Hegel_4a8a8508_8Hegel est un fabricant d’électroniques qui nous vient directement d’Oslo. Dans le numéro 3 du volume 17 de la revue TED (juin-juillet 2010), j’ai eu l’occasion de tester un convertisseur numérique-analogique HD10 du fabricant Hegel et, à ce titre, ma conclusion s’était avérée très positive. Dans mon introduction, je stipulais entre autre le fait que cette marque était peu connue au Québec. Les choses se sont depuis améliorées, et on peut maintenant compter sur au moins deux boutiques spécialisées dans la province pour faire l’écoute de leurs produits entièrement fabriqués en Norvège. Ce qui nous intéresse ici, c’est un nouvel amplificateur intégré nommé le H300 de la toute dernière génération. Celui-ci incorpore son propre convertisseur numérique-analogique, ce qui en soi n’est pas nouveau, mais plutôt induit de façon non-conventionnelle.

Les origines du H300
L’amplificateur H300 est issu d’une lignée d’amplificateurs intégrés, tout comme le H70 et le H100 qui intègrent leur propre convertisseur N-A. Cette pratique n’est cependant pas nouvelle chez les fabricants d’amplificateur intégré, mais disons que Hegel fut l’un des premiers à le faire. Dans le cas du H70, on parle d’une puissance de 70 watts par canal et de deux entrées du type S/PDIF, une sur prise coaxiale RCA et l’autre sur prise optique Toslink. Pour ce qui est du H100, il s’agit d’une amplification plus musclée de 120 watts par canal avec une seule entrée USB, qui permet de brancher directement votre ordinateur. Le H300 double les entrées coaxiales et optiques tout en conservant l’entrée USB asynchrone. À cela s’ajoute une fonction nommée DAC-Loop qui permet de brancher un convertisseur N-A externe de qualité supérieure et de l’alimenter avec le signal numérique resynchronisé du H300 à partir de sa sortie coaxiale. Mais je reviendrai sur cet aspect un peu plus loin. Pour ce qui est de ses circuits de pré-amplification et d’amplification, le H300 emprunte et réunit dans un seul et même boîtier une bonne partie de la technologie de l’amplificateur H30 et du préamplificateur P30, lesquels représentent le très haut de gamme chez Hegel. Cette marque commence d’ailleurs à faire parler d’elle autant en Europe qu’ici en Amérique du Nord. Au dernier High End Show 2012 de Munich, le H300 a également défrayé la chronique de façon très positive.

L’intégré Hegel H300 et les autres
La tenue dans les basses et la profondeur des notes graves semblent donner un nouveau jour à mes enregistrements connus. Dans la catégorie des amplificateurs intégrés valant entre 4 000$ et 6 000$, le H300 doit faire face à une bonne dizaine de compétiteurs. Alors, qu’est-ce qui peut vraiment le différencier des autres? Sûrement pas son châssis, qui reprend les mêmes dimensions (12 cm X 43 cm X 38 cm) que son prédécesseur le H200, ni son fonctionnement en classe A/B. En effet, il en conserve également le même design classique, soit une boîte rectangulaire sans les ailettes de refroidissement apparentes sur les côtés ainsi qu’une façade dépouillée dotée de courbes sinueuses. Le tout est construit avec des tôles de bonne épaisseur qui sont finement ajustées et finies. Ceci étant dit, on constate visuellement que l’argent a été investi ailleurs que dans l’habillement, ce qui n’est pas forcément mauvais lorsqu’on recherche un bon rapport qualité-prix. Son poids de 25 kg est pour sa part en concordance avec sa puissance de 250 watts par canal sous 8 ohms, et de 430 watts sous 4 ohms. Ce qui en réalité explique en partie ce poids, c’est son énorme transformateur torique à plusieurs enroulements de 1 000 VA. Ces derniers sont suivis de pas moins de 95 000 uF de condensateurs au total. Avec un fonctionnement en classe A/B, un facteur d’amortissement estimé à 1 000 jusqu’à 2 ohms et des taux de distorsions infimes, le H300 devrait en principe pouvoir s’adapter à peu près à n’importe quelle enceinte sur le marché, y compris les électrostatiques. Dans sa catégorie, il est donc l’un des plus puissants, mais sans pour autant être unique.

