Une enceinte avec une poigne de fer
La première fois où j’ai pris contact avec une réalisation de Totem Acoustic, c’était vers la fin des années 80 à la boutique Absolu Son de Chicoutimi.À cette époque, l’entreprise était naissante et son fondateur, Vince Bruzzese, parcourait les boutiques Hi-Fi du Québec pour faire connaître leModel-1, une toute petite enceinte qui produisait une sonorité pour le moins grandiose pour son gabarit. L’emblématique Model-1, qui est toujoursen production, fut une révélation à ses débuts et le fer de lance pour ce fabricant. Depuis, la gamme Totem s’est considérablement agrandie et laqualité de ses enceintes lui vaut maintenant une réputation internationale. Mon premier contact avec la toute nouvelle série Element remonte audernier SSI (Salon du Son et de l’Image 2011). Dans ce banc d’essai, je vais évaluer le modèle Metal qui chapeaute la série Element et qui se déclineen 5 modèles en tout. Nous allons pouvoir constater que tout le savoir-faire ainsi que la maîtrise technique du fabricant montréalais, se concréti-sent dans cette série Element. Beauté fatale
Toutes les enceintes de la série Element sont proposées en noir ou en blanc, dans une laque durable au polyester et lustrée au fini miroir. LaMetal qui m’a été livrée arbore cette finition grand piano qui lui donne l’allure d’un instrument de musique de grande classe. Elle se présentesous une forme de colonne pyramidale très svelte, avec un sommet tronqué et penché vers l’arrière. Si bien, qu’aucune des surfaces de l’en-ceinte n’est parallèle par rapport à une autre et, visuellement, l’enceinte n’impose pas sa présence dans votre décor. Cette configuration géo-métrique permet également de s’affranchir efficacement de la formation d’ondes stationnaires à l’intérieur du coffret. À l’instar des autresproduits Totem, les parois internes de l’enceinte sont traitées d’un enduit de borosilicate pour amortir les vibrations et les retours d’ondes.Le piétement en trois points est formé de pièces d’aluminium coulées et usinées avec précision, présentant un polissage au fini chrome.Les deux pattes arrière font partie d’une plaque vissée sous l’enceinte qui permet l’évacuation des vibrations du coffret. Cette plaque com-prend deux creux en forme de demi-sphère afin de recevoir des billes en matière synthétique très rigide, en lieu et place des pointes dedécouplage plus communément utilisées. La patte avant a l’allure d’une griffe inversée qui comporte une tige filetée ajustable en hauteuret terminée également par une demi-sphère. Ce dispositif en trois points permet de déplacer l’enceinte sans abimer les planchers de bois etsans avoir à réajuster constamment le nivelage. Il permet également de jouer sur l’inclinaison de l’enceinte vers l’arrière pour améliorer letemps de dispersion des haut-parleurs par rapport à la hauteur du siège d’écoute. La face arrière de l’enceinte comprend trois évents accor-dés sous forme de tubes machinés avec précision, dont un qui n’a pas la même longueur que les deux autres. Ce dispositif suppose unecharge interne spéciale pour atteindre les 30 Hz annoncés par le fabricant. Les bornes de raccordements sont des W.B.T. Platinum montéessur une plaque d’aluminium épaisse et peinte dans une finition noire texturée. Elles permettent le bi-câblage ou la bi-amplification. Unegrille à fixation magnétique est fournie pour dissimuler les haut-parleurs et comme toujours chez Totem, l’assemblage et la finition sont irré-prochables.
La motorisation de l’enceinte
L’enceinte Metal est une deux voies comportant un tweeter à dôme, en bonne partie constitué de titane. La plaque frontale affiche uneépaisseur de 1,2 cm et fait corps avec un boîtier en alliage d’aluminium massif qui sert de refroidisseur. Les deux woofers/médiums de 18 cmsont entièrement fabriqués dans les ateliers de Totem et dérivés des recherches effectuées lors de la conception de la série Tribe. Ils portentle nom commercial de Torrent et selon les informations de l’entreprise, leur fabrication demande 3 heures d’usinage ainsi que 4 heures d’as-semblage et de tests avant d’être montés dans l’enceinte. Le saladier est constitué de plaques d’aluminium de bonne épaisseur, usinées pré-cisément, puis assemblées entre elles par des colonnettes boulonnées. Ce montage procure un bon dégagement pour le rayonnementarrière du cône et une excellente rigidité structurale.
