You are currently viewing Mike Bruzzese: trouver sa propre voix

Cet automne, le guitariste montréalais lancera sous étiquette Bent River son premier opus, Even When I’m Dreaming, un album composé essentiellement de morceaux originaux, enregistrés avec quelques artistes parmi les plus talentueux de la ville, issus de plusieurs générations. Voici ce qu’il avait à dire sur son parcours et son approche musicale en prévision du Jour J.

Le moins que l’on puisse dire du guitariste montréalais Mike Bruzzese, c’est que le jeune diplômé de McGill a grandi dans un environnement musical. À la maison, son père possédait une formidable chaîne hi-fi et une importante collection de disques ; donc très tôt dans sa vie, Mike a entendu beaucoup de musique, de toutes sortes en fait : du jazz, évidemment, ainsi qu’une grande variété de styles auxquels Mike n’aurait probablement pas été exposé autrement. De plus, son oncle Vince Bruzzese étant le fondateur de Totem Acoustic, Mike a appris très tôt à apprécier l’équipement pour audiophiles, les haut-parleurs haute-fidélité, etc.

Mike Bruzzese a eu sa première guitare à douze ans, enveloppée sous le sapin de Noël. J’en avais demandé une parce que mon meilleur ami de l’époque avait une guitare et que je voulais en jouer aussi. On pourrait s’interroger pourquoi Mike, ayant entendu tous les styles musicaux du classique au pop, a décidé d’opter pour le jazz en particulier. En fait, quand j’étais au secondaire, je m’étais plus investi dans le rock, même si certains de mes amis s’intéressaient davantage au jazz. À seize ans, je me suis replongé dans cette musique et, je ne sais pas, je me suis senti vraiment connecté à elle, parce que j’en avais beaucoup écouté gamin.

Parmi les guitaristes et autres instrumentistes qu’il a écoutés, Mike Bruzzese reconnaît volontiers qu’il a eu de nombreux modèles alors qu’il cherchait sa propre voix en tant que musicien. Mes principales influences à la guitare sont Grant Green, Wes Montgomery, Barney Kessell, tous des grands. Pourtant, je pense que John Coltrane a également eu un grand impact sur moi. On pouvait deviner que Saxophone Supreme avait laissé sa marque sur Bruzzese, compte tenu du medley de After the Rain et Transition de Coltrane qui figure sur Even When I’m Dreaming.

Bruzzese comprend ce qu’il a retenu de chacun de ces premiers mentors. J’adore l’approche mélodique de Grant Green. Sur mon album, j’ai essayé de sonner presque comme un chanteur ou un corniste, tout comme Green. Je préférais laisser le piano s’occuper de l’aspect harmonique, préférant essayer de chanter avec ma guitare. Pour moi, Wes Montgomery c’est le summum en termes d’accords, de mélodie, de solo ; en un sens, il est le guitariste parfait. Le jeu de Barney Kessel avait une qualité très brute que j’apprécie vraiment, autant que sa maîtrise des accords, je dirais. Quant à Coltrane, tout amateur de jazz sait à quel point son ombre plane encore sur l’histoire de la musique. Il est difficile de canaliser sur une guitare autant d’énergie que lui soufflait dans son saxo. Quelques guitaristes y sont parvenus : Sonny Greenwich, par exemple, avait cette énergie coltranienne. C’est un grand défi, que j’aspire à relever. J’ai certainement essayé d’exploiter cela et peut-être qu’un jour j’y arriverai.

Nouveau CD disponible le 12 octobre 2022.

Mike Bruzzese a enregistré Even When I’m Dreaming, son premier album, en février 2022, mais il travaillait à ses compositions plusieurs mois avant les séances en studio. C’était vraiment un rêve de réunir tous ces musiciens pendant deux jours au Studio Planet, et de jouer ma musique avec eux. De toute évidence, Bruzzese est un immense admirateur de chaque membre de son équipe, que ce soit la pianiste Gentiane MG (ancienne de Révélation Radio-Canada Jazz et elle-même étoile montante de la scène jazz canadienne contemporaine), le légendaire bassiste Ira Coleman ou l’extraordinaire batteur Michel Lambert.

