PrimaLuna, la suite…
(Vol. 15, numéro 2 / avril-mai 2008)
Pour faire suite au banc d’essai de mon collègue, Michel Dallaire, paru dans l’édition d’octobre-novembre 2007 (volume 14, numéro 5), Québec Audio & Vidéo récidive avec un autre produit de la compagnie PrimaLuna, soit l’amplificateur intégré à tubes DiaLogue Two. À priori, ces deux amplificateurs semblent étrangement similaires, mais mis à part quelques modifications esthétiques, c’est à l’intérieur que l’on retrouve la plupart des raffinements techniques. PrimaLuna fait fi des préjugés à l’égard des produits chinois et nous présente un appareil surprenant, qu’elle a conçu aux Pays-Bas mais assemblé en Chine et qui gagne à être connu.
Dialogue, série revue et améliorée
Un rapide coup d’œil nous apprend que le châssis est sensiblement le même que celui de la série ProLogue. Les transformateurs sont à l’arrière et les tubes à l’avant, exposés à l’air libre. Si on le désire, une cage de métal peut protéger les tubes des aléas de la vie. Personnellement, je ne l’ai jamais utilisée, d’autant plus que je préfère la version grillagée du modèle précédent. Qu’il soit couvert ou non n’a aucune incidence sur la sonorité de l’appareil, mais je ne prétends pas avoir l’oreille bionique ! Chose qui surprend dès que l’on soulève la boîte, c’est le poids très élevé de l’appareil, près de 30 kilos ! Généralement, le poids d’un amplificateur n’est pas un gage de qualité tout comme le coup de pied sur le pneu de la voiture tant convoitée. Certaines entreprises sont passées maîtresses dans les apparences et peuvent aisément augmenter le poids du châssis pour faire croire en la solidité et en la qualité du produit fini. Ici, cet embonpoint est surtout attribuable aux immenses transformateurs de sortie à bande passante beaucoup plus large. Des noyaux ferreux plus massifs et de meilleure qualité entrent dans leur fabrication. Il en résulte une efficacité accrue, des figures de distorsion plus élégantes et une impédance moins élevée afin de pouvoir contrôler des enceintes à charge plus complexe. Évidemment, le châssis doit pouvoir supporter ce poids et c’est pourquoi on l’a construit de métal de bon calibre et peint de plusieurs couches à la manière des automobiles.
À l’intérieur, on a droit encore une fois à un élégant montage de type point-à-point assemblé à la main avec, au centre, une seule carte de circuits imprimés (PCB) contenant quelques puces. On a recouru à des pièces électroniques d’excellente qualité dont des condensateurs polypropylène métallisé de marque Solen, des condensateurs Nichicon et Realcap ainsi que des diodes rapides. Le circuit électronique a été conçu avec soin en respectant les limites physiques de l’électronique. Contrairement aux amplificateurs chinois bon marché vendus à rabais sur le site d’enchères Ebay, cet appareil a de bonnes marges de manœuvre et il est très conservateur en ce qui concerne son cahier des charges. La preuve, on a installé un circuit de démarrage en douceur (soft-start) afin d’allonger la durée de vie des composants (notamment les tubes) et ainsi éviter le stress du démarrage à froid. Aussi, afin de protéger l’étage de sortie, des fusibles ont été employés au cas où un tube soudainement défectueux viendrait introduire une tension inappropriée à la circuiterie en aval. Beaucoup de protection constitue assurément un gage de qualité et de souci du détail ! Enfin, puisque cet amplificateur intégré possède une commande à distance, le contrôle de volume ALPS est évidemment motorisé et la sélection des entrées se fait par relais mécaniques. La connectique, pour sa part, est d’excellente qualité et offre des bornes pour une charge de quatre ou huit ohms.
