Enceintes acoustiques SP1 de Muraudio

Impact et dynamisme assurés, rien de tel que ces enceintes!
(Magazine TED, édition novembre - décembre 2019)

Cette année, je suis choyé dans le choix des appareils qui me sont confiés dans le cadre de l’écriture de bancs d’essais. Et pour ce numéro, le hasard m’a encore souri en me réservant une belle surprise. J’ai eu le privilège (sans exagération) de vivre une grande aventure durant quelques jours grâce à une paire d’enceintes du manufacturier Muraudio, les enceintes électrostatiques hybrides passives SP1.

Muraudio, est une société canadienne établie à Ottawa. Dès le départ, la ligne de pensée de cette société fut très bien définie. Comme suite à de nombreuses années à œuvrer dans différents secteurs technologiques, les membres de la direction de Muraudio se sont associés et ont uni leurs forces afin d’offrir aux consommateurs des enceintes dont la conception sortirait des sentiers battus et, par surcroît, offrirait une sonorité unique et sans précédent. Vous aurez deviné que l’approche devait être à l’opposé des méthodes conventionnelles tout en respectant certains principes dont ils ne pouvaient s’éloigner. Le pari allait sans doute être risqué, mais c’est ainsi que Muraudio a, entre autres, développé le haut-parleur électrostatique omnidirectionnel. Le pari était effectivement risqué, car plusieurs l’affirment, ce n’est pas tous les manufacturiers qui osent se lancer dans la construction de panneaux électrostatiques. Muraudio en a fait sa spécialité. Ce n’est pas une mince tâche de passer en revue, en quelques lignes, l’ensemble des techniques utilisées dans la fabrication de la SP1, mais nous ferons un survol de ces principales caractéristiques.
La conception s’appuie sur les techniques développées pour les enceintes de la série Domain Omni de Muraudio. Le tout est présenté dans un format plus compact bien qu’assez imposant, pesant tout de même 99 livres. La finition est très soignée. Au premier coup d’œil, à distance, alors que les grilles sont en place, il est difficile de déterminer le type de ces enceintes. Elles sont hors de l’ordinaire, oui, mais encore ? Qu’il s’agisse de panneaux acoustiques est loin d’être une évidence. Il faut s’en approcher et en faire le tour pour découvrir que c’est effectivement ce dont il s’agit, sauf que la conception est tout à fait particulière. La forme, les composants visibles, le design unique attisent la curiosité. De plus, dès le départ, que dire de la beauté et de la classe de ces SP1 sans même les avoir encore utilisées pour une écoute.

Le boîtier
Selon, Rob Runolfson, président de Muraudio le cabinet de la SP1 est doté d’un système structurel unique en son genre. Il distribue les charges uniformément à l’exemple d’une coquille d’œuf. Il est fabriqué de bouleau baltique grâce à des techniques de moulage à froid, ce qui résulte en une structure légère, rigide, anti-résonnante.

Un peu de technique
La face avant de l’enceinte est courbée à 180 degrés. Le panneau acoustique, à l’arrière, n’est pas fermé comme il l’est dans ce type de conception. L’ouverture assure une dispersion acoustique aussi bien à l’arrière qu’à l’avant. Les ondes, à l’avant et à l’arrière, développent ainsi une énergie égale. Cependant, elles sont déphasées, ce qui provoque une annulation des ondes sur les côtés du haut-parleur. C’est ainsi que s’ouvre une fenêtre d’écoute horizontale d’une grande amplitude (120 degrés), offrant une magnifique scène sonore panoramique qui prend place dans la pièce d’écoute où la musique devient enveloppante. On dirait presque un mur de son. Poétique n’est-ce pas ? Pourtant je n’exagère pas.
L’une des particularités qui fait de la SP1 une enceinte unique est qu’elle est dotée de deux haut-parleurs électrodynamiques de basses fréquences côte à côte au haut et au bas de chaque panneau électrostatique pour un total de quatre par cabinet. Ces haut-parleurs ont un cadre d’une dimension de six pouces dont les cônes en aluminium sont de cinq pouces. Ils sont isolés l’un de l’autre pour assurer une plus grande cohérence et assurer qu’ils ne compétitionnent pas entre eux. L’utilisation de haut-parleurs de basses fréquences au haut et au bas d’un panneau électrostatique n’est pas une grande découverte en soi. Toutefois, le trait distinctif dans ce cas-ci est que nous les retrouvions en paire.
Les aimants sont costauds. Ils doivent reproduire les fréquences jusqu’à 45 Hz sur papier, quoique, à mon avis, ils peuvent descendre encore plus bas, Nous y reviendrons. Selon le concepteur en chef de cette enceinte, Murray Harman, au tout début, il en était autrement, car on avait prévu l’utilisation, selon la tradition, de haut-parleurs de graves de plus grande dimension, toujours avec un au haut et un autre au bas du panneau. Pourtant, dans les cartons, il était dit que la SP1 devait être un produit différent et novateur. Finalement, cette idée a été abandonnée en faveur d’une toute nouvelle configuration, unique en son genre.
Le haut et le bas des panneaux acoustiques sont scellés. Pour réduire la distorsion à sa plus simple expression, les panneaux sont munis d’une fine membrane très légère (0,0038 mm) en mylar, développée par Muraudio, en suspension entre deux plaques d’aluminium. Pour ceux qui s’y connaissent bien en physique, la masse de cette membrane est la même que celle d’une couche d’air de 5 mm. Au final, c’est 250 fois moins que la masse mobile du cône d’un haut-parleur conventionnel. Les plaques transforment le signal audio en champs électriques qui poussent et tirent la membrane. Le mouvement pressurise l’air en ondes sonores. Les trous qui se trouvent sur les plaques sont arrondis à l’aide d’une machine brevetée. Comme tous les panneaux électrostatiques, les SP1 ont besoin d’une charge. Une petite alimentation est donc présente dans chaque haut-parleur. Celle-ci se branche dans le haut-parleur juste sous les borniers de liaison à l’arrière de chaque enceinte, puis dans le mur.
Au bas, dans le coffret de bois bien étanche se trouve un filtre Linkwitz-Riley de 750 Hz permettant de séparer les plages de fréquences. La cohérence de très haut niveau est maintenue à l’aide d’une configuration d’Appolito. Il s’agit d’une configuration nommée d’après son concepteur, Joseph d’Appolito, laquelle consiste à placer un tweeter entre deux haut-parleurs de médium-grave. La zone idéale est élargie, ce qui améliore les performances musicales sur l’axe principal de l’enceinte ou à l’extérieur. Si tout est bien calibré tel que c’est le cas ici, alors dans une salle d’écoute typique où un grand pourcentage du son est reflété par la salle, l’effet de dispersion est très large.

