Import UK KCLP 1 (VINYLE)

Décembre 1969, je marche sur la rue Guy en direction du magasin de disques Galaxy. Plusieurs lecteurs se souviennent sûrement de ce magasin légendaire et de ses importations d’Angleterre. Arrivé à destination, je capote en voyant tous ces 33 tours aux pochettes débiles. Ce que je voulais, c’est King Crimson, que j’avais entendu à CKGM FM la veille. Je mets la main sur une copie, regarde la pochette hallucinante et retourne chez moi en courant, anxieux d’écouter cet album qui marquera au fer rouge mes tympans pour toujours.

Quel choc musical mes oreilles ont subi cette journée-là. Et ce soir, 42 ans plus tard, de pouvoir en parler dans cette chronique a un petit côté surréaliste et nostalgique en même temps. Histoire d’un incontournable. Enregistré en dix jours durant l’été 69 au studio Wessex à Londres, la formation originale de King Crimson comprendra entre autre Robert Fripp, guitariste et fondateur du groupe. Les autres membres seront Greg Lake au chant et à la basse, Michael Giles, batterie et percussions, Ian McDonald aux claviers et Peter Sinfield, parolier.

Une fois l’album terminé, celui-ci sortira le 10 octobre 69 et deviendra vite populaire non seulement pour sa musique innovatrice et unique mais aussi à cause de sa pochette, un classique en devenir. Cinq pièces au total pour environ 45 minutes de notes complexes, rock, jazz mixé, dans un mélange sonore dont seul ce groupe avait la recette. Dès l’intro de 21st Century Schizoid Man, la première pièce de la face un, l’impact est immédiat. La voix de Lake et la guitare de Fripp, un duo de choc en partant, suivi au milieu de la chanson d’improvisations proches du free jazz. Pour la deuxième pièce, Talk to the Wind, ballade venue tout droit d’une autre dimension. Et on termine la face un avec Epitaph, longue pièce à la finale surprenante.

La face deux débute avec le super Moonchild, une ballade imprégnée de mellotron, pour ensuite tourner au cauchemar dans un délire expérimental jusqu’à la fin du morceau. La dernière et non la moindre, In the Court of the Crimson King, la plus populaire et connue de l’album avec un Greg Lake tout en voix et des arrangements superbes survolés par le son envoûtant du mellotron. Et c’est comme ça que le disque se termine. 45 minutes qui marqueront l’histoire du monde musical et pour encore des lunes, cette musique étant des années plus tard un moment phare ainsi qu’un point de repère pour tant de musiciens, tous styles confondus. Est-ce du Prog, du Art Rock de l’avant-garde ? Difficile à dire, allons-y donc pour du progressif, tout simplement. Pas surprenant que Tony Clarke, qui a travaillé avec Moody Blues, devait produire l’album à l’origine. La chimie étant mauvaise avec Fripp, il quittera le bateau dès le début, Fripp ne voulant pas d’un autre Nights in White Satin. Et que dire de la pochette conçue par Barry Godber, la seule qu’il fera d’ailleurs car il décèdera quelques heures avant le lancement du disque. Il n’aura jamais su que son dessin est devenu l’un des plus célèbres de l’histoire du rock.

Enfin ressorti en vinyle à la demande générale avec l’autorisation de Fripp et en 200 grammes, ce long jeu ne sera jamais surpassé par les prochains disques de la formation britannique. Quel début quand même et quel document sonore époustouflant. Un album qui ne vieillit pas. Encore surprenant qu’il faut écouter attentivement pour pouvoir apprécier toutes les subtilités. En résumé, un chef-d’oeuvre mur à mur sur tous les fronts. Pour toutes ces raisons, je lui donne un dix partout. Si vous ne l’avez pas encore, essayez-le, votre système de son en sera ravi. Coup de coeur ou coup de poing ? Les deux !