PrimaLuna possède une caractéristique très intéressante qui la distingue de ses compétiteurs. Il s’agit de la faculté de pouvoir s’adapter à différents types de tubes sans même devoir régler le moindre bouton ni procéder à l’ouverture de l’appareil. Il s’avère donc un jeu d’enfants de substituer les tubes afin d’apprécier leurs différentes signatures sonores sans craindre d’abîmer quoi que ce soit. Cette fonctionnalité est appelée autobias, que l’on pourrait franciser de la façon suivante : polarisation automatique. Un circuit électronique gère la polarisation des tubes en temps réel et donc, il peut aisément s’accommoder de tubes nécessitant des tensions de polarisation différentes. Il est donc possible de se servir d’autres tubes, comme les 6550, KT90, EL34, KT77, 6CA7, 6L6GC, KT66, 7581, 6V6GT ou leurs équivalents (de série, le DiaLogue Two utilise des Genelex KT88). De plus, la polarisation automatique permet de s’adapter à un tube qui se dégrade avec le temps. Les heures de fonctionnement s’accumulant, il est parfois nécessaire de réajuster les tensions de polarisation afin de garder la distorsion à un niveau acceptable. Nul besoin d’effectuer ces ajustements sur les PrimaLuna puisque l’unité de contrôle s’en occupe pour vous. La possibilité de sélectionner manuellement le mode d’amplification au moyen de la télécommande apporte une différenciation supplémentaire. Il vous est loisible, au gré de votre humeur, de commuter entre le mode ultralinéaire, offrant 38 watts et le mode triode, offrant 21 watts. J’aime particulièrement cette option puisqu’elle me permet d’adapter l’amplification au type d’enceintes que j’utilise. Le mode triode est donc tout désigné pour mes enceintes à large bande. Ce n’est certes pas la pureté de l’amplification SET (single-ended triode), mais au moins, nous ne sommes pas forcés de rester en mode push-pull malgré des enceintes peu énergivores.
En terminant, d’autres caractéristiques s’ajoutent à l’amplificateur, dont le mode « passe-droit » qui permet le branchement à un récepteur cinéma maison. Dans ce cas-ci, il faut noter que ce mode n’est pas un gain unitaire, mais un vrai passe-droit, il contourne alors la circuiterie de l’amplificateur. Il est donc pratiquement impossible que le signal se dégrade en cours de route. Une boucle d’enregistrement est aussi disponible, quoiqu’il ne s’agisse probablement pas d’un facteur décisionnel important pour ce type d’appareil.
Le dialogue des tubes
En raison d’un heureux concours de circonstances, j’ai eu le plaisir d’avoir l’usage des deux appareils en question, soit le ProLogueDiaLogue, sur une période de trois semaines. J’ai ainsi pu me faire une idée des deux produits et en faire la comparaison pour mieux apprécier les qualités du modèle plus coûteux. Le DiaLogue se détaille environ 3 000 $ tandis que le ProLogue se situe aux alentours de 1 800 $. Cette différence doit non seulement se refléter dans les améliorations techniques, mais aussi dans les impressions auditives sinon l’expérience reste futile. Dans les deux cas, j’ai toujours pris le temps de bien réchauffer les appareils avant de les soumettre à l’épreuve de l’écoute critique. C’est d’autant plus vrai que les tubes doivent atteindre leur température idéale pour stabiliser leur fonctionnement. Je n’ai donc pas pris de chance et j’ai laissé le tout se réchauffer pendant près de deux heures avant mes écoutes. Plus spécifiquement, pour le ProLogue, il était facile de constater les effets du réchauffement signifiés par les bruits de crépitement produits dans les haut-parleurs, ce qui n’était pas le cas pour le DiaLogue.
Mes premières écoutes m’ont immédiatement convaincu de l’importance des améliorations dans le médium ainsi que dans les voix. Est-ce en raison des nouveaux transformateurs de sortie ? J’ai trouvé que la restitution des voix, et particulièrement celle d’Émilie-Claire Barlow sur son album The Very Thought of You, était très fluide et naturelle. Les balades très bien arrangées laissaient toute la place à sa voix douce et relaxante, digne des plus grandes. Inutile de dire que je n’ai ressenti aucune fatigue auditive à écouter son disque en entier. La majorité du temps, l’amplificateur est resté en mode triode à volume très modéré. C’est dans ce mode que j’ai trouvé la voix la plus juste, très reposée et très calme, comme si l’amplification avait cédé la dynamique et la solidité de la prestation à la reproduction avec la plus grande transparence possible de l’essentiel de cette musique occupant les fréquences médianes. Chaque note et chaque intonation étaient très bien articulées et aérées, donnant encore une fois une prestation sans faille et très agréable. Par rapport au ProLogue, j’ai surtout apprécié le raffinement des textures des instruments et la moins grande présence de grain dans la voix. Les harmonies étaient, encore une fois, dotées d’une plus grande fluidité et paraissaient aussi plus authentiques. C’est certain que l’on ne retrouvait pas la beauté et l’inimitable sonorité du médium présent avec les amplificateurs à tubes 845, mais les KT88 s’avéraient quand même un très bon compromis à un prix moins douloureux.