La mise en place
L’installation ne peut être faite sans l’utilisation des supports spécifiques aux enceintes SP1. Les supports sont en aluminium massif. Ils se fixent bien au bas du cabinet à l’aide de vis spécialement fournies à cet effet. Ils mesurent 15 pouces de haut, ce qui positionne l’enceinte à la hauteur idéale. De plus, le support ajoute du poids à la masse totale, ce qui est souhaité. En fait, le poids total de l’enceinte et du support combiné est de 99 livres, ce qui est un gage de stabilité optimale. Plus le poids d’un haut-parleur est concentré vers le bas, moins il risque de basculer. Les SP1 sont également livrées avec des pointes et des protecteurs pour vos planchers.
En ce qui a trait au positionnement de ces enceintes, la plupart diront que des électrostatiques doivent être bien à l’avant des murs arrière pour profiter d’une bonne dispersion du son. Il faut expérimenter. Dans mon cas, bien que la salle soit bien aérée, je ne peux me permettre ce luxe, car elle n’est pas aussi profonde que je le souhaiterais. Sans prendre en compte l’espacement des supports, les panneaux eux-mêmes se trouvaient à environ 24 po du mur. Finalement, c’était parfait. Assurez-vous d’être accompagné par quelqu’un pour la mise en place de ces enceintes, sinon vous risquez d’endommager sérieusement le matériel ou pire, de vous blesser, car elles sont costaudes et difficilement malléables.

Configuration audio
Brancher les SP1 est tout ce qu’il y a de plus simple. On ne trouve qu’un ensemble de borniers. Évidemment, on oublie ainsi le bicâblage ou la biamplification. Les borniers, sont solides, d’une excellente qualité. Ils prennent en charge la majorité des fiches disponibles sur le marché.