La membrane du cône est en matière synthétique très rigide et amortie à l’arrière par trois différents matériaux, dont le borosilicate. Cecône est relié en son centre à une bobine mobile en aluminium et terminé à sa circonférence par une suspension souple, laquelle permetun long débattement. Les spécifications du médium/woofer Torrent indiquent une fréquence de résonance à l’air libre se situant entre 16 Hzet 17 Hz, ce qui présuppose une bonne étendue dans le bas du spectre sonore. Les aimants qui entourent la bobine ont une forme spécialequi s’apparente à des doigts légèrement courbés. Ils sont au nombre de 16 et configurés dans une structure concentrique qui permet à labobine de toujours demeurer dans le champ magnétique, même lors de forts débattements, le tout étant enchâssé dans un pot en acierinoxydable finement poli. À noter que ce type d’assemblage magnétique fait d’ailleurs l’objet d’une demande de brevet.Tous les transducteurs sont montés dans la partie supérieure de l’enceinte, là où la surface est la plus étroite. De cette façon, la largeur desmédiums/woofers est presqu’à égalité avec celle de l’enceinte, ce qui permet de minimiser au maximum les effets de diffraction indésirablescausés par les rebords et la surface entourant les transducteurs. Les deux woofers/médium sont utilisés en large bande et ne comportentaucune filtration. Ils sont reliés directement à l’amplificateur, alors que le tweeter ne comporte qu’un filtre passe haut. Ce filtrage minima-liste a l’avantage d’éliminer au maximum les rotations de phase tout en améliorant l’efficacité de l’enceinte.
Installation et équipements associés
Selon les recommandations du fabricant, j’ai placé les enceintes à une distance d’environ 7 pieds entre elles et avec une légère orienta-tion vers l’auditeur. Ma salle à aire ouverte m’alloue un dégagement de 3 pieds des murs latéraux et du mur arrière, ce qui permet à l’en-ceinte de bien respirer. Le fabricant recommande une puissance de 50 à 200 watts par canal et un rodage d’une bonne centaine d’heuresavant que la Metal ne soit en mesure d’atteindre ses performances optimales. J’ai effectué mes premières écoutes et une partie du rodageavec mon amplificateur intégré A21SE de Sugden et mon lecteur CD CDA-277 de Copland. Les 30 watts/canal en pure classe A du Sugdenm’ont procuré de bons résultats, mais se sont néanmoins révélés un peu courts en raison de l’impédance de l’enceinte. La sensibilité de laMetal se situe autour de 91 dB et son impédance nominale est spécifiée à 4 ohms. En principe, elle ne nécessitera pas des puissances phé-noménales, mais aime par contre les amplificateurs qui sont capables de doubler leur puissance à cette impédance. Par la suite, j’ai utilisédeux autres amplificateurs intégrés que j’avais sous la main pour des essais, un de 200 watts/canal et un D-Premier de Devialet de240 watts/canal. Le reste de mes écoutes s’est donc effectué au moyen de ces derniers, et particulièrement avec l’intégré Devialet qui a remar-quablement su rehausser la livrée sonore de la Metal.
De la personnalité à revendre
Bien qu’elle ait été baptisée Metal, cette enceinte a tout sauf une sonorité métallique. Comme les grands vins, elle possède sa propre per- sonnalité et, à son écoute, on reconnaît bien la signature sonore Totem. Les hautes sont lumineuses et détaillées, le médium est très légè- rement en retrait et les basses fréquences démontrent une extension incroyable pour un volume relativement compact. Cette balance tonale procure une bonne aération dans le haut du spectre, sans pour autant présenter de dureté apparente dans le haut médium. Je perçois bien la réverbération naturelle des lieux d’enregistrement et, en parallèle, constate une belle présence des voix dans la salle d’écoute sans exagé- ration des sibilantes.
Si l’électronique qui lui est associée est à la hauteur, les timbres des instruments sont respectés quasi à la perfection. L’étendue des basses fréquences procure une fondation solide à l’image stéréophonique qui devient panoramique et très stable. Les bienfaits du filtrage minima- liste se retrouvent également dans la cohérence et la transparence du message sonore car la transition entre le tweeter et les médiums/woo- fers est pratiquement imperceptible. La plage dynamique de la Metal est passablement étendue, car à bas volume, elle restitue de façon exemplaire les détails dans les passages doux alors qu’à haut volume, elle semble pouvoir encaisser des puissances phénoménales. Bref, la prestation sonore est à la fois vivante, largement détaillée et empreinte de douceur, ce qui est l’apanage des grandes réalisations du domaine des enceintes acoustiques.
