Nouveau vinyle: Patrick Watson, Love Songs for Robots (2015)

Patrick_Watson_vinyleL’écoute d’un nouvel album de Patrick Watson est inévitablement synonyme de nouvelle épopée, de l’exploration et de l’agrandissement d’un univers qui, au fil des années, tend à devenir familier tout en conservant une grande part de mystère. Cette fois, Watson nous emmène beaucoup plus loin que notre cour arrière (souvenez-vous du splendide Adventures in Your Own Backyards, paru en 2012), le voyage visant à franchir la frontière de l’humanité dans l’optique de rejoindre celle de la robotique, tentative ultime de fusionner l’inanimé à la profondeur des sentiments. En ce sens, Love Songs for Robots réussit le pari : sans nous déstabiliser par une innovation qui casserait la chronologie musicale de l’artiste, ce cinquième opus parvient à franchir de nouvelles barrières, ténues mais significatives.

Quelques considérations sont d’abord à noter, la plus importante étant probablement la substitution du guitariste Simon Angell par Joe Grass ; ce dernier apporte un certain renouveau au groupe de Patrick Watson, bien que nul ne puisse critiquer le doigté de maître de son prédécesseur. Notons que le bassiste Mishka Stein et le batteur Robbie Kuster sont toujours fidèles au poste, permettant à l’esthétique musicale du groupe de connaître un certain niveau de continuité. Autre aspect fort intéressant : la collaboration de Frank Lafontaine (Karkwa, Galaxie…) aux synthétiseurs, un ajout qui permet un élargissement considérable des possibilités musicales, pointillant les contours de ce dit contact robotique, de cette épopée amoureuse mécanique. Car non, le titre de l’album ne ment pas, et Love Songs for Robots est bel et bien un hymne à la gloire de la tendresse et de la science-fiction.

C’est donc dans un univers futuriste que Patrick Watson a puisé son inspiration, y voyant un potentiel créatif des plus importants. Comme il l’explique lors d’une entrevue pour Ici Artv (1), la science-fiction permet d’être moins défensif, elle nous offre la chance de nous remettre en perspective. N’ayant néanmoins pas négligé l’aspect romantique qui sous-tend la plupart de ses créations musicales, il confie que Love Songs for Robots est probablement son album le plus sensuel à ce jour, « Bleu Nuit meets robots », pour reprendre ses termes. Notons d’ailleurs que de ces deux tendances, la sensualité l’emporte sur la science-fiction, la présence des synthétiseurs demeurant feutrée et discrète, offrant un soutien atmosphérique aux arrangements du groupe sans toutefois en travestir la nature. Néanmoins, l’innovation se fait parfois sentir, tout particulièrement sur des morceaux comme Turn Into the Noise, ouvrant la deuxième partie de l’album de façon manichéenne, tandis que l’inquiétant et l’obscur semblent se mélanger au bienveillant et lumineux.

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Un des aspects les plus intéressants dans l’écoute de Love Songs for Robots est qu’elle nous offre une expérience que beaucoup d’artistes n’osent pas offrir de nos jours : une musique qui doit être entendue maintes fois pour être appréciée à sa juste valeur. Certaines nuances ne seront perçues qu’après maintes observations auditives, et une seule écoute du disque ne permet pas d’en retenir l’entièreté des mélodies, du moins pas de la même façon qu’un disque pop traditionnel. Pas qu’il s’agisse d’un album difficile à apprécier, au contraire, il saura plaire à presque tout le monde; disons plutôt que la trame musicale est composée d’une manière progressive et évolutive qui invite tout autant à la réflexion qu’à la méditation. Notons tout de même que cet aspect n’est pas ici une nouveauté, étant en soi une touche propre à l’artiste. On aurait d’ailleurs pu prendre un peu plus d’innovation, les bases étant jetées mais pas coulées assez profondément pour qu’on parle d’une renaissance de son œuvre.

Le plus grand défaut de Love Songs for Robots ne se situe toutefois pas dans son fond, mais plutôt dans sa forme, et dans une large mesure hors du contrôle de Patrick Watson. Considérons l’édition vinyle : elle se veut très intéressante, particulièrement du fait qu’elle inclue un disque de 7 pouces sur lequel on retrouve une chanson bonus, Strangers, en plus de la pièce Grace, tirée de l’album. Par contre, il ne s’agit pas d’un pressage de la plus grande qualité et le mixage ne saurait être considéré comme optimal, étant par moment trop peu riche ; on se retrouve donc avec un support qui n’arrive pas à rendre justice au brin de génie derrière la musique, les ambiances n’atteignant malheureusement pas leur paroxysme comme on l’aurait espéré. Néanmoins, le voyage vaut amplement le prix du billet, et Patrick Watson réussit non seulement à nous sortir de notre cour arrière, mais bien à nous entraîner dans un périple interstellaire.

Ma note : 7,7/10

(1) Entrevue en ligne :
http://ici.artv.ca/videos/video/nouvel-album-patrick-watson

http://patrickwatson.net/
https://www.facebook.com/patrickwatsonofficial