Kent_Nagano_03_2014

L’Orchestre symphonique de Montréal entame cette fin de semaine sa quatrième grande tournée internationale de l’ère Kent Nagano. Suisse, Autriche, Espagne et Allemagne sont au programme avec onze concerts, du 11 au 25 mars. Au même moment paraît, en CD, l’avant-dernier volume d’une intégrale des symphonies de Beethoven. L’OSM s’exporte, sous toutes les formes et d’une manière radicalement renouvelée…

C’est à Zurich, mardi soir, que débutera le périple européen de l’OSM. Cette tournée comportera deux haltes importantes, Vienne et Madrid, capitales dans lesquelles l’orchestre se produira deux fois. Villes, aussi, qui ont acheté un programme que l’on n’aurait pas associé à l’OSM il n’y a ne serait-ce que cinq ans : la 7e Symphonie de Mahler. Le concert de Vienne sera retransmis en direct le lundi 17 mars à 14 h 30 sur le portail Internet Medici.tv. Kent Nagano n’est certes pas un dionysiaque spectaculairement épidermique à chaque concert mais, sur le fond, il a élargi le champ d’activités et d’expertise internationalement reconnue de l’OSM.

La tournée, projet spécial
Le rayonnement à l’étranger ne se fait pas au détriment de l’offre de concerts ici. Madeleine Careau, la directrice de l’OSM, interrogée par Le Devoir, indique que le conseil d’administration de l’orchestre a décidé que les projets spéciaux devraient s’autofinancer : « Aucun revenu d’exploitation, aucune subvention, aucune commandite ou aucun don de la saison régulière ne doit servir aux projets spéciaux — tournées, enregistrements, Virée classique. » La tournée européenne, en chantier depuis deux ans et demi, représente un « budget de 2 millions de dollars », équilibré par « 900 000 $ de cachets, un apport de 600 000 $ de la Fondation de l’OSM et 550 000 $ en dons et commandites spécifiques pour la tournée. »

Les commanditaires sont des compagnies canadiennes et québécoises qui font des affaires dans les pays visités, Air Canada, par exemple, ou l’entreprise de placements immobiliers Ivanhoé Cambridge. Les entreprises peuvent intégrer les concerts à des soirées pour leur clientèle privilégiée. « En 2013, pour la tournée en Amérique du Sud, nous avons eu des compagnies minières, ou Saputo, le plus important fournisseur de lait en Argentine. Ces compagnies profitent de l’OSM comme d’un véhicule avec une langue universelle », dit Madeleine Careau. Pour l’instant, les commanditaires n’ont pas encore influé sur les trajets des tournées. « Si cela arrivait, on y réfléchirait sérieusement… tant que personne ne cherche à influencer le contenu artistique », tranche la directrice de l’orchestre.

Piliers et nouveautés
Pour ce périple, l’OSM a concocté trois programmes : l’un avec le bipôle 2e Concerto de Liszt et la Symphonie fantastique de Berlioz ; l’autre avec le Tombeau de Couperin de Ravel, Petrouchka de Stravinski et snagS Snarls d’Unsuk Chin, la 7e de Mahler complétant les concerts proposés aux organisateurs. Au final, la répartition est équilibrée avec un peu plus de Symphonie fantastique, oeuvre emblématique, déjà proposée aux Japonais en 2008 et aux Européens en 2009. Dans le marché très difficile de la tournée, la présence de l’OSM est tout à fait remarquable. Europe (2009, 2014), Asie (2008), Amérique du Sud (2013), plus deux tournées au Canada (2007 et 2010), pays qui, sous Charles Dutoit, n’avait pas revu l’OSM depuis 1991 ! S’ajoutent à cela des concerts ponctuels donnés à Paris, à New York, à Édimbourg, à Cervantino et, chez nous, au Nunavuk.

Dans le répertoire présenté, Kent Nagano a préservé le répertoire franco-russe cher à Charles Dutoit, enrichi en ajoutant, avant la 7e Symphonie de Mahler, la Symphonie alpestre de Strauss, le Chant de la terre de Mahler, la 4e Symphonie de Brahms et les Symphonie nos 6 et 7 de Beethoven.

Nouveau disque
La 7e Symphonie de Beethoven est justement au programme du dernier CD de l’OSM, paru cette semaine. Publiés sur étiquette Analekta (AN 2 9887) au Canada, ces disques atteignent les mélomanes de la planète ornés du logo Sony Classical, dont la dernière intégrale Beethoven en date est celle, alambiquée et pompeuse, de Christian Thielemann et le Philharmonique de Vienne, que Nagano et l’OSM surpassent aisément par leur dynamisme, la logique interne, leur découpe au scalpel et le sens de la pulsation. Meilleur CD d’une intégrale qui attend désormais les Symphonies nos 2 et 4, enregistrées récemment, le couplage des Symphonies nos 1 et 7 nous épargne la trituration conceptuelle pour happy few qui polluait les parutions des Symphonies nos 3, 5 et 6. Il ne subsiste ici plus qu’un titre pompeux et inutile, « Départ-Utopie », sans incidence sur le contenu.

Après ces échappées mahlériennes et beethovéniennes, Kent Nagano va repositionner dès la saison prochaine l’OSM dans le répertoire français et les oeuvres rares sans concurrence discographique, telle L’aiglon d’Arthur Honegger et Jacques Ibert.

Source: Le Devoir