Je connais Gentiane connais depuis quelques années et j’ai toujours apprécié son jeu. Quand je composais la musique de l’album, il y avait beaucoup de sections de rubato pour lesquelles je pensais qu’elle serait parfaite. Ira Coleman a toujours été l’un de mes héros à la basse, un musicien tellement incroyable ; je l’ai rencontré à McGill, où il a été l’un de mes professeurs favoris, et c’était tout simplement surréaliste de l’avoir sur mon disque. Un honneur et une leçon d’humilité, juste de le voir travailler en studio.

D’un point de vue strictement rythmique, Bruzzese admet qu’il y a beaucoup de grooves différents sur Even When I’m Dreaming et attribue la réussite de l’ensemble à la virtuosité du batteur Lambert. J’ai aussi étudié avec lui à McGill ; et dès la première fois que je l’ai entendu jouer, il est devenu l’un de mes batteurs préférés. Son sens du rythme est impressionnant. D’avoir la chance d’enregistrer avec un tel musicien, doté d’une approche aussi unique, signifiait beaucoup pour moi.

La plupart des compositions sur Even When I’m Dreaming portent la signature de Mike Bruzzese, à l’exception d’un standard du Grand Répertoire de la chanson populaire américaine et de l’amalgame susmentionné des thèmes de Coltrane. En ce qui concerne I Could Write A Book de Rodgers et Hart, j’ai toujours aimé cette mélodie. J’ai voulu en faire mon propre arrangement ; évidemment, je suis toujours très inspiré par Coltrane et par son utilisation des modes, donc entre chaque chorus, j’ai inséré une section modale sur laquelle nous pouvions vraiment nous appuyer pour construire autre chose et nous éclater. Je pense que nous avons réussi un bon mélange entre les accords originaux de la chanson et les passages modaux que j’ai ajoutés.

Quant à After the Rain / Transition, ayant déjà affirmé son admiration infinie pour l’œuvre de Coltrane, Bruzzese se souvient d’avoir joué le premier thème sans relâche, puis d’avoir constaté qu’il pouvait glisser sans problème vers le second. Alors je suis arrivé en studio avec ce concept et les musiciens et moi avons travaillé dessus pendant un certain temps, avons fait un certain nombre de prises avant que le tout finisse par se transformer en quelque chose de spécial.

Même s’il a choisi d’enregistrer ses propres compositions originales en majorité, le guitariste garde une place spéciale dans son cœur pour le répertoire standard. J’adore jouer des standards ; ils font partie intégrante du métier de musicien de jazz. J’essaie de trouver un propos personnel quand j’en interprète, j’essaie de les utiliser de telle manière à explorer mon propre langage.

Lorsqu’on apporte son inspiration, Mike Bruzzese n’hésite pas à révéler la principale source de ses compositions. Deux morceaux de l’album (intitulés Roots of the Poet et Roots of the Seeker) sont liés dans un sens ; ils explorent tous les deux mes origines familiales. J’ai composé le premier en l’honneur de mon grand-père paternel, qui était un poète et un authentique créateur, qui hélas n’a jamais publié ses écrits. Je suppose que c’est de lui que j’ai hérité mon côté créatif, c’est pourquoi je lui ai dédié cette chanson. Et Roots of the Seeker est pour ma grand-mère maternelle, une femme très spéciale, l’une des personnes les plus fières, des plus pacifiques que j’aie jamais rencontrées. Je tiens d’elle ce qui a trait à mes émotions. J’ai senti le besoin d’écrire ces deux pièces pour leur rendre hommage.

Quant à son impression de la scène jazz montréalaise contemporaine, elle est plutôt enthousiaste. Eh bien, je pense qu’il y a des tonnes de musiciens talentueux ici, des tonnes d’artistes qui ont leur propre voix. Je pense que c’est une super scène qui ne cesse de s’améliorer.

Nul doute que l’avènement de Mike Bruzzese sur ladite scène contribuera à cette amélioration constante. Rappelons que Even When I’m Dreaming, son premier album, sera officiellement lancé sous étiquette Bent River en octobre, à l’occasion du OFF Festival de jazz de Montréal.

https://www.mikebruzzese.ca/