Un hommage en musique

Veuillez noter qu’il s’est malencontreusement glissé une omission lors de la publication du banc d’essai sur les enceintes acoustiques SCS4T de Thiel Audio. Étant donné que la revue est déjà disponible en kiosque, nous avons cru bon corriger le tir par l’entremise de l’Internet. Voici donc l’article au complet. Dans la version imprimée, il manque le paragraphe intitulé « Conclusion ». Nos plus sincères excuses à tous nos lecteurs, aux détaillants et au distributeur.

Dénommée the J.E.T. Collection, l’enceinte SCS4T de THIEL se veut un hommage au créateur de la marque ; James Edward Thiel, et se donne pour emblème d’être basée sur le travail et la philosophie de conception du créateur de l’entreprise. Si dans mon autre banc d’essai du présent numéro je vous parlais d’une paire d’enceintes comportant quatre haut-parleurs par enceinte, concernant celui-ci, nous sommes à l’opposé de cette conception, avec l’utilisation d’un 6,5 pouces de technologie coaxiale. Au premier regard, c’est la membrane du haut-parleur de basse qui se remarque, et ensuite le tweeter à dôme métallique placé en son centre. Cette simplicité, mais seulement en apparence, me fait penser que l’hommage rendu à M. James Edward Thiel prend ici tout son sens : comment mieux faire pour honorer sa mémoire, que de jouer sur une simplicité que sous-entend l’utilisation d’un haut-parleur unique ?

C’est à Hermann Josef Fanger, Suisse d’origine, que l’on doit le premier brevet décrivant une invention qui sera reconnue plus tard comme étant le haut-parleur coaxial. Nous sommes en 1928, date du dépôt de brevet, et il faut comprendre que ce qui émettait des sons à cette époque, concernait des transducteurs uniques, avec des bandes passantes très limitées se chargeant de la reproduction de toutes les fréquences. Le brevet décrivait le principe qui consistait à incorporer, au centre de la membrane principale, une cellule de compression possédant son propre diaphragme et dont la tâche serait de transmettre uniquement les hautes fréquences.

Pour ce qui nous concerne principalement, à savoir la musique, le haut-parleur coaxial présente des avantages certains. En premier lieu, il faudra souligner que le fait d’avoir la partie aiguë directement au centre de la membrane de basse assure l’auditeur d’une cohésion des fréquences, puisque partant d’un même point d’origine ; ce que THIEL nomme « enceinte à source cohérente – Coherent Source Loudspeaker® »-. L’on se doit également de mentionner que le cône du woofer agit comme un pavillon – un peu comme des mains placées de chaque coté de la bouche – et qu’il augmente le rendement des fréquences aiguës. Un filtre, savamment étudié, aura quant à lui la responsabilité d’ajuster les mises en phases de chaque registre, en plus de filtrer les fréquences pour chaque transducteur.

Déballage, mise en place et description
Ayant reçu les SCS4T de THIEL flambant neuves et dans leurs boîtes d’origine, je peux me placer comme un véritable propriétaire, et ce, depuis la réception. Premièrement, je dois souligner la qualité de l’emballage, celui étant muni de plaques de bois aggloméré pour en renforcer les extrémités. En complément, les barres supports de pointes de couplage sont logées dans une boîte séparée. Rien à dire en ce qui concerne l’installation et la mise en place ; tout est pensé pour une exécution simplifiée. Le modèle qui m’a été confié est plaqué en bois de chêne noir, du plus bel effet. À vrai dire, ce qui donne son cachet particulier à ce modèle, c’est la partie frontale (le baffle) supportant le transducteur coaxial dont la conception est en aluminium massif. Par ailleurs, deux évents à embouchures évasées sont usinés à même cette plaque frontale, leur donnant ainsi une allure facilement reconnaissable et immédiatement identifiable face à la concurrence. Il existe deux versions de ce modèle, différencié uniquement par le T qui indique une tour. Version enceinte colonne ou pas, les caractéristiques fournies par le fabricant sont exactement les mêmes, mais il faut toutefois souligner le fait que la partie du bas de l’enceinte T est quand même rigidifiée par des entretoises de forte épaisseur. Voilà un bon point qui atteste du professionnalisme de THIEL, car ce n’est pas parce que le bas de l’enceinte ne participe pas à la charge ainsi qu’au volume du coffret, qu’il faut le négliger.

