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L’auteur qui signe ici cet article veut simplement dégrossir le sujet et apporter au lecteur une petite lumière réflexive qui lui donnera l’impression de mieux connaître le travail d’une revue, pourquoi il a raison ce lecteur de nous faire confiance afin de découvrir les informations attendues sur le matériel qu’il convoite, ou qu’il espère posséder un jour, ou simplement pour s’informer des tendances actuelles en matière de technologies et de mise en marché de nouveaux appareils. Cette belle revue TED par Québec Audio Vidéo, que le lecteur suit et lit assidument depuis des années, est à un tournant de son histoire, comme beaucoup d’autres revues du reste. Laissons à d’autres la polémique engendrée par la confrontation revue papier – revue dématérialisée et l’avenir qu’aura chacune, pour nous pencher d’abord sur ce qu’étaient les revues audio que j’ai connu au cours de ma vie de passionné de musique, et comment elles agissaient sur les clients potentiels.

Bien que peu fortuné à l’époque – nous sommes dans les années 70, je ne me suis jamais limité à ce que mon argent m’autorisait à m’acheter pour pouvoir écouter ; j’y allais plutôt de ce que j’avais découvert dans le magazine la Revue du Son et qui m’avais alléché.

Pourtant, à cette époque, les revues avaient une façon très singulière d’informer leurs lecteurs, imaginez plutôt : les banc d’essais étaient des descriptifs purement technologiques avec mesures à l’appui mais l’appréciation de l’aspect subjectif était quasi interdit. Par protectionnisme, certainement, puisque la France n’autorisait pas à ce moment-là qu’on démolisse sa concurrence, qu’on en dise du mal ou qu’on critique ouvertement, même à juste titre, pour mieux vendre son propre produit.

Si dans mon pays d’origine on montrait à peine un paquet de lessive rival en imageant une boîte blanche de proportions à peu près semblables à celle qu’on cherchait à mettre en avant, j’ai été bien surpris, en arrivant au Québec, de voir que non seulement la boîte de lessive rivale était identifiée et la réplique exacte de la concurrente, mais qu’on pouvait sans ménagement en dire du mal ouvertement !

Au cours des années 70, dans la Revue du Son, un banc d’essai était plutôt ce qu’il conviendrait de nommer plus justement un « banc test », c’est-à-dire une sorte de vérification des données d’un produit réalisé avec comparaison des mesures communiquées par les manufacturiers; mesures des taux de distorsion des électroniques, pleurage et scintillement des tables de lecture vinyle, rigueur du défilement des magnétophones à bobines ou à K7, tenue en puissance des enceintes, etc. On y décrivait, dans notre banc d’essai de l’époque (ou banc test), la réalisation mécanique des appareils et les vérifications des performances des produits sous forme de tableaux portant les commentaires suivants dans un encadré : bon, excellent, conforme, etc. Malgré  le fait que personne ne décrivait une écoute d’un disque vinyle, ni ne parlait de la qualité de l’enregistrement comme faisant partie de l’examen, comme étant obligatoire pour compléter le test des appareils audio, j’ai quand même eu mon intérêt très sollicité et ma curiosité suffisamment émoustillée pour me rendre chez un revendeur et écouter ce que devenaient toutes ces mesures et les moyens de fabrication qu’on m’avait décrits.

Il est important de se rendre compte maintenant à quel point on accordait de l’importance à la réalisation pratique, à cette époque, en vous  précisant les fonctionnements de l’objet en question et en décrivant dans les moindres détails toutes les technologies mises en œuvre. Je ne savais donc rien de l’aspect écoute lorsque je me rendais chez le revendeur, mais je connaissais bien pourquoi et comment l’appareil convoité avait été fabriqué puisqu’on me l’avait largement décrit, mesuré  et analysé. Autre temps autre mœurs. Il faut souligner aussi qu’à cette époque, c’est surtout un système complet avec sa table de lecture vinyle, son intégré ou ampli tuner et ses enceintes que le revendeur faisait écouter car c’était un système complet qu’on venait choisir. La prolifération des appareils n’avait pas cours à ce moment-là et on se contentait – si je peux dire, de la chaine équilibrée et préparée par le revendeur à qui on accordait une grande confiance.

