Photos: Michel Pitre

Un métier dans ses cordes

Musicien accompli, vendeur passionné, fan inconditionnel, curieux de musique et une expertise de plus de 35 ans toutes disciplines confondues, Richard Gingras est aujourd’hui, à 52 ans, copropriétaire avec Pierre Ayotte de la boutique haut de gamme Audio Club (Montréal). Fin communicateur, c’est d’abord sa propre passion de la musique et du son qu’il transmet.

À l’écouter, difficile de ne pas être convaincu. « Je dis toujours la même chose : quand tu t’assois pour faire une écoute devant un système de qualité, et qu’en dedans de 10 secondes tu n’as pas envie de taper du pied ou que tu ne ressens rien, pose-toi des questions… Idem pour un instrumentiste, que ce soit au violon, au piano, au violoncelle, ou à la guitare : si le musicien est bon, il te touchera de suite. À l’inverse, tu ne l’écouteras pas très longtemps, explique le responsable de la vente et des conseils auprès de la clientèle chez Audio Club. Alors pourquoi un client dans un magasin d’audio spécialisé se forcerait-il, sous prétexte de vouloir faire un achat sérieux, pour aimer ce qu’il entend ? Pour toucher les gens, il faut d’abord que tu sois, toi-même, déjà touché. »

Richard raconte, avec un ton assuré, une autre anecdote : « Il y a une dizaine d’années, j’avais invité au magasin trois critiques musicaux de concerts et de disques pour une séance d’écoute en privé. Mon but inavoué était de leur démontrer l’importance de posséder une excellente source dans une chaîne audio. Avec un air d’opéra chanté par Maria Callas en 1954, j’ai fait une écoute comparative sur trois lecteurs dont les coûts variaient entre 800 $ et 10 000 $. Tous avaient été très impressionnés, et l’un d’eux m’avait avoué à quel point il était estomaqué de réaliser qu’il avait fait autant de critiques de disques sur un mauvais lecteur… C’est dire. Pour un travail aussi sérieux qu’une critique éclairée, il faut au moins que ton appareil te rende un minimum de véracité. »
Il parle donc en connaissance de cause quand il réitère l’importance du rôle d’un conseiller pour l’achat d’une chaîne ou d’un appareil de haute fidélité. Car souvent le client, même bien intentionné, ne se doute pas de l’expérience sonore qu’il s’apprête à vivre, et ignore aussi les découvertes à venir… « J’aime toujours ouvrir d’autres horizons pour le mélomane qui dit, par exemple, aimer le blues et rechercher une chaîne spécifique pour jouer ce type de musique. En partant du constat qu’un appareil de qualité n’a aucune idée du genre de musique qu’on lui fera jouer, je préfère référer au client une chaîne exceptionnelle qui sera aussi performante à faire jouer du blues, du classique ou du jazz, et que cette personne puisse s’ouvrir à d’autres styles. »

Classique, jazz et… classique !
Au début du secondaire, Richard Gingras a 11 ans quand il choisit le cours de musique plutôt que celui de latin… « Le choix n’a pas été très difficile !, lance-t-il. Mon professeur était trompettiste à mi-temps à l’OSM, mais je n’avais pas trop d’affinité avec les instruments à vent, alors j’ai choisi la guitare. » Mais papa lui conseille de faire ses études collégiales en sciences de la santé, pour les ouvertures… ce qu’il fit. Poursuivant des cours de guitare en privé, il s’inscrit ensuite en éducation physique. « Mais je me suis blessé, et j’ai dû abandonner cette voie. Durant cette période, j’ai vraiment beaucoup joué de guitare, alors j’ai bifurqué en musique classique. » Il faut aussi savoir qu’il a donné des cours de guitare classique à… Pierre Ayotte, musicien et copropriétaire d’Audio Club, et que l’électronique, l’acoustique et la technique sonore l’intéressent. Il sera référé chez SONOR où il travaillera durant ses études. Au plan académique, sous la férule de Peter McCutcheon (un élève d’Alexandre Lagoya), il gradue bachelier ès arts en interprétation musicale à l’Université de Montréal.
Bien qu’il multiplie ensuite les concerts et récitals en solo, ainsi qu’en duo avec la flûtiste Lucie Laneville où ils interprètent les beautés renaissantes de John Dowland (il transcrit lui-même les parties de luth à la guitare), la carrière de concertiste lui apparaît d’une grande précarité. Puisqu’il faut vivre après tout ! Jusqu’en 1988, il enseigne, joue et multiplie les occasions de côtoyer d’autres musiciens, notamment lors des années où il fit les camps musicaux d’Orford, avec des classes de maître auprès d’Alvaro Pieri, André Laplante et Marc Durand. Lui et Mme Laneville sont même engagés pour jouer live en studio, à Radio-Canada, les pièces du répertoire de la Renaissance.

