Le pari multicanal de Dutton

C’est ce qui s’appelle ramer à contre-courant ! L’étiquette anglaise DuttonVocalion publie sur étiquette Dutton Epoch, en SACD multicanal, des enregistrements quadraphoniques du catalogue Sony/BMG.

Notre attention a été attirée par la présence sur le marché de disques de Leonard Bernstein (Sacre du Printemps), Pierre Boulez (Daphnis et Chloé, Bartók), Leopold Stokowski (Mahler, Beethoven) et de l’intégrale des Concertos pour piano de Beethoven tardivement enregistrée par Arthur Rubinstein sous la direction de Daniel Barenboim.

En pratique, la démarche est la même, exactement, que celle de Pentatone, il y a 10-15 ans, qui rééditait le catalogue quadraphonique d’Universal, par exemple la Tosca de Colin Davis, Carmen de Bernstein, les Beethoven de Kubelik (sauf la 3e dont la bande est trop endommagée).

La différence aujourd’hui est que même les labels, fervents supporters du SACD, (Pentatone justement) abandonnent le format, car les coûts de presse sont trop chers, le parc de lecteurs déficient et des études ont montré qu’un partie de la clientèle ne jouait même pas leurs parutions en qualité SACD.

Alors que valent les disques Dutton Epoch ? L’éditeur nous a envoyé pour test le Daphnis et Chloé de Boulez, le Sacre du Printemps de Bernstein-Londres et deux Stokowski, soit l’Héroique de Beethoven et la 2e de Mahler, ces deux derniers correspondant à nos souhaits, un peu par admiration fétichiste pour le chef. Bonheur que cette admiration, car la 2e Symphonie de Mahler, qui avait, chez RCA un son de boîte, sort transfigurée et revivifiée du traitement (en stéréophonie d’ailleurs aussi) et gagne une indiscutable aura, ce qui fait très plaisir pour la postérité mahlérienne de ce chef qui donna l’une des premières exécutions de la Symphonie no 8 (des Mille). L’Héroïque était moins déficiente à la base, mais le travail est là aussi soigné, pour une interprétation sérieuse.

Le Sacre du printemps de Bernstein ne vaut pas celui, antérieur, à New York et souligne que lorsqu’une prise de son est très vaste et manque un peu de focus, le multicanal risque d’amplifier cette diffusion. Le Sacre est couplé avec le Gloria de Poulenc et la Symphonie de Psaumes de Stravinski : captation chorale très en bloc et parution assez superflue.

Cette quadraphonie respecte l’intégrité esthétique de la musique. Dans l’utilisation des canaux arrière, on est un peu au-dessus de l’ambiance de salle de chez BIS, mais pas du tout dans une spectacularisation artificielle. Pour la décision d’achat, l’exemple Stravinski-Bernstein et, a contrario, Ravel-Boulez, un pur délice en plus d’une référence, montre que la qualité originale de la source devrait être un critère si vous désirez acquérir certains des titres. Cela dit, comme le montre la Symphonie «Résurrection» par Stokowski, Michael Dutton fait parfois des miracles. Le mieux serait qu’il nous les soumette !

Beethoven Stokowski. Dutton, CDLX 7380.

Mahler Stokowski. Dutton, CDLX 7382.

Ravel Boulez. Dutton, CDLX 7381.

Stravinski Bernstein. Dutton, CDLX 7383.

https://www.duttonvocalion.co.uk/