Alors me direz-vous et pour résumer, on avait donc en France une information technologique assez généreuse grâce aux revues mais pas de description musicale et on s’en remettait, nous acheteurs, aux revendeurs pour la partie subjective, car c’était eux qui élaboraient votre futur système audio. C’est bien ça.

Et du côté Nord Américain, que se passait-il ? Nombre d’habitants oblige, l’Amérique du Nord détient la force du nombre face à l’Europe ; en matière de manufactures aussi. Pour la France ou les États-Unis, une manufacture de perdue pour cause de révélations exactes sur la mauvaise qualité du produit, dix nouvelles qui attendent ! Pas de souci à se faire pour les parutions mensuelles des magazines… les manufactures cognent aux portes. Et pourtant… Pourtant les descriptions subjectives dans les bancs d’essai arrivent beaucoup plus tôt aux États-Unis qu’en France. D’après John Atkinson de la revue Stereophile, son premier éditeur et rédacteur J. Gordon Holt s’attaque dès le début de la parution, et dès les années 60, à la description subjective des appareils dans la revue baptisée alors The Stereophile.

De l’autre côté de l’Atlantique et au tout début des années 80, la France balbutie un changement de méthode de publication des bancs d’essai, avec la parution d’un article concernant une enceinte acoustique de marque Perspective – pour s’appeler plus tard et exister encore aujourd’hui sous le nom de LEEDH, article qui était plutôt un publireportage mais qui me décrivait pour la première fois, en long et en large, comment les concepteurs de cette enceinte avaient construit leur modèle, les haut-parleurs qu’ils avaient choisi et pourquoi ces choix, tout cela avec des détails que je n’avais jamais lu auparavant. Cet article a été pour moi le point de départ d’une nouvelle façon de présenter les bancs d’essai puisqu’ensuite, on y découvrait quelques remarques subjectives et plus personnelles dans les textes. C’est à ce moment-là qu’apparait le disque Jazz at the Pawnshop assez peu intéressant mais véritable révélation en matière de prise de son live et dont les revendeurs du monde entier se serviront à outrance.

Dans cette revue, devenue La Nouvelle Revue du Son, la métamorphose s’est quand même faite par étape. On pouvait lire deux points de vue sur l’appareil en test en guise de conclusion avec un tracé de courbe subjective qui devaient être posé là à l’attention des revendeurs plus que des lecteurs. Cette confrontation de deux spécialistes audio était signée « Auditeur A » et « Auditeur B » avec pour un des auditeurs nul autre que M. Jean Hiraga qui était aussi le directeur de la Nouvelle Revue du Son à cette époque-là.

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Je tiens à souligner également une revue très spécialisée qui se nommait L’Audiophile et qui a été à l’origine, dans le même temps, d’une nouvelle vision dans le domaine de l’audio. Même si cette revue visait principalement le matériel d’exception et les salles parfaitement adaptées et préparées pour écouter de la musique, il ne faut pas oublier que ces pionniers ont posés les bases de ce qu’est l’audiophilie d’aujourd’hui.

Soulignons encore la présence de M. Jean Hiraga, toujours directeur de la Nouvelle Revue du Son à ce moment-là, concevant et construisant des amplificateurs à tubes exceptionnels sous la marque Lectron et écrivant dans la revue l’Audiophile : il est des « conflits d’intérêt » qu’il est bon de souligner tant ils font honneur aux métiers que nous pratiquons ! Si le continent américain innove très tôt en équilibrant ses tests de matériels audio autant de façon technique que subjective, la France, timidement, transforme ses textes, qui deviennent complets et plus détaillés musicalement. Elle propose aussi des bancs d’essai plus riches, la musique se mêlant  à l’écoute.

(À lire dans la prochaine partie)
Mais à qui s’adressait un banc d’essai audio en 1980 ? – À qui s’adresse-t-il aujourd’hui ? Comment se présentent les revues avec chaque banc d’essai ? – Que faut-il en penser ? Les décorations et autres distributions d’images – Ce que QAV fait depuis le début. L’avenir de tout ça.