<!--:fr-->Nouvel album vinyle: Pink Floyd – The Endless River (2014)<!--:-->

Par Jean-François Rancourt
Montréal le 11 novembre 2014 — L’annonce du premier album studio en 20 ans d’un monument de la musique comme Pink Floyd avait tout pour exciter les fans, mais également pour les inquiéter. Fondamentalement instrumental (un seul titre étant chanté), The Endless River fut annoncé comme le dernier chapitre de la grande épopée Pink Floyd, une conclusion à presque 50 ans d’innovation et de création artistique. Comment appréhender ce retour inattendu? Les craintes de déception étaient bien présentes, la barre étant inévitablement haute en termes d’attentes face à un nouvel opus de ces légendes britanniques.

Constitué de la superposition d’enregistrements originaux de Richard Wright (claviériste, décédé en 2008) datant principalement des sessions studio de l’album The Division Bell (1994), ainsi que de nouveaux arrangements composés par deux autres membres du groupe, soit David Gilmour (guitariste) et Nick Mason (batteur), tout pouvait nous porter à croire qu’il s’agirait d’une sorte de B-Side de The Division Bell. Il faut dire que cet album avait un son particulier, plutôt ancré dans les courants musicaux de son époque, et plutôt à l’écart des grands classiques du groupe; ainsi, déjà en 1994, le souvenir des chefs-d’œuvre tels Shine On You Crazy Diamond et autres Echoes semblait lointain. Or, à la grande joie des mélomanes, The Endless Riverl va beaucoup plus loin que son prédécesseur, nous proposant un voyage temporel dans le répertoire intemporel de Pink Floyd.

Pink_Floyd_2014_11_11_2

Avant d’aller plus loin, une spécification s’impose : non, Roger Waters n’a pas rejoint ses anciens compères pour l’enregistrement de l’album. L’idée de voir l’ensemble des membres réunis se doit malheureusement d’être oubliée; néanmoins, le génie de Pink Floyd sans Waters n’est plus à prouver, et The Endless River s’affiche comme la consécration de ce talent. Il s’agit en effet d’un vrai chef-d’œuvre, une anthologie musicale comme il ne s’en fait plus beaucoup. Toute une palette d’ambiances et d’émotions y est explorée, et l’auditeur naviguera doucement sur cette rivière musicale, empruntant plusieurs chemins qui lui sembleront agréablement familiers.

En effet, tout au long de l’album, on ressent les clins d’œil aux diverses époques de Pink Floyd. Divisé en 4 faces, donc sur deux disques vinyles, le voyage commence en beauté sur des airs rappelant agréablement l’album Wish You Were Here. Guitare languissante, claviers atmosphériques et percussions sages mais dynamiques; une formule gagnante qui nous laisse ébahi devant un génie musical encore de nos jours inégalé. D’ailleurs, le titre It’s What We Do s’illustre comme un des moments forts de l’album, une sorte de Shine On You Crazy Diamond version 2014. Le deuxième côté puise dans un répertoire très varié, s’ouvrant avec Sum, un titre qui nous ramène à la période expérimentale qu’a connu le groupe entre le départ de Syd Barrett et la sortie de Dark Side of the Moon. Pensons également à Skins, qui rappelle vaguement l’album A Saucerful of Secrets, tandis Nick Mason s’en donne à cœur joie sur ses tambours, ou encore à Anisina, superbe pièce ponctuée de saxophone et de clarinette.

Pink_Floyd_2014_11_11_3

L’entrée du troisième côté se fait tout en douceur, dans la plus pure des traditions progressives, tandis que trois pièces atmosphériques pavent la voie à Allons-y (divisée en deux parties), qui semble à s’y méprendre être directement tirée du célèbre double-album The Wall. Le jeu de la basse, les tonalités de guitare, la rythmique de la batterie, tout nous ramène à cette période qui alors annonçait la fin de la collaboration de Roger Waters avec le groupe. Talkin’ Hawkin’, dernier titre du troisième côté, puise plutôt dans une sonorité proche de The Division Bell, le tout ponctué par un monologue du célèbre scientifique Stephen Hawking.

Finalement, le quatrième côté s’illustre comme étant tout aussi intéressant et varié; Calling et Eyes to Pearls nous ramènent encore une fois vers l’expérimentation ambiante, tandis que Surfacing ouvre parfaitement la voie à Louder Than Words, seule pièce chantée de l’album, ponctuée d’un texte écrit par Polly Samson (la conjointe de Gilmour). Notons d’ailleurs que le titre ne saurait être plus approprié : Pink Floyd n’a pas nécessairement besoin des mots pour transmettre une émotion forte, la musique étant depuis toujours la force conductrice du groupe. Relatant les grandes lignes de l’histoire du groupe, cette conclusion met brillamment terme à l’imposante discographie de Pink Floyd, The Endless River se voulant être l’album final, l’opus ultime.

Le mot final? Aucune déception, tandis que les craintes initiales d’un retour mitigé se transforment en bonne surprise et en satisfaction. Les fans les plus anciens navigueront avec bonheur sur The Endless River et y trouveront leur compte en termes d’émotions et de souvenirs, tandis que la jeune garde, dont je fais partie, sera tout aussi comblée, fascinée comme elle est du génie intemporel des maîtres de la musique que sont Pink Floyd.

Ma note : 8.8/10

http://www.pinkfloyd.com/theendlessriver/listen