Everything Will Be Allright In The End (2014)
Par Jean-François Rancourt
Je ne fais pas partie de ceux qui ont entièrement délaissé Weezer au fil des dernières années, alors que leur rock alternatif et leur powerpop bon-enfant ont été troqués pour une pop électronique plus générique, plus dansante. Je me confesserai de n’avoir écouté que quelques fois leurs albums récents (Raditude et Hurley), ceux-ci ne m’ayant pas rejoint musicalement, même si cela n’a pas pour autant entièrement détruit l’image positive que je me fais du groupe.
Nul besoin de le garder secret, comme toute une génération de Y, Weezer, c’est le son de ma jeunesse. Je me souviendrai toujours ce soir de ma sixième année où sur mIRC (cet antique logiciel de clavardage), avec Island In The Sun comme trame sonore, j’avais avoué à mon «kick» que je la trouvais de mon goût. Ahh, la nostalgie… Cela fait déjà quelques années que Weezer ne nous la faisait plus revivre avec de nouvelles créations, nous obligeant à nous rabattre sans cesse sur Pinkerton et sur les albums éponymes bleu et vert. Hé bien, mesdames et messsieurs, ce temps de monotonie semble révolu! Comment? Sept mots : Everything Will Be Allright In The End.
C’est en effet un retour aux sources que nous offre Weezer sur ce tout nouvel album, retour aux sources qui peut notamment s’expliquer avec la présence de Ric Ocasek à la production, celui-là même qui avait auparavant produit les albums éponymes bleu et vert. Sur Everything Will Be Allright In The End, pas de chichis de pop électroniques; au contraire, c’est un rock comme seul Weezer a su le faire qu’on retrouve, pour notre plus grand plaisir.
Les paroles du premier single, Back to the Shack, révèlent d’ailleurs cette intention non-masquée de retrouver le son perdu: « Sorry guys I didn’t realize that I needed you so much / I thought I’d get a new audience, I forgot that disco sucks / I ended up with nobody and I started feeling dumb […] / Take me back, back to the shack […] / Rockin’ out like it’s ’94 ». Pas besoin de faire un dessin, Weezer a compris: le meilleur moyen de regagner le cœur de son public est de lui livrer la marchandise qu’il désire.
Il ne faudrait surtout pas s’imaginer que de recréer une sonorité similaire à celle des débuts fut facile pour le groupe. Il semblerait en effet que le processus de création ne fut pas aisé : les 13 titres choisis pour figurer sur l’album auraient été sélectionnés sur un total de plus de 200 chansons! Autant dire que la qualité de l’album ne relève pas du fruit du hasard, mais bien d’un minutieux processus qui s’est révélé être des plus efficaces. En effet, Everything Will Be Allright In The End ne laissera aucun vieux fan sur sa faim, avec son enchaînement de morceaux rock et powerpop plus accrocheurs les uns que les autres.
Naviguant sur ce qu’ils ont toujours fait de mieux, soit des riffs de guitares simples et des rythmes assez lents, Weezer ne se prive toutefois pas de quelques innovations; une rythmique en 7 temps par-ci, quelques sifflements par-là, Everything Will Be Allright In The End n’est pas du type linéaire ou monotone. Sans avoir l’étoffe d’un album concept, il est divisé en trois parties thématiques, Belladona, The Panopticon Artist et Patriarchia, chacune traitant d’un sujet particulier, soit la relation du frontman Rivers Cuomo avec les femmes, son public et son père. Notez que l’album n’est pas littéralement séparé en trois parties, celles-ci ne devant pas être comprises comme les divisions entre trois blocs de chansons, mais plutôt comme un entremêlement où on passe sans cesse d’une partie à l’autre.
Ayant atteint la 10e position du palmarès de ventes canadien et la 5e aux États-Unis, Everything Will Be Allright In The End est, par la nature de son contenu, un vrai cadeau fait aux fans du groupe. Une des innovations intéressantes de cet opus est sa conclusion, formée par The Futurescope Trilogy, série de trois titres à caractère assez épique. C’est en effet une suite de pièces rock dégageant une certaine puissance, le genre de musique qui fait vibrer les arénas; on sort donc ici du répertoire traditionnel de Weezer avec une audace qui ne déplaît pas.
Si Cuomo semble s’inquiéter lorsqu’il chante « If we die in obscurity, oh well / At least we raised some hell », il faut admettre que ses craintes apparaissent comme naïves face au succès musical qu’est Everything Will Be Allright In The End. Un vrai retour aux années ’90, un rapatriement du rock ludique de la célèbre bande d’un nerd à lunette, un appel à la nostalgie et à la fougue de l’adolescence, voilà ce que Weezer nous a offert pour 2014. À consommer sans modération.