Les fondations de l’édifice
Je vous ai parlé plus haut de l’étendue des basses fréquences de la Metal. Ici, il ne s’agit aucunement d’un simple effet loudness qui sert à relever le niveau du bas médium pour compenser une réponse en fréquence déficiente dans le bas du spectre. Les basses de cette Element de Totem sont belles et bien réelles et, subjectivement, elles atteignent les 30 Hz annoncés par le fabricant. Pour vérifier mes dires, j’ai débuté mes écoutes par une pièce d’orgue tirée d’un CD d’échantillons de la défunte étiquette Dorian Recordings. Dans ces extraits, l’organiste Jean Guillou interprète une adaptation Des tableaux d’une Exposition de Mussorgsky et de Petrouchka de Stavinsky. Sur cet enregistrement capté dans la salle de concert de la Troy Savings Bank de New York, lorsque les plus grands tuyaux entrent en jeu, le tout peut devenir cacopho- nique et rendre les autres notes confuses si les woofers ne sont pas bien contrôlés par la charge de l’enceinte et la performance de l’amplifi- cateur. Or, la prestation de la Metal s’est avérée magnifique sur ces extraits, et l’acoustique bien reproduite par les enregistrements Dorian m’a été transmise comme si j’étais sur place. Mais cette enceinte ne fait pas que bien reproduire les basses fréquences. En effet, les inflexions des multiples claviers et du pédalier étaient parfaitement discernables, et ce, des plus hautes notes jusqu’aux plus profondes. Avec cette Totem, j’ai pu découvrir des notes fondamentales dont je ne soupçonnais pas l’existence jusqu’à maintenant.
L’indifférence totale
Pour tester les capacités de la Metal, j’ai essayé tous les types de musique ; des classiques les plus subtils aux jazz/blues émouvants, en passant par les rocks les plus tonitruants. Aucun style de musique ne peut prendre en défaut cette beauté svelte et celle-ci se moque éper- dument des genres. Parlant de blues et de rock, je vous suggère entre autres le CD Street Money Miracle du montréalais Shane Murphy. Son enregistrement est excellent et on comprend pourquoi Totem Acoustic s’est, en partie, impliquée dans la production de ce CD : la Metal res- titue à merveille la voix rauque de monsieur Murphy et à la manière d’un vieux bluesman noir, on sent bien tout le vécu derrière cet artiste. J’ai terminé mes écoutes avec l’auteure-compositrice islandaise Björk. Son CD intitulé Vespertine signifie les vêpres (ou les prières du soir) chantées par les moines. Cet opus est selon moi l’un de ses meilleurs, sinon son meilleur. Comme elle sait si bien le faire, celle-ci nous entraîne dans son univers musical hétéroclite composé d’une multitude d’effets sonores, tant acoustiques qu’électroniques. L’enceinte Metal ne s’est pas contentée uniquement de reproduire cette musique envoûtante, elle m’a submergé totalement dans un panorama de sonorités tein- tées de petits détails qui foisonnent et sortent d’on ne sait où. Le même phénomène envoûtant s’est d’ailleurs produit avec la musique de Bill Frisell, un guitariste de jazz américain aux accents folk/country.
Conclusion et recommandations
L’enceinte Element Metal de Totem est de classe mondiale et peut même concurrencer certaines grandes réalisations au-delà de sa caté- gorie de prix. Il faut lui accorder tout le respect et les attentions qu’elle mérite. Comme ses basses fréquences sont profondes et bien soute- nues, elle nécessite un local relativement grand ainsi qu’un bon dégagement des murs pour bien s’exprimer. Même si elle est relativement peu gourmande en puissance, sa transparence fait qu’elle performera à son meilleur avec une source et une amplification de qualité. Pour ma part, cette enceinte éloigne aux calandres grecques l’ajout d’un caisson de grave, du moins en écoute musicale. Néanmoins, si le besoin s’en fait sentir pour une prestation en cinéma maison, plusieurs modèles de caisson de grave sont disponibles chez Totem. Depuis ses débuts, Totem Acoustic a toujours eu le souci du design pour ses produits. J’en veux pour preuve les efforts investis dans leurs présentations à chaque évènement, tels le SSI ou le CES. La conception de la Metal n’échappe pas à cette règle et elle constitue le point culminant du savoir-faire de ce fabricant bien de chez nous. Laissez-vous parler à l’oreille par cette beauté et elle saura inévitablement vous charmer.
RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
Prix : 12 995 $
Garantie : 5 ans, pièces et main-d’œuvre
Fabricant : Totem Acoustic, Tél. : 514.259.1062,
www.totemacoustic.com
Médiagraphie
Björk, Vespertine, Elektra, CD 62653
Dorian, Dorian Sampler, Volume II, DOR-90002
Bill Frisell, Gone, Just Like a Train, Nonesuch, 79479-2
Shane Murphy, Street Money Miracle, BFTCD-2839