Bien que ces chroniques sur l’acoustique ont été publiées en 1999, elles demeurent néanmoins toujours aussi pertinentes aujourd’hui qu’elles l’étaient hier. Les notions de base sur l’acoustique demeurent inchangées. L’auteur, Claude D. Pigeon – architecte, a étudié l’architecture tout en obtenant une spécialité concernant l’effet des divers matériaux utilisés en construction des bâtiments et leur rapport avec l’acoustique des pièces.
Nous avons donc décidé d’ajouter ces chroniques dans notre section Référence afin d’offrir celles-ci pour mieux informer le grand public concernant l’acoustique d’une pièce ou d’une salle d’écoute ou de divertissement maison.
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1999 mars/avril vol.6 no 2 – La nouvelle année débute, les résolutions et les grands projets aussi. J’entame ici une série d’articles sur l’acoustique des salles. Sujet que l’on traite, parfois que l’on maltraite, je tenterai donc de mieux vous le faire connaître. Les différents thèmes abordés vous permettront de comprendre ce qu’est l’acoustique, ce qu’elle apporte et comment on la contrôle. Vous pourrez ainsi plus adéquatement juger votre propre salle. J’aborderai des sujets tels que: la nature du son et sa propagation; la construction d’une salle, ses dimensions, ses finis intérieurs ainsi que l’insonorisation.
Les matériaux et leurs propriétés acoustiques
Bien d’autres thèmes seront abordés au fil des numéros, et tous les sujets tiendront compte des systèmes audio et du cinéma maison.
Avant de poursuivre, il serait bon de me présenter. Tout comme vous je suis un audiophile et un mélomane (doit-on faire une différence entre les deux termes?!). Je suis architecte, ce qui m’amène à voir la salle d’écoute non comme une fin en soi mais comme une partie d’un ensemble, dans une résidence, une boutique ou un centre sportif. Membre de l’Association Canadienne d’Acoustique, je prépare actuellement au niveau de la maîtrise, à l’Université Laval, une étude sur l’acoustique des salles, plus spécifiquement sur les théâtres. Quelle acoustique nos théâtres nous donnent-ils?
Pour introduire la série d’articles à venir, je crois qu’il sera intéressant de voir et d’analyser certaines croyances et mythes reliés à l’acoustique, qui tiennent leurs origines d’on ne sait où et résistent toujours à l’épreuve du temps. Voyons donc quelques-unes de ces légendes.
- “L’acoustique n’est profitable que pour les systèmes très haut de gamme.” C’est comme dire que les belles routes du Québec (!) ne sont agréables que pour les voitures de grandes classes. Tout système, indépendamment de son prix, a avantage à être installé dans une pièce où l’acoustique est de qualité.
- “Dans une salle d’écoute il faut mettre du tapis à poil court.” D’une couleur spécifique peut-être? Sans être nuisible, le tapis n’est pas une nécessité. Le tapis a des propriétés acoustiques propres, qui influenceront l’ambiance de la pièce, plus spécifiquement dans les hautes fréquences.
- “Le local doit être de forme rectangulaire.” En acoustique il faut éviter les surfaces lisses et parallèles susceptibles d’apporter des échos flottants. Le rectangle comporte 3 paires de surfaces lisses et parallèles! Si le rectangle est souvent utilisé c’est qu’il s’insère plus facilement parmi les autres pièces de la maison.
- “Des bouteilles vides dans les murs améliorent l’acoustique.” En plus d’être inefficaces pour l’insonorisation, elles n’apportent aucun bénéfice à l’intérieur de la pièce.
- “Les casseaux d’œufs sur les murs.” En plus d’être inesthétiques, leurs propriétés acoustiques n’ont pas fait leurs preuves. Le carton est un matériau souple qui aura tendance à absorber le son et rendra le local acoustiquement sourd, ce qui est peu enviable pour l’écoute musicale.
- “Le bois sonne bien dans une pièce.” Le bois, s’il est rigide, a de belles qualités acoustiques. D’autres matériaux sont aussi valables et non moins intéressants.
- “Évitez la céramique ou le béton au plancher.” Très rigides, ces matériaux réfléchissent les ondes sonores pratiquement sans perte d’énergie. Caractéristique très enviable … si on contrôle la propagation sonore!
- “Les matériaux spécialisés dits acoustiques.” Tous les matériaux ont des propriétés acoustiques, ce qui importe c’est de connaître ces propriétés et de les utiliser de façon adéquate. Il n’y a pas de matériaux miracles, mais une utilisation réfléchie et judicieuse.Dans le prochain numéro je traiterai du son et des phénomènes acoustiques. Quel type d’acoustique doit-on rechercher dans une salle audio?
Que la nouvelle année qui s’amorce vous soit belle, prospère et pleine de musique.
