La naissance d’un nouveau classique !
S’il faut chercher un manufacturier canadien d’enceintes acoustiques dont la réputation n’est plus à faire, Paradigm vient sûrement en tête de liste. Depuis plus de trente années, ce grand fabricant d’enceintes d’ici nous a offert une multitude de produits très performants, accessibles et toujours à la fine pointe de la technologie. Et Paradigm ne s’est jamais assis sur ses lauriers, renouvelant et innovant de façon régulière ses nombreuses séries d’enceintes. Dernière en liste, la toute nouvelle série Prestige qui prend place entre les séries Signature et Studio, le tout suivi de la populaire ligne Monitor.
Ladies and gentleman, veuillez accueillir la nouvelle série Prestige, réalisée au Canada, qui ne comporte pas moins de sept enceintes : trois colonnes autoportantes, les 95F, 85F et 75F, une enceinte de type « tablette » la 15B, deux enceintes centrales les 55C et 45C et enfin une enceinte arrière, la 25S. Au cours des années, Paradigm nous a habitué à des enceintes au look souvent accrocheur voire même quelques fois exubérant. La série Prestige se démarque clairement en présentant une forme plus minimaliste, d’une sobriété presque « British » ! L’enceinte comme telle ne comporte que deux tons, boiserie et aluminium ; il n’y a aucune vis de fixation visible, les évents sont situés derrière le cabinet et celui-ci est de forme parfaitement rectangulaire. Ce dernier aspect tranche nettement avec la présente « mode » consistant à avoir des surfaces de coffret non parallèles.
Le modèle sélectionné pour cette évaluation est la 85F, une enceinte autoportante à quatre transducteurs, à charge bass reflex et utilisant un filtre d’aiguillage du type 2 voies et demie. Dans cette configuration, les trois woofers identiques se voient confiés toutes les basses fréquences en dessous de 500 Hz tandis que celui placé directement sous le tweeter prend aussi en charge la bande médium jusqu’à 2 kHz. À partir de cette fréquence, c’est le tweeter qui prend la relève. Tous les transducteurs de la 85F utilisent des membranes en aluminium pur avec membrane concave de 165 mm pour les trois transducteurs de basse et moyenne fréquences et un dôme de 25 mm pour le tweeter. Ce dernier est particulier et c’est la première fois que je vois ce type de transducteur sur une enceinte Paradigm ; on ne peut apercevoir directement le dôme car une « lentille » protectrice est placée devant celui-ci. Cette lentille, aussi en aluminium, est constituée d’une plaque perforée d’une multitude de petits trous stratégiquement positionnés afin, selon la documentation de Paradigm, de filtrer acoustiquement les signaux hors phase !
Ma première impression en ouvrant la boîte d’emballage a été très excitante ! La finition du cabinet laqué de couleur cerisier est tout à fait splendide et une paire de gants est même incluse pour protéger le fini pendant la manipulation de l’enceinte. Le poids est respectable, 26 kg, mais pas démesuré compte tenu du volume total du cabinet. Le boîtier est réalisé en MDF de ¾ de pouces pour les cinq faces et de un pouce pour le baffle avant. Le retrait d’un des très lourds transducteurs permet de constater la présence de mousse acoustique et de petits tasseaux dans le but d’absorber les résonances internes et de rigidifier les parois du cabinet. La cavité est commune aux trois woofers et elle est chargée par deux larges évents débouchant à l’arrière de l’enceinte, ce qui concourt à l’impression de sobriété. Chaque enceinte repose sur un très beau et solide support métallique fixé à l’usine et comportant des pointes réversibles pour qu’il s’adapte à tous les types de surfaces. Les bornes de raccordement situées au bas du cabinet sont d’excellente facture et autorisent la bi-amplification ou le bi-câblage selon le choix de l’utilisateur. De simples grilles en tissu à fixation magnétique ne laissant aucune trace d’ancrage sur la façade viennent compléter le tableau. En somme, une autre très belle réalisation pour ce manufacturier canadien, avec une orientation visuelle plutôt classique mais rafraîchissante, permettant une intégration discrète à n’importe quel décor.
Passons au salon, voulez-vous…
Les 85F ont été positionnées au même endroit que mes enceintes de référence, soit à 1,8 m l’une de l’autre et à environ 40 cm du mur arrière. Avant de procéder à l’écoute proprement dite, les enceintes ont été rodées pendant une trentaine d’heures avec une grande variété de musique et un signal de 20 Hz superposé en permanence afin d’en accélérer le processus au niveau des woofers.
