La musique pour soigner

Depuis l’Antiquité, la musique a été utilisée pour soigner. Aujourd’hui, la musicothérapie est de plus en plus utilisée pour réduire les symptômes de plusieurs maladies dont l’Alzheimer, le parkinson, les maladies cardiaques et même l’autisme. La place de la musicothérapie est plus que justifiée dans une médecine de compassion qui voit la maladie comme un phénomène plus complexe que le simple dérèglement d’un des organes du corps humain.
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La musique a pouvoir indéniable sur nous. Comme nous l’avons vu dans les deux premiers articles de cette série, la musique touche de nombreuses régions du cerveau qui sont impliquées dans une foule de comportements et d’émotions. Pour conclure notre exploration du cerveau musical, nous allons découvrir comment ce langage universel peut avoir une influence sur notre santé.

Je suis certain que vous avez vécu l’expérience de l’impact de la musique sur votre mémoire. Combien de fois une musique a-t-elle fait rejaillir en vous de vieux souvenirs ? A apaisé une douleur ? Vous a remonté le moral dans un moment difficile de votre vie ? L’idée que la musique peut aider à soigner n’est pas nouvelle. Elle remonte en fait à l’Antiquité. Avant de se plonger dans la musicothérapie d’aujourd’hui, je vous propose un court voyage dans le temps pour mesurer l’impact de la musique dans l’histoire de l’humanité…

L’histoire de la musique comme thérapie
La musicothérapie existe depuis au moins deux millénaires et prend sa source dans l’Antiquité. Le dieu Apollon est d’une importance centrale dans l’Olympe, un dieu musical, puisqu’il est le patron des musiciens. Ces derniers exercent un rôle de taille dans la société grecque de l’époque. Pour les Grecs, la musique n’est pas seulement un divertissement, elle permet aux hommes de supporter la misère de leur condition.

Platon dit que l’écoute de la musique affecte les émotions et peut même influencer le caractère d’un individu. Aristote va dans le même sens et ajoute que la musique peut même avoir le pouvoir de purifier les émotions. Quant au père de la médecine, Hippocrate, il joue de la musique pour soigner ses patients atteints de maladies mentales.

On lui doit la méthode d’observation clinique et les règles éthiques de la pratique médicale, qui composent le célèbre serment d’Hippocrate. Dans son texte De la nature de l’homme, il émet la théorie selon laquelle notre état de santé dépend de quatre humeurs : le sang, le phlegme (les fluides corporels issus de l’inflammation), les biles jaunes (présentes dans les vomissements et les diarrhées) et noires (la mélancolie qui transforme le sang le phlegme en liquide noir).

Hippocrate croit que la musique peut influencer l’équilibre de ces humeurs. Mentionnons aussi Aristote, un autre grand philosophe qui influence grandement toute la pensée occidentale. Ce grand musicologue de l’Antiquité réfléchit beaucoup sur les concepts et les mécanismes qui font que personne n’est indifférent à la musique. Il affirme d’ailleurs que seuls les arts du rythme peuvent contribuer à l’amélioration morale, à l’obtention du calme, de la sérénité, à la disparition de toute forme d’anxiété. Le rythme est une composante essentielle de la musique, mais également du métabolisme humain.

La musique pour soigner l’Alzheimer
Riche de cette perspective, vous allez mieux comprendre l’histoire que je vais vous raconter. Lorsque j’étais journaliste scientifique à l’émission Découverte à la télévision de Radio-Canada, j’ai fait un reportage sur la musique et l’Alzheimer. Un tournage marquant sur le plan humain car nous avons été témoins d’un petit miracle qui démontre bien le pouvoir de la musique.

Nos caméras ont filmé la musicothérapeute Micheline L’Espérance qui arrive tout doucement dans la grande salle commune de l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. Des dizaines de patients atteints de démences diverses, dont la maladie d’Alzheimer, sont assis, silencieux et immobiles, depuis de nombreuses minutes. Guitare en main et sourire aux lèvres, elle entonne une chanson. Sa voix et les cordes de son instrument emplissent soudainement la pièce. Des yeux s’éveillent, des têtes se dressent, certains affichent soudainement un sourire. La musicothérapeute avance au centre de la salle. Après quelques secondes, les patients se lèvent et le miracle se produit. Ces grands malades cloués à tout jamais dans l’immobilisme et le silence se mettent alors à chanter, à danser, à parler. Je suis présent dans cette salle et je dois avouer que le moment est pour le moins émouvant. Certes, les effets de la musicothérapie ne sont pas curatifs, car dès que Micheline L’Espérance cesse de jouer, les patients redeviennent muets, rejoignent leur chaise, et le grand silence de la démence reprend sa place. On convient maintenant que cette thérapie exercée par des musicothérapeutes professionnels réduit les symptômes négatifs de l’Alzheimer : le stress, la paranoïa, la confusion et l’agitation des personnes malades. Comment l’expliquer ?