Rien entre vous et la musique
Rien entre vous et la musique, c’est le slogan qui accompagne le document de présentation de l’ensemble de Yamaha baptisé Flagship HiFi 5000 series. Et la platine vinyle GT-5000, présentée aujourd’hui, fait partie de cet ensemble de la série porte-étendard, qui comprend un préamplificateur C-5000, un ampli de puissance M-5000 et une paire d’enceintes NS-5000. Retour aux sources de la haute-fidélité, retour à la simplicité d’écoute à partir d’un ensemble purement analogique. Car, après tout, et pour bon nombre d’entre nous, c’est bien cette configuration d’appareils – platine vinyle, ampli et enceintes ‑ qui nous a permis de découvrir la haute-fidélité, non ? Alors, partons à la découverte de cette série magistrale de Yamaha et commençons par la source de musique.
J’ai reçu cette platine vinyle des mains du sympathique représentant de Yamaha, M. Nico Boucher, et une fois livrée, je pense avoir eu le même enthousiasme que si j’avais accueilli un piano de la même marque chez moi ! L’appareil est imposant et magnifique, ce qui est déjà un compliment quand on sait combien il est difficile de réussir un objet imposant tout en le rendant magnifique. Sérieusement équipé en gants, ne voulant, même avant la pandémie, laisser aucune trace de doigts sur une laque noire, je réserve mes gants blancs pour les réglages futurs et je mets mes gants en Nitrile pour le déballage et l’installation. L’objet étant très lourd, la préhension avec ces gants n’en n’est que meilleure !
Les écoles d’ingénierie
Pour bien comprendre notre sujet, la platine vinyle GT-5000 de Yamaha, il faut présenter les différentes écoles de pensée technologique qui sont entrées dans la danse au cours des années passées. Les marques que je cite ne le seront que dans un but de paternité de la technique utilisée, rien de commercial de ma part. Le socle des platines pour commencer, soit on le rend léger et simple de conception selon Rega qui a toujours préconisé cette approche, soit on le rend lourd et inerte selon Sharp-Optonica qui empruntera la voie du socle de marbre, lourd et inerte.
Vient ensuite une suspension d’isolement, avec des ressorts en compression comme Thorens ou des ressorts en extension comme Oracle. On rencontrera, et on le rencontre encore chez Rega, une absence totale de suspension, juste des pieds amortissants en caoutchouc, dont les emplacements sont judicieusement choisis.
L’entraînement du plateau se fera par courroie, laquelle, selon les cas, sera interne et entraînera un contre-plateau, ou elle sera extérieure et entraînera le plateau même sur sa périphérie. Ou bien les concepteurs auront choisi l’entraînement direct, le moteur entraînant directement, donc, le plateau, comme Technics et bien d’autres.
Et on passe aux bras, avec le concept le plus courant, le bras en S, le bras en J, long ou court, et le bras droit, long ou court, lui aussi. Il existe aussi un bras à déplacement radial qui est fort peu répandu dans l’audio domestique, mis à part quelques essais chez Revox et Bang & Olufsen.
Cette longue description nous aide à voir plus clair dans cet énoncé, et ce, afin de comprendre que si les possibilités sont nombreuses, elles ont des forces et des faiblesses.
Le concept final de chaque manufacturier révèle l’école de pensée technologique initiale de la marque qui anime les ingénieurs et impose certains choix de fabrication. Cette information est fournie dans le but d’aider le consommateur à mieux orienter son choix de produits afin de mieux jouir de ceux-ci. Et quels sont les choix faits par Yamaha ?
La définition du projet de Yamaha
La platine vinyle GT-5000, proposée par le célèbre manufacturier, possède un socle lourd et hyper rigide. Il est constitué de plusieurs couches de HDF (Fibre de bois de Haute Densité) jusqu’à atteindre une épaisseur de 4 po. Ce socle généreux repose sur 4 pieds munis de rotules et d’articulations à ressorts pouvant satisfaire au poids total de 58 livres de la GT-5000. Le plateau en aluminium, plus grand que ce que l’on rencontre d’ordinaire, mesure 35 cm de diamètre et repose sur un cabestan en laiton qui sera le palier d’entraînement et le support du plateau. Cette association de métaux de différentes natures permet de dissocier les résonances, nous explique Yamaha. Chaque pièce est usinée avec une précision extrême, témoin de la rigoureuse mise en place du plateau sur le cabestan. La courroie plate relie un moteur synchrone 24 pôles, 2 phases, à courant alternatif servocontrolé. Les sorties proposées sont de type RCA ou XLR, ce qui est plutôt rare dans le procédé de lecture analogique pour vinyle.