D’entrée de jeu, je peux affirmer que les Paradigm ont relevés les défis avec brio, peu importe le type de matériel utilisé. Premier arrêt, la pièce Royals de la chanteuse Lorde. Depuis que j’utilise cette piste pour évaluer des enceintes, c’est la toute première fois que je l’entends avec autant de précision et de clarté et ce, sur toute la largeur du spectre musical. Les back-up vocals sont justement positionnés derrière la voix de la chanteuse et d’une présence très palpable. Les extrêmes basses de cette captation sont profondes et extrêmement vigoureuses, mais sans s’imposer sur le reste de l’enregistrement, sauf si on pousse le volume très haut, ce qui démontre leur aptitude pour les pièces de bonne dimensions comme la mienne (540 pi.ca) mais elles seraient encore à l’aise dans une pièce plus grande. Même en poussant l’intensité sonore à un niveau presque démentiel, je ne suis pas parvenu à ressentir une compression dynamique de la reproduction. C’est souvent une caractéristique propres aux grosses enceintes par rapport aux plus petites et les Paradigm s’en sont sorties comme des grandes !
Les réflexions acoustiques d’effets tridimensionnels présents de façon significative se sont même retrouvées à flotter au dessus des enceintes, au point qu’on aurait dit être en mode 5.1 ! Tous ceux qui doutent des avantages de la multiplication des « petits » woofers par rapport à l’utilisation d’un seul mais de grande dimension n’ont qu’à écouter la pièce populaire de Robin Thicke Blurred Lines pour se convaincre du contraire. La solidité des graves et le rythme percutant de la ligne de basse, même à haute intensité, ont gardés un aplomb exceptionnel, faisant vibrer autant mon divan que la lourde porte d’entrée de mon condo ! Les multiples voix accompagnant M. Thicke étaient situées dans un espace des plus réalistes tout en affichant une intelligibilité remarquable, même pour un enregistrement orienté plus « pop » que haute-fidélité. Le registre médium tel que reproduit par les Paradigm est solide comme le roc et les hautes fréquences, restituées avec légèreté, sont détaillées et sans aucune rugosité. Je dois avoué ici que la conception du tweeter, avec sa lentille altérant la voie aux hautes fréquences, me laissait un peu perplexe au début de l’évaluation mais mes doutes se sont rapidement dissipés.
Ces Paradigm savent aussi rocker comme elles le démontrent avec autorité sur la pièce Just Give Me A Reason de la spectaculaire P!nk. Un piano grandeur nature, de belles voix toutes en agilité, des basses généreuses qui roulent dans la pièce et un volume très élevé contribuent à en rendre l’écoute éminemment captivante.
Le toujours agréable et affable Michael Bublé vient par la suite me transporter au Madison Square Garden avec son disque enregistré en spectacle. Les cris, que dis-je, les hurlements hystériques du public féminin dépassent aisément de chaque côté des enceintes et on perçoit précisément les moindres déplacements de M. Bublé par rapport à son microphone. Lorsque la belle et voluptueuse Laura Pausini entre en scène, sur un rythme envoûtant de rumba lascive, j’en ai les poils qui se dressent sur les bras au point d’en oublier de prendre des notes d’abord ! Les 85F ne font qu’une bouchée de la large dynamique de l’orchestre Big Band et je m’entends penser : superbe ! Trompette, batterie, cuivres, tout y est pour nous faire vivre un spectacle électrifiant. On peut affirmer sans se tromper que le tweeter des Prestige se trouve plus du côté hot qu’obscure de la force et ajoute du piquant et du mordant, particulièrement aux percussions comme la caisse claire de la batterie.
C’est au SA-CD The Girl In The Other Room de Diana Krall qu’il revient ensuite de me faire rassoir dans mon divan. Il faut entendre la percussion faire son apparition dans le canal droit dès les premières mesures de Temptation. Ayant jadis jouer de la batterie, je suis habitué aux percussions et j’ai rarement entendu une reproduction aussi réaliste d’un son de frappe sur une peau tendue ! Les 85F présentent vraiment une fenêtre ouverte sur la musique. L’orgue B-3 flottant dans l’espace, la voix de Miss Diana, délicieuse et sensuelle, et un tweeter fabuleux de précision et de définition, j’en suis encore saisi ! Et le titre de cette pièce est admirablement bien choisi…
Question de tester les limites en basses fréquences des Paradigm, j’ai fait appel à un classique archi connu, Also Sprach Zarathustra, pièce emblématique du non moins célèbre film 2001 l’Odyssée de l’espace. Défi relevé avec panache, les extrêmes basses de l’orgue faisant vibrer énergiquement les objets dans la pièce. Et que dire de l’ouverture de Lawrence d’Arabie ? Les 85F peuvent certainement se passer d’un caisson de grave en configuration musique. Et chaque rangée de musiciens est bien définie dans un espace parfaitement maîtrisé.