L’arrière des coffrets laisse apparaître deux ouvertures obturées par des plaques de plastique. La première, en haut, permet d’introduire le haut-parleur coaxial et de glisser un épais morceau de laine de verre, juste derrière celui-ci. La laine de verre est aussi présente sur les parois supérieures et inférieures, juste sous les tubes d’évents. En somme, c’est le seul type d’amortissement interne qui est ici utilisé. La deuxième ouverture, en bas des coffrets, donne accès au filtre et s’avère également fermée par la même sorte de plaque de plastique qui supporte l’unique paire de borniers. Ceux-ci, par ailleurs, s’accommoderont de bananes, de fourchettes ou de fils nus ; le serrage est particulièrement facilité, les écrous étant bien préhensibles.

Le filtre est monté sur circuit imprimé tout en étant passablement complexe, car il n’aiguille pas seulement les fréquences aux deux transducteurs, mais s’occupe également de corriger la phase et l’impédance de chaque cellule. Les condensateurs, de qualité, sont pour la plupart de type métal polyester et l’ensemble des inductances sans noyau de ferrite. Une facture classique, soignée et fort bien pensée. Je souligne de nouveau ici que la plaque frontale en est une massive d’aluminium et que la partie visible est loin d’être seulement un morceau rapporté pour enjoliver le tout. J’aime particulièrement le look des SCS4T, cet aspect robuste mais pourtant raffiné, et le concept général qui ne les font ressembler à aucun autre modèle. Une grille métallique viendra camoufler le haut-parleur coaxial mais surtout protéger la membrane des basses, le tweeter à dôme d’aluminium étant pour sa part équipé de sa propre protection. Fidèle à mon habitude, toutes les descriptions musicales qui suivent auront été réalisées avec les grilles non posées.

Davantage un manuel d’informations que d’utilisation, je vous recommande vivement sa lecture, surtout pour les conseils judicieux qu’il donne concernant l’association et la puissance d’amplis recommandées avec les SCS4T de THIEL Audio.

La partie musique maintenant
Si la compagnie THIEL existe depuis de fort nombreuses années, on peut donc sous-entendre que M. James Edward Thiel a touché plusieurs générations de mélomanes. C’est donc avec cette idée en tête – plusieurs générations – que j’ai fait mon choix musical et me suis dit entre autre qu’il serait bon d’écouter cette paire de SCS4T, tout public confondu. Avec en plus l’avènement des serveurs de musique, il est certain que cette paire d’enceintes pourra recevoir une panoplie de genres, avec bien souvent deux générations profitant du même salon d’écoute.

Je commence avec le Bill Evans trio, en XRCD, et enregistré en 1963. J’apprécie particulièrement ces enregistrements datant de ces années-là et retravaillés en XRCD. Ce qu’il y a de particulier avec des enceintes équipées de haut-parleurs coaxiaux, c’est que la musique vient envelopper l’enceinte, sans toutefois que la partie aiguë ne soit ressentie à partir du centre du haut-parleur. En témoignent les balais du batteur qui caressent la cymbale, desquels on aperçoit bien le mouvement du musicien sans toutefois le localiser vraiment. Le piano possède une dimension plutôt large et profonde – ce qui est normal – et la ligne mélodique de la basse peut être suivie facilement, encore que ce ne soit pas la partie la mieux retravaillée dans cet enregistrement. Les SCS4T, dans la version de Round Midnight, sont d’une belle précision, de la prestation musicale aux applaudissements en final, particulièrement réalistes.

1975. Barbara. Ou l’art de raconter une histoire en la chantant. Pour certain mélomanes, cette dame personnifie vraiment le chant, et sa voix, à la limite du murmure, sera particulièrement appréciée pour son côté révélateur d’un système audio. Dans ce CD, le piano est ici ressenti en accompagnement seulement – il n’a pas autant de présence que l’enregistrement de Bill Evans – et il faudra être tolérant en ce qui concerne les applaudissements qui sont ici exécrables. Concentrons-nous uniquement sur la voix pour en être décontenancé. Dans le titre Pierre, donné comme exemple, le murmure est tel qu’on en frissonne. Les SCS4T sont extrêmement à l’aise et le murmure ainsi que la compréhension des paroles sont envoûtants. Barbara s’installe entre les deux enceintes THIEL avec beaucoup de réalisme ; on perçoit même que la chanteuse n’est pas toujours dans le même axe par rapport au micro. Encore là, les haut-parleurs coaxiaux apportent beaucoup de précision, compte tenu que les deux registres fusionnent parfaitement. Il faut mentionner que le concept du filtre et ses compensations fut sûrement étudié avec beaucoup de soin, pour nous présenter un tel résultat. Qui dit coaxial, ne dit pas facilité pour autant !