Le petit ingrédient secret
Le petit ingrédient secret qui le différencie des autres résulte en sa technologie brevetée et nommée SoundEngine. Il demeure toutefois difficile d’expliquer en quoi consiste cette technologie brevetée et montée sur une petite carte de circuits, lesquels sont intégrés à part, car les explications du fabricant sur le site Internet sont plutôt évasives là-dessus. Néanmoins, et sous toutes réserves, je vais tenter de vous vulgariser la chose. Le problème de la majorité des amplificateurs de forte puissance c’est que de l’entrée à la sortie, le signal audio doit passer par plusieurs étages d’amplification. À sa façon, chaque étage d’amplification peut altérer le signal audio, qui en bout de ligne se voit modifié par rapport à sa forme originale. Dans les premières années des circuits à transistors, la plupart des fabricants appliquaient un fort taux de contre réaction négative globale, ce qui parvenait à stabiliser le fonctionnement des amplificateurs ainsi qu’à abaisser leurs taux de distorsion à des valeurs infinitésimales, tout en ayant toutefois un effet nocif sur la sonorité. À cet effet, Hegel a mis au point un circuit qui supprime localement les erreurs et distorsions sur chaque étage d’amplification. En appliquant des contre réactions très localisées et à des taux qui varient selon les besoins, on réussit alors à préserver la dynamique et les détails du signal original. La distorsion de croisement qui est intrinsèque aux circuits fonctionnant en classe B, est aussi adressée par la technologie SoundEngine. Si bien que les avantages de la classe A sont combinés à ceux de la classe B, sans pour cela être aux prises avec les désavantages de ces deux classes d’amplification. Les transistors de sortie du H300 sont du type FET (Field Effect Transistor), triés et appariés à la main. En cumulant toutes ces caractéristiques, vous obtenez une sonorité dans le médium qui s’apparente à celle des meilleures réalisations à lampes SET (Single Ended Triode), mais avec le punch, la puissance, le contrôle et l’extension dans les basses fréquences des circuits à transistors.

La suite des ingrédients secrets
Les autres ingrédients qui positionnent le H300 dans le peloton de têtes de ses compétiteurs sont notamment la qualité de son convertisseur N-A (24 bits / 192 kHz) équipé de ses 4 entrées numériques du type S/PDIF (2 coaxiales 75 ohms et 2 optiques Toslink), ainsi que l’entrée USB asynchrone située sur le panneau arrière et qui accepte les résolutions jusqu’à 24 bits / 96 kHz. Cette dernière permet de connecter un PC ou un MAC au H300 en tant que serveur musical. Le logiciel de lecture de cette entrée USB est compatible avec ASIO ou WASAPI, ce qui vous permet de brancher votre ordinateur sans avoir à installer un pilote spécifique ou à configurer quoi que ce soit d’autre. En somme, cette entrée USB remplace votre carte de son en important elle-même les fichiers de votre ordinateur et en les resynchronisant à l’aide de sa propre horloge interne. Vos fichiers musicaux sont donc transférés sans jitter ni latence en plus d’être décodés dans leur fréquence d’échantillonnage native. Le dernier ingrédient du H300 est sa sortie numérique coaxiale qui permet le transitement de votre signal vers un convertisseur N-A externe de qualité supérieure, ce qui vous donne l’opportunité de faire évoluer la sonorité de votre chaîne Hi-Fi sans avoir à vous départir d’un excellent amplificateur intégré. Lorsque la fonction DAC-loop est activée sur la télécommande et qu’une des entrées numériques est sélectionnée, vous profitez alors de la resynchronisation de l’horloge interne du H300. Pour ce faire, il suffit de brancher la sortie numérique coaxiale du H300 à l’entrée coaxiale du convertisseur N-A externe. Ce dernier devra toutefois être équipé de sorties balancées XLR afin de pouvoir réinjecter le signal audio analogique à l’entrée balancée du H300.