Poursuivons dans le domaine classique avec la Symphonie no 3 de Camille Saint-Saëns pour grand orchestre et orgue sur support SA-CD 2.0. Le mouvement Poco Adagio, d’une sérénité inouïe, est rendu avec subtilité et délicatesse. L’opulence des timbres chauds de l’orchestre n’est certainement pas passée inaperçue non plus que les basses imposantes du puissant instrument à vents. Si j’avais cependant une petite critique à faire ici, j’évoquerais une légère opacité dans le médium, comme si la balance tonale des Paradigm présentait une courbe en forme de « M ». Cela dit, la dimension de l’orchestre dans le finale était tout simplement colossale et les dimensions physiques de la pièce ont été largement repoussées !
La musique russe regorge d’accents parfois exotiques comme dans les œuvres du compositeur Nicolai Rimsky-Korsakov, certainement l’un de mes préférés. Sur Dance Of The Tumblers, avec sa dynamique extraordinaire et les superbes éclats de ses cuivres, les Paradigm ont encaissées sans rouspéter tous les détails et exclamations de cette très belle captation. Et que dire de cette pièce composée par le chef d’orchestre lui-même, Eiji Oue, avec ses forts accents rappelant le compositeur américain Copland. Quel délice d’entendre avec une précision extrême les cuivres et les bois se répondre tout au long de cette courte composition originale, d’être transporté sur les lieux même de la prestation… Le travail de chroniqueur pour TED est décidément parfois bien plaisant !
Pour terminer, quoi de mieux qu’une orgie d’explosions et d’effets spéciaux ? Le 4e volet de Transformers : l’âge de l’extinction en Dolby True HD n’est pas le pire de la série et pour cette occasion, j’ai transformé mes enceintes avant en canaux arrière avec pour résultat un système 4.0 de plus de 7 000 $ juste en enceintes ! Je n’ai pas vraiment besoin de vous dire que les Paradigm se sont acquittées de la tâche avec une maîtrise et une articulation exemplaires, et ce même sans l’appui d’un caisson de sous-grave. Bien que la trame sonore de cette production soit presque entièrement une « fabrication », ce que la transparence des 85F ne dissimule en aucun moment, on assiste à une présentation plutôt virile d’un bon film de gars. Le rendu acoustique des sons métalliques est très percutant et les sons liquides, humides à souhait. Les voix masculines sont reproduites avec beaucoup de coffre, mais dans ma configuration sans enceinte centrale, très légèrement diffusées dans le panorama avant.
Conclusion…
Après avoir fait passer les Paradigm 85F par toute une variété de matériel musical, je ne peux conclure autrement : peu importe le message musical à livrer, ces enceintes se retrouvent dans une classe à part. Que ce soit de la musique classique, jazz, populaire ou même le dernier blockbuster estival, elles ne fléchissent jamais devant la tâche. De plus, elles agissent comme une loupe magnifiant les détails sonores et du même coup, toute la scène acoustique. Elles sont assurément prêtes pour des pièces de grandes dimensions et pour les amateurs d’émotions fortes autant que nuancées. Paradigm a frappé, avec l’introduction de sa nouvelle série Prestige, un coup de circuit, que dis-je, un grand chelem ! À auditionner sans faute si vous recherchez une enceinte exceptionnelle et un produit supérieur alliant une reproduction sonore de haut niveau à une prestance indéniable. En ce sens, le nom de cette nouvelle série d’enceintes de Paradigm est plus que mérité.
RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
Prix : 2 149 $ chacune
Garantie : 5 ans, pièces et main d’œuvre
Fabricant : Paradigm Electronics Inc.,
Tél. : 905.564.1994 ou au Québec, 450.510.1960
www.paradigm.com
Médiagraphie
Tutti!, Reference Recordings, RR-906SACD
Grammy 2014 Nominees, Atlantic, 2-537319
Michael Bublé, Caught in the act, Reprise, CDW 49444
Epics, E. Kunzel, C.P.O., Telarc, SACD-60600
Diana Krall, The Girl In The Other Room, Verve SA-CD, B0002293-36
Saint-Saëns : Symphonie n° 3 «Organ Symphony»,
Pentatone Classics, SA-CD, PTC 5186 116
Transformers : l’âge de l’extinction, Dolby TrueHD, Paramount Blu-Ray