The Flower Kings
Banks of Eden

Cinq interminables années se seront écoulées après la parution du divin The Sum of no Evil. Si ce laps de temps peut paraître normal pour la plupart des groupes, il reste exceptionnel pour une bande d’artistes qui nous avait habitués à un opus par année, depuis leur tout premier en 1995. Après 12 albums studio, dont quatre doubles, il était légitime de se demander si l’inspiration serait encore au rendez-vous après une si longue pause. Avec une telle production d’enfer et autant de chefs-d’œuvre, il aurait été fort possible que le potentiel créatif du groupe ait été épuisé. Ceci dit, je suis de ceux qui croient que cet arrêt fût salutaire, particulièrement pour permettre à ces musiciens hors du commun de sortir un peu de la coquille « Flower Kings » et d’expérimenter de nouvelles avenues, notamment avec d’autres vedettes et d’autres groupes. Ces cinq dernières années ont donc vu passer une pléiade de side projects portant diverses identités (Transatlantic, Agents of Mercy, Karmakanic, Hasse Froberg and Musical Companion, Kaipa, Bodin, etc.) et favorisant la collaboration de nos « rois de la fleur » chéris avec un bataillon d’autorités du rock progressif. Ainsi, après une période de ressourcement si riche, à quoi ressemble le nouveau-né, si « éloigné des autres » ? Fidèles à leur habitude, les Flower Kings nous livrent un opus dépareillé, imaginatif et tourbillonnant, combinant à la fois les valeurs sûres des vingt dernières années à de nouvelles explorations audacieuses qui contribuent à raffiner encore plus la personnalité de cette formation phare. La pièce maîtresse, Numbers, qui dure 25 minutes est une entrée en matière magistrale qui nous replace rapidement en contexte avec les guitares acrobatiques et les voix si caractéristiques de Stolt et Fröberg, les claviers enveloppants de Bodin et la puissante basse de Reingold. Bien que les refrains accrocheurs y soient moins nombreux, les mélodies complexes et les accords tordus sont en revanche omniprésents, héritage peut-être de Karmanic et d’Agents of Mercy… Suivent quatre autres morceaux plus courts mais construits sur le même modèle. De façon générale, cette attente aura largement valut la peine et c’est avec soulagement qu’encore une fois, ces Suédois réaffirment sans équivoque leur autorité musicale dans le monde du rock progressif…
www.flowerkings.se ;
www.myspace.com/cosmiclodge ;
www.insideoutmusic.com

ECHOLYN
Echolyn2012
Echolyn est une formation américaine composée de Christopher Buzby (claviers), Thomas Hyatt (basse), Brett Kull (guitares, voix), Paul Ramsey (batterie) et Raymond Weston (basse, voix). Cette dernière, qui date de près de 20 ans et fut marquée par plusieurs bouleversements, est une référence du rock progressif des plus respectées et contribua fortement à remettre ce style musical à l’ordre du jour au pays de l’Oncle Sam dans le milieu des années 1990, notamment par de nombreux concerts donnés ici et là, de même que par l’enregistrement de cinq albums dans la très courte période de 1991 à 1995. Après plusieurs séparations et un espacement grandissant des parutions, l’album de 2005, The End is Beautiful, possédait un titre prémonitoire qui laissait craindre le pire quant au futur. C’est donc avec soulagement qu’est accueillie cette nouvelle réunion de la formation originale et la création d’un neuvième album simplement intitulé 2012. Bien qu’il s’agisse officiellement d’un disque double, justifié notamment par la disponibilité d’une version vinyle, sa longueur de 70 minutes « tient » très bien dans un seul DC. La musique d’Echolyn en est une d’exception. On la définit comme une redéfinition d’un style musical qualifié de « mélodique, harmonique, rythmique et dynamique ; bref, la musique progressive dans son sens le plus épuré ! ». On ne peut mieux dire ; dès les premières mesures de la pièce d’introduction (Island) qui dure 16 minutes, des éléments déconcertants viennent nous troubler ; que ce soit des dialogues de guitares stratosphériques, des mélodies accrocheuses qui se fondent les unes aux autres ou des ensembles vocaux recherchés et dominés par la voix de soprano de Kull. L’ensemble est légèrement teinté de saveurs folk rock ou même country qui se marient admirablement bien à un ensemble passablement élaboré et tout en créant une discrète toile de fond « made in USA ». Assez hard par moments, l’écoute demande beaucoup de concentration à cause des nombreuses subtilités dissimulées ici et là. Echolyn 2012 est donc le digne héritier d’une lignée de purs sangs qui a influencé toute une nouvelle génération de groupes américains audacieux, tout en redonnant au rock progressif son lustre d’antan.
www.echolyn.com