Débuts chez Audio Club
Durant 10 ans, il sera conseiller et vendeur chez SONOR, avant de passer chez Audio Club en 1995. L’idée de posséder sa propre boutique d’audio germe peu à peu et il devient alors copropriétaire de la boutique de la rue St-Hubert. Féru de jazz, il gratte encore la guitare et explore le style durant quelques années. « C’est difficile pour un musicien classique de passer au jazz. Et je considère qu’un musicien qui se dédie à son art peut faire de grandes choses. Mais le jazz a été un passage obligé tant j’aime cette musique. » Mais il n’abandonne pas le classique pour autant. En 2000, il se joint à l’Orchestre de la société de guitare de Montréal, 12 cordistes évoluant sous la baguette de Jacques Joubert.

Mais n’oublions pas que Richard est un homme de la génération 70 qui s’est abreuvé au rock et au progressif, se constituant une imposante collection de disques noirs. Aujourd’hui, hormis le classique, il ajoute à ses préférences le jazz manouche et le blues. Et il est agréablement servi, de par les nombreux festivals qui essaiment la ville et qui offrent à cet égard toutes les musiques qu’il aime. « J’écoute encore beaucoup de musique et ne rate pas souvent les occasions qui se présentent d’aller voir des concerts et des spectacles. D’ailleurs, j’ai de la difficulté avec les gens qui vendent des appareils audio et de l’équipement haut de gamme, sans être allés voir de spectacles depuis 20 ans… Comment peut-on proposer d’écouter de la musique à des gens, sans pour ce faire n’avoir aucun contact avec la musique live depuis des années ? Ça me dépasse complètement… Le meilleur système au monde sera toujours une pâle imitation d’un vrai concert. Ça peut paraître suicidaire de dire ça de la part d’un propriétaire de magasin audio spécialisé, mais c’est tout de même ce que je pense. »

Chassez le naturel
Depuis 2008, Richard s’est remis sérieusement à la guitare classique, à raison de plusieurs heures par semaine. Son répertoire : suites de Bach et préludes de Villa-Lobos, entre autres, ainsi que des pièces vénézuéliennes. Off the record, Richard prépare ce répertoire aussi en vue d’un enregistrement maison éventuel chez Audio Club. « Si le projet se réalisait, j’aimerais inviter plusieurs de nos clients pour assister à l’enregistrement, lequel sera aussi disponible par la suite sur notre site Internet. »
Il ajoute : « J’ai fini par accepter le fait, et ce ne fut pas si facile, que si on veut vraiment exceller dans un style particulier, on doit forcément s’y consacrer, et laisser les autres styles de côté. À l’image d’un Alain Lefèvre, par exemple, qui joue encore huit heures par jour, il n’y a qu’une façon de transcender son art, c’est de s’y consacrer et de ne pas lâcher. Parce que j’ai toujours voulu jouer les musiques qui me touchent, et elles me touchent toutes ! Mais pour atteindre le niveau dont je rêve, je suis obligé de faire des choix. En musique manouche, des musiciens comme les frères Rosenberg, ou Biréli Lagrène ne font que ça, à longueur de journée ! C’est déchirant, mais c’est comme ça. Ça me prendrait trois vies ! » Et à quelle vie en es-tu, Richard ? « Et bien, j’ai bien peur d’être dans la seule et unique, parce que la prochaine, y a vraiment rien de certain ! », lance-t-il dans un éclat de rire. « Qui sait, je pourrais renaître en Afghanistan, dans une ville où la musique est interdite ! » Ce n’est pas ce qu’on lui souhaite. Richard Gingras est certainement venu dans cette vie-ci afin de prendre son pied dans la musique et, par la même occasion, faire des adeptes. M’est avis qu’il a pas mal réussi.