L’écoute
Dès les premières notes, on a la nette impression de plonger dans une scène sonore pour le moins déroutante. La salle d’écoute se transforme soudain en salle de spectacle. À preuve, un ami invité quelques jours plus tard a ressenti le même effet sans que je lui glisse un mot de mes impressions. J’avoue ne pas me souvenir précisément des premières pièces musicales que j’ai fait tourner lors de cette première journée, car elles se sont succédé à un rythme infernal. Néanmoins, n’ayez crainte, je vais être plus précis.
Le piano est un instrument très difficile à enregistrer. S’il y a un disque difficile à reproduire et qui peut détruire toute illusion quant aux performances de nos chaînes audio, c’est bien Études de Paganini & Marches de Schubert, interprétées par le pianiste Marc-André Hamelin (Hypérion, CDA67370), et notamment l’Étude in G sharp minor, La campanella. J’adore cette version. Le jeu de M.-A. Hamelin est d’une grande fluidité, mais également très viril. Les notes coulent littéralement. Bien que l’écriture de cette pièce et la mélodie soient d’une grande délicatesse, le jeu est violent. Je cite ici Jeremy Nicholas qui exprime bien ma pensée La délicatesse de l’écriture forme un étonnant contraste avec les sauts périlleux et les traits éblouissants, pour la plupart réalisés tout en haut du clavier, et les passages exigeants aux notes répétées. Les SP1 ont passé le test avec un franc succès. Les notes très aigues répétitives dans le haut du clavier me sont apparues nettes, claires et précises. Il y a une légère coupure, dans le haut des aigus, qui me semble être une des caractéristiques des panneaux électrostatiques. Ce n’est pas un défaut, bien au contraire. Cela adoucit sans artifices les notes trop stridentes.
Combien de fois ai-je entendu dire que les panneaux électrostatiques étaient désavantagés par une carence au niveau des basses. J’avoue que c’est parfois le cas. Il y a quelques années, j’ai possédé des enceintes Magnepan dont les basses étaient anémiques, c’est vrai. Pourtant, et ce, peu importe les données techniques des SP1 sur papier, l’impression a été tout à fait contraire dans ce cas. Dès les premiers disques, j’ai noté que la basse des SP1 était généreuse et très profonde tout en étant particulièrement articulée et bien maîtrisée. Était-ce parce qu’elles étaient près des murs arrière ? Ça peut sans doute être la réponse.
Si vous désirez tester les limites du grave d’une chaîne audio, il n’y a aucune pièce telle que Flight of the Cosmic Hippo du disque Flight of the Cosmic Hippo de Béla Fleck and the Flecktones. Le bassiste Victor Wooten s’en donne à cœur joie sur cette pièce. Il joue un court solo qui débute à environ 2:04. Je vous jure que c’était hallucinant. Je n’ai jamais eu des enceintes qui offraient un niveau de basses aussi profond. C’était tellement énergique que j’ai dû baisser le volume pour éviter un bris.
Toujours dans le but de tester la dynamique des SP1, je suis passé à la pièce Theme de Jacques Loussier sur le disque Beethoven Allegretto from Symphony No. 7, Theme and Variations, Telarc, CD-83580. C’est un bon vieux classique qui me sert de référence à chaque occasion. Il y a peu ou pas d’individus qui ont su prendre des pièces du répertoire classique et d’en créer des versions jazz tout en respectant l’œuvre originale. Il est entouré de Benoit Dunoyer De Segonzac à la contrebasse et d’André Arpino à la batterie. La pièce Theme est très saccadée et énergique. Le jeu de Loussier est aussi très viril dans certains passages, ce qui demande une bonne réserve de la part de l’amplification. De Segonzac et Arpino se livrent à un duel très énergique qui passe de la mélodie au jeu en contretemps entre eux et le piano. Pour bien apprécier ce disque dont les nuances entre la batterie et la contrebasse sont parfois subtiles, rien de tel que ces enceintes. Mes notes disent très dynamique, enlevant, très bonne réserve de puissance, et je ne me suis jamais senti aussi près d’un artiste, c’est vivant et énergisant. La basse est profonde et articulée, la batterie a beaucoup d’impact et la reproduction du piano dans le registre médium est grandiose.
Comme bon nombre d’enceintes électrostatiques, la signature sonore sans équivoque des SP1 se trouve au niveau du médium. Les voix et les guitares acoustiques, en exemple, sont d’un grand réalisme qui parfois fait frissonner. Je n’ai qu’à penser à la version de Walk Don’t Run de California Guitar Trio sur le disque Yamanashi Blues pour qu’un large sourire se dessine sur mon visage. Les chansons et les guitares de Patrick Normand sont d’un réalisme impressionnant. Que dire de la voix envoutante de Chantal Chamberland sans parler de la sensualité de son jeu à la guitare qui a fait en sorte que Serendipity Street a tourné en boucle pendant de longues minutes. Dans mes notes, les mots impact et dynamisme reviennent souvent.
Autre chose. Le fameux sweet spot est d’une précision redoutable, et lorsque nous nous y trouvons, l’expérience auditive est addictive. On a l’impression que les enceintes disparaissent pour ne laisser place qu’à la musique. Cependant, il n’est pas absolument nécessaire d’être assis au centre pour apprécier la beauté de la reproduction musicale. La dispersion des ondes à 120 degrés envahit la salle de musique tout comme dans une salle de spectacle. Le sweet spot est toutefois l’endroit où se placer pour apprécier la grande cohérence des SP1. En plus d’offrir une scène sonore large et profonde, les enceintes ont la capacité de laisser un espace entre les instruments. Sur un enregistrement très compressé, cela n’a pas d’impact sauf que si l’enregistrement est de qualité, l’écoute est très agréable et reposante, car le cerveau n’a pas à décortiquer la prestance musicale.

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
Prix : 25 400 $ CDN la paire pour les finis et couleurs standards
Garantie : 5 ans, pièces et main-d’œuvre
Fabricant : Muraudio, Tél. : 613.454.1790,
www.muraudio.com
Disponibles chez: hifipro.ca
Pour informations: (514)217-3240

Médiagraphie

Marc-André Hamelin
Études de Paganini & Marches
de Schubert
Hypérion, CDA67370

Béla Fleck and the Flecktones
Flight of the Cosmic Hippo

Warner Bros. 9 26562-2

Jacques Loussier
Beethoven Allegretto
from Symphony No. 7:

Theme and Variations,
Telarc, CD-83580
California Guitar Trio
Yamanashi Blues,

Discipline Global Mobile,
DR 9301 2