SYNDONE
La Bella è la Bestia

Syndone est une formation italienne qui gravite autour de Nik Comoglio (piano, orgues, claviers et chant) et qui existe depuis le début des années 1990, période pendant laquelle elle publia deux albums, soit Spleen (1990) et Inca (1993). Après une longue période d’hibernation, Comoglio revint en force il y a quelques années avec une toute nouvelle équipe dont Francesco Pinetti (percussions, vibraphone) et Riccardo Ruggeri (chant principal). Un nouvel opus vit ensuite le jour, Melapesante (2010), suivi récemment de La Bella è la Bestia (2012). Ce conte romantique de la Belle et la Bête, dont l’origine se perd dans la nuit des temps, a été maintes fois repris dans la littérature, le théâtre, la musique et l’opéra. Pourtant, ne s’agit-il pas d’une toile de fond idéale pour le rock progressif ? Ce sera à Syndone de relever le défi : et quelle réussite ! Chant italien multidimensionnel, émotions à fleur de peau, mélodies raffinées, arrangements complexes et extravagants, bref, tout pour redonner un autre lustre à une saga qui survécut au-delà des siècles. Les partitions vocales impressionnent par l’étendue du registre de Ruggeri, qui campe à lui seul tous les personnages de l’histoire. Les claviers de Comoglio sont variés, tourbillonnants et ajoutent toute la profondeur mélodramatique requise. Les répliques des nombreux instruments (guitares, vibraphone, piano, saxophone, flûte traversière, etc.) s’intègrent parfaitement à cet ensemble lyrique et accentuent l’atmosphère de romantisme. La Bella è la Bestia est donc un autre de ces trésors authentiques et délicats du « pays de l’amour et du vin » qui nous ravissent tant !
www.syndone.it/syndone

MYSTERY
The World is a Game

La formation montréalaise de Michel St-Père (guitares, claviers) poursuit son retour si réussi depuis 2007 avec un sixième album en carrière. Cette fois, l’équipe subit plusieurs modifications avec la venue du batteur Nick D’Virgilio (ex-Spock’s Beard) et d’Antoine Fafard (Space Out), le bassiste qui collabora partiellement au précédent exercice. On peut aussi compter sur la présence si appréciée de Benoît David, le chanteur attitré depuis 5 ans, qui, après une aventure avec Yes, replonge dans son milieu naturel. Contrairement à One Among the Living qui faisait appel à plusieurs musiciens invités, The World is a Game est l’œuvre quasi exclusive de ce quatuor, ce qui laisse beaucoup de latitude à chacun des membres. Bien qu’une certaine continuité dans la musique soit perceptible, ce nouveau-né puise plus que jamais son inspiration dans l’héritage du neo-prog britannique. Des pièces comme Pride ou la longue suite Another Day ne laissent planer aucun doute là-dessus. La voix aiguë de Benoît David de même que les guitares fouineuses et incisives de St-Père offrent un ensemble pouvant parfois rappeler les groupes canadiens chéris; Saga et Rush. La partie rythmique est solidement assurée par, d’une part, Antoine Fafard, un habitué du prog-fusion qui impressionne par ses arrangements de basse puissante et un brin jazzée et, d’autre part, par l’époustouflant Nick D’Virgilio dont les prouesses à la batterie sont bien connues. Avec de tels talents, Mystery est en voie de devenir notre « IQ québécois », et ce nouvel opus de calibre international le prouve bien…
www.unicornrecords.com/mystery