NOTIONS DE BASE SUR L’ACOUSTIQUE
En acoustique on distingue trois éléments principaux : la source, la propagation et le récepteur. La source, c’est votre chaîne hi-fi ou votre cinéma maison. Vous contrôlez ces éléments en choisissant des appareils de qualité afin de former un tout bien équilibré. Je n’aborderai pas cet aspect ici, laissant le soin à d’autres de vous renseigner convenablement sur les appareils. Le récepteur, c’est vous, vos oreilles et votre expérience sonore. S’il n’est pas possible d’améliorer l’efficacité de l’ouïe, vous pouvez enrichir votre expérience sonore en assistant à des concerts et des spectacles. La propagation c’est votre local d’écoute et ça c’est mon domaine!
Votre local influence le rendement sonore au même titre que les composantes de votre chaîne. Vous devez donc accorder autant d’importance au local que vous en accordez au choix de vos appareils. Dans cet article j’expliquerai ce qu’est le son, son mode de propagation et comment on le contrôle. Je définirai quelle acoustique on doit rechercher pour obtenir un lieu d’écoute optimal.
Le son
Le son est une sensation auditive engendrée par une vibration dans un milieu élastique comme l’air, l’eau, la terre et les matériaux de construction. Cette vibration peut être, par exemple, le mouvement d’un haut-parleur qui pousse les molécules d’air vers l’avant, ce qui crée une zone de pression plus forte (zones foncées dans la figure 1) que celle dans l’environnement normal. Au moment où le haut-parleur recule, les molécules d’air sont aspirées et il se crée une zone où la pression est moindre (zones pâles dans la figure 1). Ces zones de pressions se propagent dans l’environnement, en s’éloignant de la source à vitesse constante. Cette propagation – la vitesse du son dans l’air – est de 340 mètres par seconde, soit plus de 1 220 Km/h. Si le mouvement du cône se poursuit et qu’il n’est ni trop lent ni trop rapide, il y a production d’une onde que nous percevons comme un son. Comme le montre la figure 1, le son est une répétition de compression et de dépression des molécules d’air produite par la vibration d’une source. Le son est caractérisé par sa fréquence, son intensité et son timbre.
La fréquence est le caractère répétitif du son, et elle est déterminée par le nombre de cycles de pression dans un temps donné, généralement exprimé en hertz (cycle par seconde). La gamme de fréquences audibles, pour une personne jeune et en santé, s’étend de 20 Hz à 20 000 Hz. Avec l’âge cette sensibilité diminue et les extrêmes sont de moins en moins perçus, particulièrement dans les hautes fréquences. La longueur d’onde est la distance entre deux pressions identiques subséquentes. Cette longueur peut être de l’ordre de 1,7 cm (5/8 po) pour la fréquence de 20 000 Hz à plus de 17 m (56 po) pour la fréquence de 20 Hz.
L’intensité ou l’amplitude d’un son est déterminée par la valeur maximale de compression (ou dépression) des molécules d’air. La figure 1 illustre l’intensité par les zones plus ou moins foncées. Plus la différence entre les zones est forte plus le son sera fort. On mesure l’intensité en termes de rapport entre la pression du son et la pression de référence et elle est exprimée en décibel (dB). La figure 2 montre une échelle de décibels à laquelle correspond des exemples et leurs évaluations subjectives.
La figure 1 illustre trois sons, le son A de 60 dB à 1 000 Hz, le son B de 70 dB à 1 000 Hz et le son C de 70 dB à 2 000 Hz. On remarque que pour les deux premiers sons, de même fréquence, les zones foncées sont espacées de façon identique mais, leurs amplitudes étant différentes, l’intensité des gris est différente. Les sons B et C, de même amplitude, ont la même échelle de gris. Mais le son C a une fréquence deux fois plus grande que le son B et par conséquent à chaque cycle de B correspondent deux cycles de C.
Le timbre exprime le caractère qualitatif d’un son. C’est le timbre qui permet de différencier la même note jouée par deux instruments différents. Le timbre est composé d’une fréquence fondamentale (la fréquence de base) et de ses harmoniques (une série de multiples de la fréquence de base). Dans un environnement naturel, on trouve des sons dit complexes, c’est-à-dire composés de plusieurs fréquences simultanées. La différence entre un son musical et un bruit réside dans le rapport entre la fréquence fondamentale et ses harmoniques.
Il est important de ne pas confondre les notions de fréquence, d’amplitude et de propagation, ces trois phénomènes étant indépendants les uns des autres. La fréquence d’un son n’a pas d’influence sur son amplitude, pas plus que l’amplitude n’a d’influence sur le mode de propagation de l’onde sonore. Cette propagation n’est cependant pas à l’abri de toutes influences. J’aborderai maintenant les notions de propagation et de comportements acoustiques.
