<!--:fr-->Disque CD: Ensemble Constantinople & Suzie Leblanc, Soprano<!--:-->

Constantinople_2014_11_21Metamorfosi – Impressions Baroques
Analekta, AN 2 9142

Guy MarceauCollaboration spéciale

Métamorphoses exquises
Dans la foulée de leur dernier opus, Premiers songes où l’Ensemble Constantinople explorait les musiques, chants et sonorités mexicaines et espagnoles baroques, il poursuit ses stimulantes pérégrinations en présentant Metamofosi – Impressions baroques au fil musical de compositeurs et compositrices italiennes. Constantinople nous a toujours habitué à des productions d’une très grande qualité et d’une recherche pointue, toujours à l’aune de la découverte que feront même les plus aguerris au répertoire ancien. Cette deuxième incursion dans les musiques baroques est une totale réussite. Spécialistes des métissages musicaux, avec en tête, la création et l’improvisation sur des matériaux déjà écrits, les membres de Constantinople font encore une fois mouche en s’adjoignant, notamment, la voix suave de Suzie Leblanc et la sensibilité de la violoniste baroque Miren Zeberio. Le disque, qui fait alterner pièces vocales et instrumentales, fait la part belle au luthiste Giovanni Girolamo Kapsberger et à Barbara Strozzi, cantatrice et rare compositrice au XVIIe siècle. Les musiques de Monteverdi, Rossi, Merula et Landi complètent le programme qu’on écoute en boucle sans se lasser.

De Monteverdi d’abord, Il ballo delle ingrate (extraits), la table est mise et on est déjà ailleurs, avec les sonorités orientalisantes au violon baroque, les percussions de Ziya Tabassian, le théorbe de Enrique Solinis et le sétar de Kiya Tabassian. Le madrigal qui suit, Si dolce è il tormento révèle une fois de plus une voix qui n’a pas pris une ride, et qui envoûte encore de sa belle fragilité. De Barbara Strozzi, Suzie Leblanc s’imprègne du madrigal L’Eraclito amoroso chargé d’élans, du grave à l’aigu, avec des inflexions d’un cœur contrit. Les mélismes sont beaux, et l’accompagnement subtil et caractéristique nous mène à la fin où meure la mélodie dans des sauts d’octaves poignants. Même engagement, plus guilleret et festif celui-là, et de Strozzi toujours, Amor dormiglione, avec des imitations, des traits vocaux repris aux instruments, et des rythmes de danse à l’appui. La soprano interprète aussi deux pièces vocales de Stefano Landi et une danse de Tarquinio Merula, Sentirete una canzonetta qui sont du même ton festif.

Mes coups de cœur vont aux pièces instrumentales de Kapsberger, dont sa Toccata arpeggiata d’une gravité à pleurer et d’une douceur troublante (viole de gambe transcendante ici) qui sonne parfois comme Arvö Pärt, planant, génial, beau, beau beau. Idem pour la pièce du nom du compositeur (une création de l’ensemble) d’une grande vigueur, ultra colorée et enlevante, avec le tutti instrumental dans une veine débridée ! De Kapsberger toujours, il faut aussi écouter ce Canario dansant, l’intermède Colasione, la Ciaconna plus formelle, mais toutes des pièces qui permettent à l’ensemble un maximum d’improvisation et de brillance aux nombreuses sonorités des instruments anciens. De Salomone Rossi, l’extrait de la Sinfonia quinta distille les affects dont les compositeurs italiens étaient friands, et les frottements harmoniques donnent le frisson tant il y a de beautés ici. Un disque en tous points réussi, à recommander aux plus irréductibles puristes, aux néophytes avides de découvertes musicales, et à tous ceux qui apprécient les projets musicaux créatifs. Ça sent le prix Opus

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