Je sais qu’en lisant les prochaines lignes, vous me direz que je suis tombé dans l’association facile, mais lorsque j’ai écouté de la musique cubaine, j’ai vraiment retrouvé la chaleur de Cuba à la fois que de sa musique enjouée des Caraïbes. Est-ce la chaleur des tubes qui rendait cette musique si chaleureuse à mes oreilles ? Bien sûr que non ! Et ce, malgré ce que notre inconscient veut bien nous dire. Des études déjà réalisées sur le sujet tendaient à démontrer que la distorsion générée par ces électroniques sur les ordres pairs était plus agréable pour l’oreille humaine et, par conséquent, produisait un son plus chaleureux. De plus, l’amplification à tubes offrirait une meilleure performance dans les harmoniques d’ordres élevés (contrairement à l’amplification à transistors). Que l’on partage ou non cette théorie, j’ai quand même trouvé que la prestation était très musicale et chaleureuse avec un niveau de détails juste assez grand et précis pour rendre l’expérience agréable. Les rythmes subtils et la microdynamique présente dans les percussions de Buena Vista Social Club me faisaient littéralement taper du pied et me donnaient presque l’impression que le groupe était à ma table en train de jouer l’inévitable et très populaire chanson Chan Chan. Le leader du groupe, Juan de Marcos González, me faisait revivre l’ambiance festive et créative de ce fameux club social de La Havane des années quarante. Quoi de mieux qu’une technologie de cette époque pour lui redonner un cachet unique et particulier ? Cette musicalité indéniable n’a certes pas nui à l’émotion ni à l’expérience auditive que me procurait cet album de musique latine. Il est toujours agréable de ressentir une certaine euphorie lors d’une écoute. Elle nous fait oublier à la fois nos tracas quotidiens et nous transporte dans un autre monde. En ce sens, le DiaLogue s’efface complètement derrière la musique et laisse toute la place aux musiciens et artistes du moment.
Tous ces kilogrammes doivent, je l’espère, ajouter du poids et de l’impact à la musique. C’est justement une lacune des tubes jumelés à des enceintes à charge complexe ou difficile, puisqu’ils ne peuvent suffire à la demande en courant. Il en résulte une dynamique appauvrie et une distorsion élevée. Cela ne s’est pas exprimé d’une façon flagrante avec le DiaLogue (ni avec le ProLogue Festival Son et Image sous étiquette Fidelio comprend un extrait sonore très révélateur signé Frédérick Alarie. Cet extrait fait partie du disque Moon Bass sous la même étiquette. Sur cette plage musicale, les notes de la contrebasse sont tout à fait stupéfiantes, profondes et très typées. Le jeu des doigts provoque des basses soutenues et vives. J’ai parfois vu quelques amplificateurs à transistors écrêter le signal de façon abominable lors de certains passages. Ce n’était pas du tout le cas avec notre intégré à tubes. Bien évidemment, il devait générer une certaine distorsion, mais puisque cette dernière était en quelque sorte imperceptible et agréable comme je le mentionnais précédemment, elle ne rendait que plus chaleureuse cette improvisation artistique. Dans ce dernier cas, j’avais opté évidemment pour le mode ultralinéaire afin de maximiser les capacités dynamiques de l’appareil et l’efficacité en courant.
PrimaLuna, la conclusion
Il est intéressant de constater qu’en plus de proposer des produits de qualité et de prix extrêmement compétitifs, PrimaLuna offre aussi, à l’intérieur même de sa gamme d’appareils, une variété qui permettra d’attirer autant le débutant audiophile au petit budget que le mélomane expérimenté qui jouit d’une somme plus appréciable et qui exige un plus grand raffinement sonore. C’est justement ce créneau que la série DiaLogue vise en fournissant des performances très satisfaisantes au point de vue de la dynamique et de la richesse des timbres. Les textures des instruments sont très bien définies, le médium ainsi que les voix sont sans contredit supérieurs et rendus avec encore plus d’aisance et de naturel. Les deux modes d’opération permettent aussi de moduler notre écoute de façon à obtenir une meilleure dynamique ou une plus grande transparence dans le médium. C’est donc la réunion des deux mondes dans un seul amplificateur. Recommandé!
Renseignements généraux:
Prix : 2 699 $
Médiagraphie
• Émilie-Claire Barlow, The Very Thought of You, EMG, 29982 09601
• Buena Vista Social Club, Nonesuch, 7559 79478 2
• Festival Son et Image 2006, Fidelio, 20675 20280
• Frédérick Alarie, Moon Bass, Fidelio, FACD003