Musicien accompli, vendeur passionné, fan inconditionnel, curieux de musique et une expertise de plus de 35 ans toutes disciplines confondues, Richard Gingras est aujourd’hui, à 52 ans, copropriétaire avec Pierre Ayotte de la boutique haut de gamme Audio Club (Montréal). Fin communicateur, c’est d’abord sa propre passion de la musique et du son qu’il transmet.

À l’écouter, difficile de ne pas être convaincu. « Je dis toujours la même chose : quand tu t’assois pour faire une écoute devant un système de qualité, et qu’en dedans de 10 secondes tu n’as pas envie de taper du pied ou que tu ne ressens rien, pose-toi des questions… Idem pour un instrumentiste, que ce soit au violon, au piano, au violoncelle, ou à la guitare : si le musicien est bon, il te touchera de suite. À l’inverse, tu ne l’écouteras pas très longtemps, explique le responsable de la vente et des conseils auprès de la clientèle chez Audio Club. Alors pourquoi un client dans un magasin d’audio spécialisé se forcerait-il, sous prétexte de vouloir faire un achat sérieux, pour aimer ce qu’il entend ? Pour toucher les gens, il faut d’abord que tu sois, toi-même, déjà touché. »

Richard raconte, avec un ton assuré, une autre anecdote : « Il y a une dizaine d’années, j’avais invité au magasin trois critiques musicaux de concerts et de disques pour une séance d’écoute en privé. Mon but inavoué était de leur démontrer l’importance de posséder une excellente source dans une chaîne audio. Avec un air d’opéra chanté par Maria Callas en 1954, j’ai fait une écoute comparative sur trois lecteurs dont les coûts variaient entre 800 $ et 10 000 $. Tous avaient été très impressionnés, et l’un d’eux m’avait avoué à quel point il était estomaqué de réaliser qu’il avait fait autant de critiques de disques sur un mauvais lecteur… C’est dire. Pour un travail aussi sérieux qu’une critique éclairée, il faut au moins que ton appareil te rende un minimum de véracité. »
Il parle donc en connaissance de cause quand il réitère l’importance du rôle d’un conseiller pour l’achat d’une chaîne ou d’un appareil de haute fidélité. Car souvent le client, même bien intentionné, ne se doute pas de l’expérience sonore qu’il s’apprête à vivre, et ignore aussi les découvertes à venir… « J’aime toujours ouvrir d’autres horizons pour le mélomane qui dit, par exemple, aimer le blues et rechercher une chaîne spécifique pour jouer ce type de musique. En partant du constat qu’un appareil de qualité n’a aucune idée du genre de musique qu’on lui fera jouer, je préfère référer au client une chaîne exceptionnelle qui sera aussi performante à faire jouer du blues, du classique ou du jazz, et que cette personne puisse s’ouvrir à d’autres styles. »

Classique, jazz et… classique !
Au début du secondaire, Richard Gingras a 11 ans quand il choisit le cours de musique plutôt que celui de latin… « Le choix n’a pas été très difficile !, lance-t-il. Mon professeur était trompettiste à mi-temps à l’OSM, mais je n’avais pas trop d’affinité avec les instruments à vent, alors j’ai choisi la guitare. » Mais papa lui conseille de faire ses études collégiales en sciences de la santé, pour les ouvertures… ce qu’il fit. Poursuivant des cours de guitare en privé, il s’inscrit ensuite en éducation physique. « Mais je me suis blessé, et j’ai dû abandonner cette voie. Durant cette période, j’ai vraiment beaucoup joué de guitare, alors j’ai bifurqué en musique classique. » Il faut aussi savoir qu’il a donné des cours de guitare classique à… Pierre Ayotte, musicien et copropriétaire d’Audio Club, et que l’électronique, l’acoustique et la technique sonore l’intéressent. Il sera référé chez SONOR où il travaillera durant ses études. Au plan académique, sous la férule de Peter McCutcheon (un élève d’Alexandre Lagoya), il gradue bachelier ès arts en interprétation musicale à l’Université de Montréal.
Bien qu’il multiplie ensuite les concerts et récitals en solo, ainsi qu’en duo avec la flûtiste Lucie Laneville où ils interprètent les beautés renaissantes de John Dowland (il transcrit lui-même les parties de luth à la guitare), la carrière de concertiste lui apparaît d’une grande précarité. Puisqu’il faut vivre après tout ! Jusqu’en 1988, il enseigne, joue et multiplie les occasions de côtoyer d’autres musiciens, notamment lors des années où il fit les camps musicaux d’Orford, avec des classes de maître auprès d’Alvaro Pieri, André Laplante et Marc Durand. Lui et Mme Laneville sont même engagés pour jouer live en studio, à Radio-Canada, les pièces du répertoire de la Renaissance.