Esthétiquement, cette platine vinyle est un pur délice. Le bloc massif que constitue le socle est agrémenté de touches argent provenant des différents boutons poussoirs de mise en route, de choix de vitesses, de départ de rotation du plateau, du réglage de contrôle de vitesses et par les généreux pieds amortissants. Le bras et son pivot support sont également argent affichant un dessin délicat et raffiné. De l’élégance pure et simple et un classicisme de grand prestige. Une finition en tous points qui impose le respect.
Le bras droit et les cartouches utilisées
Pour s’approcher du burin graveur de la matrice mère, qui sert de modèle à la création de vinyles en série, les concepteurs de bras (et de platines vinyle) ont voulu se rapprocher le plus possible du déplacement du burin graveur qui progresse de façon linéaire au fur et à mesure qu’il grave le disque mère. Dans le cas d’un appareil de lecture à usage domestique, le déplacement du bras sera choisi, de préférence, suivant un axe de pivotement, et une erreur d’angle sera ainsi obligatoirement créée. En donnant un léger angle horizontal précis à la coquille porte-cartouche, on diminuera cette erreur d’angle. Le bras de la table GT-5000, qui a été choisi, est droit et court. Par contre pas de cartouche spécifique recommandée par Yamaha pour ce type de bras, le choix étant laissé aux exigences de chacun.
Dans mon cas, et pour ce banc d’essai, j’ai utilisé une cartouche à aimant mobile (Ortofon 2M Bronze) et une autre à bobine mobile (Koetsu Black). Comme pour les dégustations de grands vins, j’ai commencé par le moins charpenté pour finir par le 1er cru, mais nous sommes bien, dans les deux cas, devant des grands choix de vins… pardon de cartouches.
Précisions sur l’installation
La GT-5000 de Yamaha a été installée sur un support de type table, mise parfaitement à niveau. Je me suis servi de mon préampli phono habituel, avec une connexion en entrée et en sorties d’un même manufacturier de câbles et de type RCA. Les installations de cartouches et de mise en route ne poseront aucune difficulté pour un amateur qui a déjà fait ce genre d’installation, tout le matériel nécessaire – sauf une balance – étant fourni par Yamaha. J’ai particulièrement apprécié le disque à multiples usages et la petite lumière fournis qui permettent un contrôle stroboscopique des vitesses, en même temps que de gabarit de positionnement des cartouches.
L’écoute
Qui dit matériel d’exception – platine vinyle et cartouches– s’oriente vers quelques disques d’exception, également ! Ce sont mes disques d’exception, qui sont mes références musicales, que je connais de longue date et qui me permettent d’apprécier facilement la scène sonore, la position des musiciens, la qualité des timbres et surtout le côté humain des voix. Si des résultats excellents ont été obtenus avec la cartouche Ortofon, le paradoxisme de définition, et surtout de mise en scène sonore, surpassait mes attentes avec la Koetsu Black. Bien qu’il y ait une différence notable de prix entre les deux cartouches, c’est plutôt vers une cartouche à bobine mobile qu’il faudra se diriger, selon moi. Mon compte rendu sera fait en fonction de la cartouche Koetsu Black.
En premier lieu, c’est Tableaux d’une exposition qui démarre l’écoute. L’enregistrement est sublime et libellé London Digital Recording, ce qui, et les connaisseurs le confirmeront, est toute une référence en matière de vinyle. C’est la sensation d’espace qui domine l’écoute en premier lieu, la sensation de grand espace qu’occupe l’orchestre dans ma salle. Je sais, tout le monde ne rentrerait sûrement pas dans mon salon, mais ce qu’il faut comprendre, en gardant les yeux ouverts, c’est que les murs sont repoussés. Même si la dynamique est plus réduite qu’avec une écoute numérique, la masse orchestrale est suffisamment violente pour nous faire sursauter. Les moments intimes de l’œuvre sont super définis et limpides. L’écoute de musique classique est un pur délice.
