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LE 23 AOÛT

Montréal, août 2011 Récipiendaire du prix Félix-Leclerc lors des dernières Francofolies de La Rochelle, la chanteuse française L présente Initiale, son acclamé premier album, qui sera enfin disponible au Québec le 23 août prochain.

Elle s’affirme dans la tradition de la grande chanson française, qui se moque bien des modes et qui aime ici se vêtir de rock, de trip hop ou encore de tango. Une chanson dans la pure tradition reste néanmoins la clef de son projet artistique. Le texte, en collaboration le plus souvent avec BABX, teinte les lignes mélodiques et habille de velours la voix de L qui, comme un aimant, attire. Bref, l’écrin est là et son contenu, des plus intéressants. La chanteuse Brigitte Fontaine la citait comme sa plus belle découverte», ajoutent-ils au sujet de L.

Lorsqu’on lui demande pourquoi la lettre L: « C’est évidemment l’initiale de mon nom, mais pas seulement. C’est aussi, par le seul fruit du hasard, celle des noms de famille de tous mes grands-parents. C’est une lettre présente dans mon prénom et empreinte de féminité. C’est également un roman de Romain Gary, Lady L., une chanson de Babx – compagnon de longue date – et bien d’autres choses encore… ».

Manière de dire qu’il peut s’en cacher, des choses et qu’il peut s’en tramer, des histoires, derrière une simple initiale. Et on ne s’étonne pas, alors, de voir s’épanouir tout un univers sous le titre d’Initiale, son premier album. Un univers couleur crépuscule, pétri des visions et des chimères de son auteur-compositeur, où se mêlent les mirages persistants du réel et les vérités flottantes de l’irréel.
 
Après s’être forgée la voix dans un groupe polyphonique interprétant des chants du monde, Raphaële Lannadère fait ses premiers pas en solo au début des années 2000, reprenant de vénérables classiques (Piaf, Ferré, Brel, Barbara…) dont elle boit alors les paroles avec ferveur, comme on boit des alcools forts pour se donner le  goût du vertige. Plus tard, elle embarque aux côtés du Brésilien Ricardo Tete ou côtoie Teofilo Chantre (Cesaria Evora), avec lesquels elle explore les beautés de la chanson lusophone.

Puis c’est à la source de ses propres textes et compositions qu’elle prend plaisir à se griser, tourbillonnant sous la lumière des scènes de Paris et d’ailleurs, où sa vibrante et délicate présence laisse ses premières traces. La demoiselle tape d’ailleurs dans l’oreille de prestigieux ainés dont Brigitte Fontaine et M.

Sur ces années de formation, qui lui ont appris les vertus de la patience, L porte un regard plein de gratitude. « Avec le recul, je mesure combien cette attente a été une chance. Elle m’a notamment laissé le temps de me planter, de partir par exemple dans une direction très théâtrale, proche du cabaret, qui m’a bien amusée… mais qui du coup noyait mon propos. Je n’avais peut-être pas assez réfléchi à l’essence même des chansons. » Cet élan vers l’essentiel l’a menée vers  Initiale. Et pas du genre à jouer la diva drapée dans quelque hautaine solitude, elle a tenu à emprunter ce chemin avec sa famille de cœur et de musique. Ainsi, se retrouvent au générique du disque ses partenaires de scène privilégiés – la pianiste Donia Berriri, le violoncelliste Julien Lefèvre -, le réalisateur-arrangeur David Babin (BabX) et tous ses musiciens.

« Avec BabX, on voulait comme préalable que le disque soit plus qu’une simple collection de chansons. On a beaucoup réfléchi aux atmosphères, aux scènes et aux lieux, aux températures et aux saisons qu’il convoquait. Dans les titres plus intimistes, on voulait créer l’impression d’être dans une pièce, qu’on puisse sentir si les murs étaient de bois ou de pierre… Sur chaque chanson, des choses se sont dessinées comme cela, et faisaient souvent appel à des travellings, des errances, des balades dans les rues et la nuit… BabX a cette capacité extraordinaire de scénariser la musique. Ceux qui possèdent ce don-là sont très peu nombreux ».

« C’est le texte, toujours, qui me vient en premier, c’est lui qui m’évoque la couleur musicale d’une chanson : je m’assois au piano et je cherche, comment dire les mots, comment je veux les entendre. Puis je joue avec des samples, des riffs, des lignes de basse… Je n’ai pas étudié la musique, mon approche des instruments est intuitive, pas conventionnelle, mais j’ai besoin d’aller au bout de mes idées. Certaines chansons d’Initiale sont très fidèles à mes arrangements d’origine (Mescaline, Petite…).

D’autres ont été au contraire complètement effeuillées, réduites à leur plus simple expression, avant de revêtir les arrangements de Babx ».

On l’entend rêver tout haut dans sa chambre (Je fume, Mescaline), enrobée dans les vapeurs opiacées du sentiment amoureux, dériver au soir tombé dans le cœur des villes (Château Rouge, Romance et Série Noire), ou encore s’abandonner corps et âme aux bras d’une valse en habit de nostalgie (Les Corbeaux), d’une habanera douce-amère (Mes lèvres) ou d’une mélodie rythmée (Jalouse, Pas de ciné)… Et s’il lui arrive de se heurter brutalement à la réalité (Petite, évocation d’une sans-papier expulsée), c’est pour mieux tracer ensuite de cinglantes lignes de fuite vers les territoires sans limites de l’imaginaire (Initiale, Pareil).

Dans cette harmonieuse succession de climats et de situations, L reste cette chanteuse d’une intense légèreté, préférant envisager l’existence par le prisme de l’invention que par le biais terre-à-terre du quotidien. « J’ai commencé à écrire avec plaisir, quand je me suis aperçue que je pouvais me détacher de moi-même. Narrer par le menu mes petits tracas ou mes courses chez Ikea, c’est l’inverse de ce qui me touche, en musique, en littérature ou au cinéma. Après, il a fallu que je débarrasse mon chant de tous ses tics, ses manies. Depuis un an ou deux, j’ai l’impression d’avoir trouvé une unité dans ma voix et mon expression, quelles que soient la tessiture, l’intensité ou la dynamique des chansons. Quand on chante, on ne peut qu’être attiré par cette forme suprême de justesse et d’épure qu’ont atteint des gens comme Billie Holiday, Thom Yorke, Björk ou Lhasa ».

Aujourd’hui c’est sa voix, à elle, qui nous happe. Initiale nous appelle et nous attrape. On y entre tout entier, comme on se fond dans les vapeurs enveloppantes du soir. Comme on se perd avec volupté dans la mélancolie des heures d’ivresse et d’égarement.

www.initiale-l.com/
Jalouse: http://www.totoutard.com/ecard/ecard.php?id=12