Débuts chez Audio Club
Durant 10 ans, il sera conseiller et vendeur chez SONOR, avant de passer chez Audio Club en 1995. L’idée de posséder sa propre boutique d’audio germe peu à peu et il devient alors copropriétaire de la boutique de la rue St-Hubert. Féru de jazz, il gratte encore la guitare et explore le style durant quelques années. « C’est difficile pour un musicien classique de passer au jazz. Et je considère qu’un musicien qui se dédie à son art peut faire de grandes choses. Mais le jazz a été un passage obligé tant j’aime cette musique. » Mais il n’abandonne pas le classique pour autant. En 2000, il se joint à l’Orchestre de la société de guitare de Montréal, 12 cordistes évoluant sous la baguette de Jacques Joubert.
Mais n’oublions pas que Richard est un homme de la génération 70 qui s’est abreuvé au rock et au progressif, se constituant une imposante collection de disques noirs. Aujourd’hui, hormis le classique, il ajoute à ses préférences le jazz manouche et le blues. Et il est agréablement servi, de par les nombreux festivals qui essaiment la ville et qui offrent à cet égard toutes les musiques qu’il aime. « J’écoute encore beaucoup de musique et ne rate pas souvent les occasions qui se présentent d’aller voir des concerts et des spectacles. D’ailleurs, j’ai de la difficulté avec les gens qui vendent des appareils audio et de l’équipement haut de gamme, sans être allés voir de spectacles depuis 20 ans… Comment peut-on proposer d’écouter de la musique à des gens, sans pour ce faire n’avoir aucun contact avec la musique live depuis des années ? Ça me dépasse complètement… Le meilleur système au monde sera toujours une pâle imitation d’un vrai concert. Ça peut paraître suicidaire de dire ça de la part d’un propriétaire de magasin audio spécialisé, mais c’est tout de même ce que je pense. »

Chassez le naturel
Depuis 2008, Richard s’est remis sérieusement à la guitare classique, à raison de plusieurs heures par semaine. Son répertoire : suites de Bach et préludes de Villa-Lobos, entre autres, ainsi que des pièces vénézuéliennes. Off the record, Richard prépare ce répertoire aussi en vue d’un enregistrement maison éventuel chez Audio Club. « Si le projet se réalisait, j’aimerais inviter plusieurs de nos clients pour assister à l’enregistrement, lequel sera aussi disponible par la suite sur notre site Internet. »
Il ajoute : « J’ai fini par accepter le fait, et ce ne fut pas si facile, que si on veut vraiment exceller dans un style particulier, on doit forcément s’y consacrer, et laisser les autres styles de côté. À l’image d’un Alain Lefèvre, par exemple, qui joue encore huit heures par jour, il n’y a qu’une façon de transcender son art, c’est de s’y consacrer et de ne pas lâcher. Parce que j’ai toujours voulu jouer les musiques qui me touchent, et elles me touchent toutes ! Mais pour atteindre le niveau dont je rêve, je suis obligé de faire des choix. En musique manouche, des musiciens comme les frères Rosenberg, ou Biréli Lagrène ne font que ça, à longueur de journée ! C’est déchirant, mais c’est comme ça. Ça me prendrait trois vies ! » Et à quelle vie en es-tu, Richard ? « Et bien, j’ai bien peur d’être dans la seule et unique, parce que la prochaine, y a vraiment rien de certain ! », lance-t-il dans un éclat de rire. « Qui sait, je pourrais renaître en Afghanistan, dans une ville où la musique est interdite ! » Ce n’est pas ce qu’on lui souhaite. Richard Gingras est certainement venu dans cette vie-ci afin de prendre son pied dans la musique et, par la même occasion, faire des adeptes. M’est avis qu’il a pas mal réussi.