La propagation
À l’air libre, en l’absence de tous murs, plafonds et obstacles, une onde sonore se propage dans toutes les directions de façon sphérique, comme un ballon qui se gonfle. Au fur et à mesure que l’onde se propage, son énergie en un point diminue de 6 décibels à chaque fois que l’on double la distance de la source. C’est dire, par exemple, qu’un son de 90 décibels à un mètre (environ 3 pi) de la source ne sera plus que de 78 décibels à 4 mètres (12 pi). À l’intérieur d’un local, les murs, le plafond et le plancher permettent la réflexion des ondes sonores. Ces réflexions s’ajoutent aux ondes qui nous parviennent directement et augmentent ainsi le niveau sonore. Les surfaces d’un local ont donc une grande influence sur les ondes sonores. En fait, quand une onde touche une paroi, une partie de son énergie est réfléchie, une autre est absorbée et une autre la traverse. Les matériaux ont des effets différents sur les ondes sonores et peuvent ainsi être considérés comme plus ou moins absorbants selon les fréquences considérées. La forme et les dimensions du local ont aussi une influence sur les réflexions. Toutes proportions gardées, à l’échelle résidentielle, la salle d’écoute a tout avantage à être plus grande que trop petite.
L’acoustique recherchée
Le temps de réverbération est le temps que prend un son pour diminuer de 60 décibels après l’arrêt brusque de la source. Pour comprendre le phénomène de réverbération, pensez à deux cas extrêmes, une église et un salon funéraire. Dans l’église la voix du prêtre tend à s’étirer et résonner partout. Par contre, au salon funéraire, les conversations restent plus intimes, plus étouffées. Votre local d’écoute doit se situer entre ces extrêmes, ni trop réverbérant pour créer une confusion dans le message sonore, ni trop sourd pour diminuer l’image sonore ou créer un déséquilibre tonal.
Un autre phénomène associé à la réverbération est l’écho flottant. Vous pouvez expérimenter ce phénomène en frappant des mains dans une pièce vide. Ce petit son aigu qui persiste est produit par une multitude de réflexions sur des surfaces rigides et parallèles. Ce phénomène est à éviter dans un local d’écoute, mais malheureusement il est souvent présent dans une pièce rectangulaire. Un autre problème occasionné par la forme rectangulaire d’un local est la résonance. L’espace entre deux murs parallèles peut osciller à des fréquences précises telles que la distance entre les deux murs est égale à un nombre entier de la demi-longueur d’onde. De plus, si le rapport des dimensions du local sont des multiples entiers, 7 pi x 14 pi x 21 pi par exemple, chaque mode de résonance s’additionne et la réponse en fréquence présente des pics d’amplitude correspondant aux fréquences propres du local.
Une salle d’écoute doit être silencieuse, c’est à dire avoir un bruit de fond le plus faible possible. Concrètement ça veut dire ne pas entendre le renvoi de la salle de bain, le bruit de la laveuse à linge ou de l’échangeur d’air, la télévision ou la musique dans l’autre pièce Ne passez pas à côté de cet élément essentiel, car même si vous avez mis des pointes de découplage sous vos appareils, en pensant entendre plus de détails, ces derniers disparaîtront dans les bruits de fond. C’est pour cette raison que toute bonne boutique vous permettra de faire l’écoute de leurs appareils dans une salle la porte fermée. Les notions de bruit de fond et d’insonorisation seront abordées dans un article à venir.
Une autre caractéristique à rechercher dans une salle d’écoute, et non la moindre, est l’équilibre tonal. Votre local doit être neutre, ne pas absorber une trop grande quantité d’énergie dans une gamme de fréquences. On contrôle cet équilibre avec un choix judicieux et diversifié de matériaux pour la finition de la pièce. Eh oui, il existe autre chose que le gypse et le tapis! Chaque matériau possède ses propriétés acoustiques qui en font un élément plus ou moins absorbant selon les fréquences. Un tapis épais (avec sous tapis) sera très efficace au-dessus de 1 000 Hz mais très peu sous les 125 Hz. Une cloison de gypse est plus absorbante pour les basses fréquences qu’un tapis épais sur du béton. L’emplacement des matériaux dans la pièces est aussi très important. Des matériaux trop absorbants près des enceintes font diminuer la scène sonore. Je mentionnais plus tôt que les cloisons permettaient la réflexion des ondes sonores. Prenez avantage de ces réflexions pour retourner l’énergie vers le point d’écoute, et ce pour toute la gamme de fréquence.
En résumé
Une salle d’écoute audio ou de cinéma maison optimale doit être silencieuse, neutre, de bonne dimension, sans écho flottant ou résonance, avec une réverbération adéquate. Elle se doit aussi d’être belle, confortable, fonctionnelle, durable et facile d’entretien. Et par-dessus tout elle doit être le reflet de votre personnalité. Évidemment il n’est pas toujours possible d’avoir les conditions idéales pour réaliser sa pièce. Toutefois, avec un même budget, une salle peut être bien réussie et une autre peut être médiocre.
Cette série d’articles traitera de toutes les gammes de salles, du modèle de luxe au plus modeste. Chacun y trouvera son compte, mais attention, les lois de la physique acoustique sont les mêmes pour tous, peu importe l’ampleur de votre projet. Dans le prochain article, j’approfondirai les notions d’absorption et de réflexion comme moyen de contrôle de la propagation sonore.
(d’autre chronique suivront bientôt)