La connectique et l’interface du H300
Sur le panneau arrière du H300, on retrouve 5 entrées de ligne sur prises RCA nommées An1, An2, An3, de même qu’une autre nommée Home Theatre à gain fixe maximum qui permet d’associer la section amplificatrice du H300 à un préamplificateur-processeur de cinéma maison. La cinquième entrée est sur prises balancées XLR, laquelle vous permet d’y brancher n’importe quelle composante audio avec une sortie balancée. Toujours sur prises RCA, une sortie analogique Pre Out est également fournie afin de pouvoir raccorder la sortie du préamplificateur à un amplificateur externe ou à un caisson de grave. Le panneau arrière comprend évidemment les bornes pour les enceintes du type WBT et l’incontournable réceptacle pour le cordon électrique détachable 115 volts. Une prise mini jack IR complète le tout en vue de l’utilisation d’une télécommande à fil ou d’un répétiteur infra rouge. Le panneau avant est tout ce qu’il y a de plus simple comme interface, étant pourvu sur la gauche d’un bouton rotatif pour la sélection des sources et, sur la droite, d’un bouton semblable pour le contrôle de volume. Au centre se situe un afficheur bleuté, dont les inscriptions sont assez grosses pour être lues à bonne distance ainsi que le bouton servant d’interrupteur général placé sous ce dernier. La télécommande est en acier solide mais pas trop grosse ni trop lourde pour une bonne tenue en main. En ce sens, elle vous permet de naviguer jusqu’à un certain point parmi vos fichiers musicaux stockés sur votre ordinateur. Présenté dans un petit format, le manuel de l’utilisateur ne contient que 6 pages d’informations, ce qui est à l’image de la facilité d’emploi du H300.

Passons maintenant à l’écoute de cet engin
Tout d’abord, je me dois de vous mentionner que le H300 possède un silence de fonctionnement exemplaire. Vous avez beau vous coller étroitement l’oreille sur l’une des enceintes, et vous n’obtiendrez que le silence total. Il n’y a aucun bruit de fond, voire aucun souffle, même léger, dans les tweeters. J’ai débuté mes écoutes avec la pièce Fanfare for the Common Man enregistrée par le professeur Keith O. Johnson sur étiquette Reference Recordings. Accompagné par le Minnesota Orchestra et dirigé par Eiji Oue, celui-ci possède une dynamique d’enfer. Il faut entendre l’ouverture avec ses coups de gros tambour pour comprendre ce que le H300 a dans le ventre. J’ai utilisé le terme « engin », mais j’aurais plutôt dû utiliser le terme « voiture de sport ». Avec ses 250 watts par canal sous le capot, le H300 se montre en effet très nerveux et particulièrement rapide sur les accélérations. Il tient bien la route et aucune courbe ne lui résiste. Cette pièce du compositeur américain Aaron Copland est l’article tout désigné pour tester l’alimentation de votre amplificateur. Les coups du gros tambour sont d’une puissance rare sur un tel type d’enregistrement et l’intégré Hegel les passe sans coup férir. De leur côté, les basses fréquences sont tellement profondes et bien contrôlées, qu’à aucun moment on ne risque de perdre le détail de l’impact lorsque le maillet frappe la peau du tambour, pas plus que la tessiture de cette dernière. Les cuivres sont rutilants et grandioses tout en ne présentant aucune agressivité lors des crescendos. De même, l’image stéréophonique est parfaitement formée en largeur et le niveau de transparence du H300 nous laisse facilement pénétrer dans l’acoustique du lieu de l’enregistrement, avec en prime un bon étagement des plans avant-arrière. Ce superbe enregistrement m’a également permis de constater la qualité du convertisseur N-A incorporé à l’intégré Hegel. Mon excellent lecteur CD branché en tant que transport, j’ai par ailleurs pu noter une amélioration appréciable dans la clarté du message par rapport au convertisseur du CDA-277 de Copland, lequel n’est tout de même pas piqué des vers.