Suit un disque ECM, Gary Peacock, Jack DeJohnette et Keith Jarrett. Au sujet de ce dernier, j’aurais bien aimé que quelqu’un lui dise de se taire quand il joue du piano ou de ne pas chanter en même temps, c’est désagréable ! Je fais l’effort de passer outre sa vilaine habitude et je me dis que c’est, malgré tout, un génie. Génie bien révélé ici, la lecture est magnifique, tout est précis, juste, ciselé. Le piano est doté d’un corps magistral, la cymbale est vraie, c’est jouissif !
Et je passe à Ofra Haza, pour la voix féminine et le rythme un peu disco, j’aime les contradictions, la GT-5000 aussi. La performance est au rendez-vous, et l’idée de musique calme, qui bonifie un ensemble audiophile, déjouée. Pas de concession à faire ici. J’en veux pour mon argent, et c’est gagné. Le test n’effraie pas Yamaha.
Allons plus loin encore avec un disque pop, Trapèze. Disque Decca standard, qui ne se plie pas, épais comme un disque, pour audiophiles, de 180 g (le mien fait 168 g) et date de 1970. Je suis sûr que les ingénieurs de Yamaha féliciteraient les ingénieurs du son de Decca, car leur travail est impressionnant. Pas de faux-fuyant, pas d’artifice, la GT-5000 révèle tout de cette musique. Chaque musicien est parfaitement à sa place, bien campé et aux bons niveaux. Je salue ici l’équilibre global de la platine vinyle que rien ne vient démonter. Si la lecture est excellente, la définition est à ravir, et j’applaudis cette vérité musicale que le temps n’atteint pas, cette précision qui vous fera entendre la vraie définition d’un ampli Ampeg et bien d’autres choses.
Conclusion
Yamaha ne choisit pas la route facile en imposant une platine vinyle GT-5000 au principe éprouvé, mais peu habituel. Si le bras droit utilisé possède des avantages, il est somme toute assez peu répandu dans l’audio et s’il est parfaitement maîtrisé d’un point de vue technologique, les résultats sont admirables. On comprendra qu’il ne s’agit pas, dans le cas de la GT-5000, d’une décision prise par souci d’économie, mais plutôt d’un choix en parfaite symbiose avec les désirs des concepteurs de Yamaha. On notera que plus pour une raison d’inutilité (dans le cas choisi par Yamaha), la GT-5000 ne possède pas de réglage d’antipatinage (anti-skating), oubli qui a tendance à se répandre sur certaines platines actuelles, puisque c’était déjà considéré comme inutile sur les Clément-Schlumberger. En fait, et sous des allures communes, cette platine a bien des secrets de fabrication, secrets qui seront révélés à ceux qui le souhaiteront, ceux qui considéreront cette platine comme un objet d’exception dont on ne voit pas immédiatement toute la technologie mise en œuvre, mais qui va permettre de lire les précieux vinyles en en décortiquant les plus infimes détails.
Il faudra trouver une cartouche à son goût, prioritairement à bobine mobile, pour lui accorder toutes les chances possibles sur le plan musical, tel que décrit ici. À vous d’essayer, de vous faire conseiller, mais soyez exigeants et curieux. Avec la platine vinyle GT-5000 de Yamaha on touche au sublime et on comprend mieux le retour fulgurant de ce procédé analogique. N’en déplaise aux dématérialisés purs et durs, la lecture vinyle a quelque chose d’insurpassable en fait de vérité, d’humain, de concordance avec une sensation palpable. Le retour de Yamaha est fracassant avec cette platine vinyle GT-5000 et peut être salué par les applaudissements des mélomanes, convaincus par l’analogique ou pas.
Renseignements généraux
Platine vinyle GT-5000
Prix : 10 999 $
Garantie : 4 ans, pièces et main-d’œuvre
Distributeur : Yamaha Canada Music Ltée,
Tél. : 416.298.1311 ou le sans frais, 1 855 300.7811
ca.yamaha.com
Médiagraphie
Mussorgsky, Tableau d’une exposition, Decca-London, LDR10040
Gary Peacock, J. DeJohnette, Keith Jarrett, Tales of Another, ECM-1-1101
Ofra Haza, Shaday, Teldec ,24 38451
Trapeze, Medusa, Decca Threshold, THS4