Après le suave et le doux, passons à la grande masse orchestrale avec un opéra. J’ai choisis La Traviata dans une version dirigée par Carlos Kleiber. Pour l’avoir déjà utilisée (pour ne pas dire usée!), je connais parfaitement cette interprétation en vinyle ; la version dont je vous parle ici est celle du double CD qui n’a pas été trop traficoté et qui, au surplus, reste fidèle à la version des galettes noires. J’ouvre ici une parenthèse, pour mentionner que j’ai montré les SCS4T à mon entourage et que j’ai cru percevoir une certaine « incrédulité » face à des haut-parleurs coaxiaux. Il faut dire que je commençais leur première écoute avec ce disque d’opéra, et que c’était un peu comme si ni l’orchestre ni les protagonistes ne pouvaient tous « passer » par ces haut-parleurs coaxiaux ; c’est du moins ce que j’ai cru comprendre. Après plus ou moins une quinzaine de minutes d’écoute, les doutes se sont finalement dissipés, et j’ai vu leur attention se préciser ; les auditeurs devenant plus attentifs. Pour faire un parallèle, je vous dirais que c’est un peu ce qui se passe avec certain micro moniteurs, où l’on ne s’attend pas nécessairement à entendre autant de musique venant de si petits objets. À la fin du premier acte de La Traviata, ni la taille de l’enceinte ni le fait qu’il n’y ait qu’un haut-parleur coaxial – qui somme toute peut apparaître assez restreint – ne nous dérange. La taille de la salle est fortement ressentie et les protagonistes semblent passablement à l’aise dans leurs déplacements. La puissance des voix (Ileana Cotrubas et Placido Domingo) est magnifiée par les SCS4T, et surtout exacte, ce qui est d’une grande importance, même si nous savons pertinemment que la grandeur de la scène ne pourra bien sûr jamais entrer dans nos salons ! J’ai également beaucoup apprécié les pointes de modulation, avec des écarts de niveaux impressionnants.

THIEL, une compagnie qui a équipé plusieurs générations de mélomanes ? Sûrement ! Passons maintenant à la génération actuelle avec Gossip. Des enceintes acoustiques, comme tous les autres éléments audio d’ailleurs, se doivent inévitablement d’avoir une polyvalence musicale, pas de restriction de genre. Et là, on change vraiment de registre ! Les SCS4T sauront-elles surmonter cette épreuve ? Le toutest semble compressé à tort et à travers, les niveaux bien relevés, mais c’est quand même un enregistrement fort bien réalisé. Sans hésiter, je dis oui, , les SCS4T de THIEL pourront facilement s’accommoder de tous genres de musique, même celles qu’on pratique plus rarement, mais que vous allez néanmoins peut-être rencontrer chez vous ! Dans ce cas, on cherche moins à situer les musiciens dans l’espace, moins à ressentir la scène sonore. En fait, c’est plus difficile qu’avec le disque précédent, mais je dois dire que j’ai été étonné, car si le message est ultra complexe pour notre cerveau, le CD au complet quant à lui s’écoute bien, sans fatigue pouvant être provoquée par un effort constant à analyser les sons, à remettre les choses en place. Tout passe avec beaucoup de précision et de fougue, de temps faibles en intensité et de temps forts (très forts, même !).

Conclusion
Avec ou sans support (SCS4T ou SCS4), en deux canaux ou en mode cinéma maison, la J.E.T. Collection dont font partie les SCS4T, sont des enceintes vivantes et dynamiques, précises et enjouées, dotées d’un esthétisme qui plaira à coup sûr parce que ce dernier se démarque des autres. Tout est réuni dans ces enceintes THIEL pour satisfaire bon nombre d’amateurs, toutes générations confondues. Voilà donc sans hésiter un hommage particulièrement bien réussi, hommage esthétique et musical. Hommage rendu à M. James Edward Thiel qui aura consacré sa vie à nous faire partager le seul langage universel qu’est la musique.

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
Prix :
4 250 $, la paire
Garantie limitée :
10 ans, pièces et main-d’oeuvre
Distributeur
: S.F. Marketing, tél. : 514.780.2070, www.sfm.ca : www.thielaudio.com
Médiagraphie :
Bill Evans Trio,
At Shelly’s Manne-Hole, JVCXR-0036-2
Barbara,
Versions originales 2e partie, Polygram, 832 356-2
Verdi,
La Traviata – Dir. : Carlos Kleiber, Deutsche Grammophon, 459 039-2
Gossip,
Music for Men, Columbia, 88697 06230-2
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