La musique pour soigner

Les maladies cardiaques
De plus en plus de cardiologues s’accordent sur le fait que l’approche classique de la médecine allopathique (les médicaments et les interventions chirurgicales) n’est pas une fin en soi. Certains sont ouverts à une approche globale qui ajoute la méditation, l’acuponcture et même la musicothérapie pour réduire le risque d’un autre incident cardiaque.

Les personnes qui souffrent de maladies cardiovasculaires sont exposées à un niveau élevé de stress tout au long du suivi médical : le diagnostic, l’hospitalisation, l’opération, la peur de mourir, les doutes sur leur guérison. En 2013, les médecins et les épidémiologistes de Cochrane, un groupe médical mondialement connu pour leurs grandes revues de l’état de la recherche scientifique, font un bilan des études concernant la musicothérapie chez les cardiaques. Ils confirment que l’écoute de la musique a un effet sur l’anxiété de ces malades, en particulier pour ceux qui ont subi un infarctus du myocarde (cet effet est même plus prononcé si les patients choisissent eux-mêmes leur musique). Ils constatent également que la musique a un effet positif sur la pression sanguine, le rythme cardiaque, la qualité du sommeil et la douleur. En revanche, l’effet clinique n’est pas concluant pour l’instant, car le nombre d’études – 26 au total avec 1 369 patients – n’est pas suffisant, et des erreurs dans les résultats sont possibles.

Les accidents vasculaires cérébraux
Il y a deux types d’accident vasculaire cérébral : l’ischémique, causé par un manque de sang dans une région donnée du cerveau ou bien l’hémorragique, qui survient lors de la rupture d’un vaisseau sanguin. Pour ceux qui survivent à un AVC, les dommages au cerveau sont souvent majeurs, allant de l’hémiplégie à la perte du langage, de la mémoire ou de la locomotion, entre autres. Certains s’en remettent, d’autres non et la réadaptation est souvent longue. Plusieurs études relèvent le succès de la réadaptation qui recourt aux thérapies conventionnelles et à la musicothérapie. Les conclusions démontrent qu’en combinant les deux, la musique favorise la reprise de flexibilité et de mobilité des membres ainsi que l’amélioration de l’état mental.

D’ailleurs, une autre grande revue de la littérature scientifique menée par le groupe Cochrane en 2017 examine près d’une trentaine d’études cliniques. Il en ressort que la musicothérapie améliore plusieurs facteurs dont la posture, la synchronisation des mouvements, l’amélioration du langage et de la communication ainsi que la qualité de vie en général. Pour les auteurs, il manque encore d’autres études avant d’en arriver à des recommandations cliniques, mais les résultats sont encourageants.

La musicothérapie pour d’autres désordres du cerveau
En 2012, le film documentaire américain Alive Inside : A Story of Music and Memory a une influence considérable sur l’utilisation de la musique comme outil thérapeutique pour la maladie d’Alzheimer entre autres. Plus de 11 millions d’internautes voient la séquence célèbre dans laquelle un homme atteint de la maladie s’éveille en entendant la musique de sa jeunesse, une chanson de Cab Calloway. Ce document favorise la création de programmes comme Music and Memory aux États-Unis, au Canada et en Europe. Ce programme consiste à distribuer aux patients des iPods contenant des listes et des choix musicaux. On est loin d’une musicothérapie structurée sous la supervision de véritables spécialistes, mais des centaines de résidences et d’hôpitaux pour personnes âgées offrent maintenant de la musique dans ces milieux souvent pauvres en stimulation et en activités culturelles. Reste à en vérifier le succès thérapeutique.

La musicothérapie fait également des avancées thérapeutiques dans certains désordres neurologiques de l’adulte, mais il faut naviguer avec prudence avant de conclure à des effets thérapeutiques comparables aux interventions médicales classiques. En ce qui concerne la schizophrénie, la dépression ou le trouble de stress post-traumatique, la qualité des études sur la musicothérapie ne permet pas encore d’en mesurer les effets durables. Il faudra attendre les résultats d’études menées à grande échelle avec un protocole solide pour savoir si la musique peut venir en aide à ces patients. Mais l’importance de la musicothérapie se fait sentir dans la qualité de vie des malades et doit être vue comme un complément de soins valable.

La place de la musicothérapie est plus que justifiée dans une médecine de compassion qui voit la maladie comme un phénomène plus complexe que le simple dérèglement d’un des organes du corps humain. Comme nous venons de le constater dans cette série sur le cerveau et la musique, ce langage universel – qui nous procure tant de plaisirs et de bonheur – est en fait peut-être le seul qui a le pouvoir à la fois de nous unir et de nous procurer l’équilibre tant nécessaire dans nos vies.

Suggestions de lecture
Forestier, Richard, Tout savoir sur la musicothérapie,
Lausanne, Éditions Fabre, 2011.
• Rochon, Michel, Le cerveau et la musique. Une odyssée fantastique d’art
et de science
, Montréal, Éditions MultiMondes, 2018.
• Sacks, Oliver, Musicophilia. La musique, le cerveau et nous,
Paris, Éditions du Seuil, 2009.
• Vaillancourt, Guylaine, Musique, musicothérapie et développement
de l’enfant
, Montréal, Éditions de l’Hôpital Sainte-Justine, 2005.