Du côté jazz, j’ai procédé à l’écoute de l’enregistrement Couleurs de Lune du trio Lorraine Desmarais, un fichier de qualité studio (format FLAC 24 bits / 88,2 kHz) que j’ai téléchargé directement à partir du site Analekta.com. Une fois sauvegardé sur une clé USB, j’ai pu écouter cet enregistrement en l’insérant dans le lecteur en réseau UnitiQute de Naim, testé dans cette revue, et que j’avais encore sous la main. La conversion N-A étant effectuée par le H300 via l’une de ses entrées coaxiales, ce fut encore là un sans faute pour cet intégré, qui m’a livré le Trio Desmarais avec suavité et une présence du piano quasi magique. Le H300 est puissant, mais sait parfaitement préserver avec subtilité et nuance la fragilité des micro-détails. En parallèle, il respecte à merveille les timbres des instruments en dosant intelligemment l’équilibre entre la définition et la musicalité.

Par la suite, je me suis permis d’enfiler plusieurs de mes CD les uns à la suite des autres, impérativement curieux de voir ce que le H300 pouvait accomplir pour ma musique préférée. La pièce numéro 5 du CD Breath de Mercan Dede débute avec des coups de tambour très puissants. Encore une fois, l’impact est saisissant sans pour autant que les timbres subtils des instruments qui l’accompagnent ne soient dénaturés par la demande instantanée en courant. Bref, peu importe le style de musique que vous lui présentez, l’intégré Hegel refuse de se laisser prendre au piège, et ce, tant sur les enregistrements les plus intimistes que sur les grands ensembles. En ce qui concerne les voix, le H300 est d’un naturel confondant et mes enceintes SHL5 d’Harbeth ont adoré se faire diriger par ce chef d’orchestre déterminé, énergique et ferme. Malgré sa droiture et sa rectitude, ce grand manitou sait aussi se montrer humain et émotif lorsque la musique le demande.

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En résumé
L’intégré H300 de Hegel fait face à une compétition féroce, mais celui-ci possède des atouts qui le placent facilement dans le peloton de tête. Faisant preuve de puissance et d’efficacité, il peut entre autre alimenter les enceintes les plus récalcitrantes sur le marché, tout en ne dégageant pratiquement pas de chaleur. Conséquemment, son poids et ses dimensions raisonnables associés à un design sobre lui permettent de se faire oublier dans votre décor. Son convertisseur N-A et sa connectique numérique sont quant à eux tout ce qu’il y a de plus actuel, auxquels s’ajoute une sortie numérique coaxiale dotée de la fonction DAC-Loop, le protégeant ainsi d’une désuétude rapide dans le temps. Sa sonorité est douce, rapide et détaillée à la fois, ce qui en soi représente un gage de musicalité indéniable. Par ailleurs, son rapport qualité-prix est selon moi l’un des meilleurs sur le marché. Malgré mon exposition fréquente à du matériel audio, souvent 3 à 4 fois plus cher, je peux vous affirmer que je pourrais me satisfaire du H300 pendant plusieurs années, ce qui n’est pas peu dire. Je vous le recommande donc chaudement, avant tout achat raisonné.

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
Prix :
5 700 $
Garantie : 3 ans, pièces et main-d’œuvre
Distributeur : VMax Services,
Tél. : 514.931.1880
ou 1.888.271.0543,
www.hegel.com
www.vmax-services.com

Médiagraphie
Copland, Appalachian Spring Suite, Eiji Oue et le Minnesota
Orchestra, Reference Recordings RR-93CD
Loraine Desmarais Trio, Couleurs de Lune, Analekta, format FLAC 24 bits / 88,2 kHz
Mercan Dede, Breath, White Swan Records, WS 0078
Patricia Deslauriers Trio, Lucky, Lucky, Disques Silence, GSOCD 5227
Rêveries, Eiji Oue et le Minnesota Orchestra, Reference Recordings, RR-99CD