations musicales fulgurantes que Samson François maîtrise parfaitement.
Et je ne peux pas m’empêcher de faire suivre le Just a Poke habituel de Sweet Smoke. Je ne me suis jamais lassé de ce disque, d’autant qu’il est, pour moi, attaché à presque tous mes comptes rendus sur des platines vinyles et des cartouches. La face A et la face B sont d’égale qualité artistique, avec une prise de son que l’on garde en mémoire, tellement elle marque les esprits. Il y a aussi le piège de ce disque qui nous révèle une forte exagération de la stéréophonie et qui se définit, la plupart du temps, par un trou central de la musique. Seuls les préamplis phonos récents peuvent accomplir la tâche, comme le Gratia de Fezz Audio qui fait transiter la musique de gauche à droite et de droite à gauche, sans aucun trou central. Toujours déconcertante cette prestation musicale de jazz-rock, qui est ici parfaitement mise en valeur par le Gratia.
Pour ma description, suivent ensuite les voix, une féminine et une masculine, belles toutes les deux. Dans le cas de Sade et de son album Promise, le titre Is It a Crime? donne une idée de la complexité vocale. C’est vraiment le morceau qu’on ne fredonne pas tout de suite vue sa complexité. Et pas question pour le Gratia de Fezz Audio de fredonner, il lui faut me chanter ça comme il se doit. Tout se passe bien, et j’en rajoute avec une autre pièce, Jezebel. La chanteuse est parfaitement positionnée au centre de la pièce et, ici, on est en pleine fidélité, car on peut sentir que Sade bouge la tête en chantant et s’éloigne légèrement du micro. Je ne sais pas ce qu’elle fait exactement, je suppose cela, mais c’est ce que j’ai toujours imaginé sur ce titre, comme un mouvement de tête qui nous fait voir, virtuellement, l’artiste. Le Gratia ne dément pas et s’attaque au piège tendu, il le décèle et nous le restitue, bien contourné, dans toute sa vérité.
Pour la voix masculine de Jacques Bertin, je me réjouis de la même façon,sans piège, cette fois-ci. Carnet reste ma référence en matière de voix masculine, grâce à une chaleur qui ne se décrit pas. Le timbre est parfait, l’intonation me ravit totalement. Encore une fois, je félicite cette avancée technologique, les puces électroniques, qui ont projeté à un autre niveau les prestations des disques vinyle, quoiqu’on en dise. La chaleur dégagée par ce que j’entends et ce qui est mis en valeur par cet équipement est tout simplement magique.
J’ai fait ensuite défiler une quantité sérieuse de 33 tours, histoire de bien me familiariser avec la nouveauté du mois. Toutes sortes de musiques, toutes sortes de genres, jusqu’à des retrouvailles plutôt incongrues, mais toujours plaisantes. Car c’est lorsqu’on en redemande, que l’on réécoute, que je sais que l’appareil mis à l’honneur est le bon. C’est cette envie de recommencer avec un autre de ses disques qui assure que ce Gratia de Fezz Audio est digne de mention.
Conclusions
La compagnie Fezz Audio a pour sous-titre Made of Music, Fait de musique, et je confirme ! Et je dois d’abord féliciter son concepteur, Lech Lachowski, de créer une gamme d’appareils super intéressante et que je suis tenté d’écouter. Pour le préampli phono Gratia, je suis déjà ravi. Et même sans avoir encore fait mon commentaire sur le prix. Car si on le place dans le discours, ce prix, nous sommes en présence d’un évènement notable. Je suis heureux de vous dire ça, car j’ai, plus souvent qu’autrement, été interloqué par la disparité flagrante entre le prix de vente de certains composants audio et les jouissances obtenues à l’écoute, surtout pour avoir fréquenté le matérialisé, le vinyle, une bonne partie de ma vie de mélomane. Mais notre patience est maintenant récompensée et notre portefeuille aussi. Réjouissons-nous et crions à qui voudra bien l’entendre, que ce Gratia de Fezz Audio est une totale réussite dans l’univers fort encombré de la préamplification des disques noirs. Sachons reconnaître le bon grain et débarrassons-nous de l’ivraie, définitivement. Souhaitons un franc succès à cette société polonaise et à son préamplificateur Gratia qui, simplement et discrètement, saura faire sa place dans le monde de la musique. Aidons-le et propageons sa bonne parole.
RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
Prix : 960 $
Garantie : 3 ans, pièces et main-d’œuvre
Distributeur : Tri-cell Enterprises
T. : 905.265.7870
https://tricellenterprises.com
Discographie
Frédéric Chopin, Les Quatorzes Valses, Samson François, EMI, C 069-10602
Sweet Smoke, Just a Poke, EMI Columbia, 2C 062 28 886
Sade, Promise, Epic, EPC, 86318
Jacques Bertin, Domaine de joie, Le Chant du Monde, LDX 74701