Nouveau vinyle : Jamie xx – In Colour (2015)

jamie_xx_in_colorL’histoire nous a maintes fois démontré que les plus grandes révolutions se déroulent parfois dans une subtile tranquillité, que les innovations ne sont pas toujours des cassures radicales avec le passé. Cette leçon s’applique parfaitement au sentiment qui se dégage d’In Colour, premier album solo de Jamie xx (de son vrai nom Jamie Smith), mieux connu pour ses rôles multiples au sein du groupe indie pop britannique The xx, dans lequel il assure les tâches de producteur électronique et de percussionniste.

In Colour n’est pas le premier effort de Jamie Smith en dehors de son groupe, lui qui au fil des années a remixé une multitude de singles et qui, en 2011, a lancé We’re New Here, une version revue de l’album I’m New Here de Gil Scott-Heron. Or, In Colour reste son premier album solo original, une première œuvre personnelle qui dès sa sortie au début de juin l’a propulsé dans les rangs des artistes électroniques émergents à surveiller de très près. Acclamé par la critique, Jamie xx a en effet réussi à offrir une musique rafraîchissante qui conforte, ne réinventant pas l’art du sampling (technique qui consiste à créer de la musique à partir d’extraits d’autres pièces musicales) mais y ajoutant tout de même une touche originale qui saura plaire.

Ainsi, In Colour est doté d’une nature assez éclectique, où des ambiances variées se côtoient et s’entrelacent, pour un résultat des plus intéressants. S’ouvrant sur la très rythmique Gosh, qui par sa sonorité n’est pas sans rappeler l’électro à saveur africaine de Romare, la première face de l’album s’enchaîne avec allégresse sur Sleep Sound, magnifique pièce minimaliste et planante. S’en suivent Seesaw, sur laquelle on retrouve, sans grande cassure musicale avec le titre précédent, la voix de Romy Madley Croft (vocaliste dans The xx), et Obvs, un des moments forts de l’album, où les mélodies et les harmonies de steel-drum nous conduisent directement dans un univers tropical. Just Saying, interlude progressive de moins de deux minutes, cède ensuite la place à Stranger in a Room, pièce emblématique de l’influence du groupe principal de Jamie xx sur son travail personnel : en plus d’être supportée par la voix d’Oliver Sim (également chanteur dans The xx), son ambiance a tout pour rappeler la musique du groupe, par ses textures épurées, sa ligne de guitare simple et mélodique, et son aspect minimaliste mais riche.

La deuxième face d’In Colour débute avec Hold Tight qui, tout comme Sleep Sound et Seesaw, flirte jamiex_2avec des attributs IDM (Intelligent Dance Music). En effet, bien qu’affichant une structure musicale relativement simple, ces trois pièces, par leur caractère progressif et par la richesse de leurs sonorités, rappellent vaguement certains artistes tels Rone, Slow Magic, Nosaj Thing, ou encore XXYYXX. Le titre suivant, Loud Places (sur lequel on retrouve encore une fois la collaboration de Romy), joue pour sa part un rôle de single accrocheur; une ambiance décontractée et pop, une structure couplet-refrain qui attire facilement notre oreille et qui reste en tête, des textures travaillées avec précision et finesse, Loud Places a tout pour être qualifié de hit instantané.

La situation, en termes de potentiel commercial, est semblable pour I Know There’s Gonna Be (Good Times), qui s’aventure dans une voie toute autre, celle du R&B, du dancehall, et même du reggae et de la musique latino. Définitivement à part sur In Colour et issue d’une rupture musicale drastique avec le reste de l’œuvre, cette pièce réussit néanmoins avec brio à s’intégrer dans la démarche créative de Jamie xx. Quitte à ne pas être représentative de l’album, son potentiel de hit radio ne pourra qu’élargir l’auditoire de l’artiste. The Rest Is Noise, avant-dernier titre, regagne les sonorités électroniques progressives qui donnent toute la saveur à In Colour, se classant auprès des trois titres à saveur IDM énumérés ci-haut, par sa touche atmosphérique et son piano pouvant rappeler Air, Apparat ou même, dans une certaine mesure, Moby. L’album se ferme finalement sur Girl, où l’usage des samples se rapproche notamment du travail de l’acclamé artiste australien Flume ou encore de celui de Shlohmo.

Offert en édition simple mais également en triple disque de couleurs, l’édition vinyle d’In Colours saura plaire aux mélomanes. D’un point de vue général, on constate que l’éclectisme modéré de l’album lui offre une originalité réelle mais non exagérée, un certain fil conducteur pouvant être décelé au fil des titres. Jamie xx réussit à s’illustrer comme un artiste prometteur et créatif dont l’une des forces est la capacité à se démarquer sans toutefois réinventer la roue. Car si sa musique plane sans contredit sur un léger vent de fraîcheur, elle a également cette capacité à dégager une force et une originalité liées à sa richesse et à sa qualité. Un album à recommander sans modération.

Ma note : 8,5/10

www.jamiexx.com