Clearaudio, Innovation Basic, bras tangentiel TT5…

Le bras TT5 et la cartouche Virtuoso V2 Ebony
Tout comme d’autres rivaux du domaine de l’audiovisuel connus tels ceux qui opposent les électroniques à tubes ou à transistors, la lecture analogique à la lecture numérique, le simple au bi-câblage, la confrontation bras tangentiel-bras radial existe aussi, même si elle est moins répandue, le prix exorbitant de ce type de technique ayant fait mourir rapidement la rivalité. Mais pourtant, elle est bien là cette rivalité et je l’ai encore constatée aujourd’hui, lorsque j’ai parlé de ce que je venais de recevoir pour le prochain numéro de Magazine TED, en l’occurrence la platine vinyle Clearaudio de ce banc d’essai équipée de son bras TT5. On conviendra qu’est née une idée de lecture tangentielle depuis fort longtemps (vers 1870), soit depuis l’avènement de la lecture des cylindres.

Plus près de nous, quelques sociétés se sont démarquées par des réalisations qui sont passées à l’histoire, Goldmund, Revox, Technics, Pioneer, Bang & Olufsen, et des bras tangentiels se sont succédé. Le plus célèbre est celui de la firme américaine Rabco que beaucoup de manufacturiers ont utilisé. Le TT5 de Clearaudio s’en inspire sur le plan technique sans pour autant être motorisé, puisqu’il n’est mû que par le sillon du disque. Dès que l’on sait que la partie lecture suit un guide support en verre le long du trajet du disque, et que le bras est déplacé par le sillon grâce à deux roulements à billes, on comprend mon insistance pour la parfaite horizontalité à la fois du support de platine vinyle et de la platine elle-même, le réglage d’équilibre final parfait de la cartouche en dépendant. À la différence des bras généralement testés, le bras Rabco par exemple, le TT5 de Clearaudio est très court – une seule tige lui permettant de glisser et de régler le poids de la cartouche mise en place grâce à une masselotte choisie parmi la sélection proposée par le manufacturier.

La cartouche confiée et installée ici est une Clearaudio Virtuoso V2 Ebony d’une jolie livrée en ébène massif. Jolie, mais pas seulement, car Clearaudio a choisi le bois d’ébène pour ses propriétés antiraisonnances. Les caractéristiques sont de très haut niveau – rapport signal / bruit élevé, séparation des canaux un cran au-dessus de ce qu’on trouve généralement, et adaptation au bras TT5 très facile. Même si je suis à peu près certain que votre conseiller audio se fera un plaisir d’aller l’installer et de régler le tout chez vous, je tiens tout de même à dire que le positionnement et le réglage du bras sont des opérations délicates et qu’il sera préférable d’être assisté par un professionnel la première fois. Plus tard, lors d’un changement de cartouche, vous pourrez le faire facilement grâce à la panoplie d’accessoires fournis par Clearaudio dans la boîte.

Sur le plan esthétique, la fonction oblige au design particulier, que j’estime d’une belle élégance technique – ce qui est un compliment, car ce n’est pas facile de rendre la technicité élégante alors que Clearaudio le réussit parfaitement. Du fait de cette technologie tangentielle, la cartouche est mise en valeur et on peut la voir à l’œuvre de face, ce qui est inhabituel et agréable. Je précise enfin qu’un petit détour par le site du constructeur nous apprend que bien d’autres accessoires sont en option au catalogue. On prend vraiment le vinyle au sérieux chez Clearaudio.

L’écoute
C’est la première fois que je vais écouter mes propres disques au moyen d’un appareil doté d’un bras tangentiel, ce qui est très bien pour effectuer ce banc d’essai. Pas de préjugé, pas de référence, juste un souvenir lointain avec Revox qui ne peut plus me servir aujourd’hui. Le premier que je pose est celui de Jacques Bertin parce que je le connais bien et qu’il me facilite le travail d’une première approche analogique. J’aurais tant aimé savoir où il a été enregistré, avec quel type de matériel, tant micro que console, pour comprendre en partie une telle authenticité dans la voix du chanteur. L’accompagnement est bon aussi, fidèle et précis, mais cette voix demeure ma référence. Dans le titre Domaine de joie, les trois premières phrases, récitées, sont magnifiquement claires grâce, certainement, à l’absence de toute réverbération ou effet spatial dans la prise de son. À première vue, on peut penser à quelqu’un qui est dans la même pièce que vous et qui vous parle sans qu’on puisse vraiment le localiser. L’accompagnement est simple et vrai. Le spectacle se crée facilement, les images s’imposent naturellement. Pour un texte long – Menace, les détails foisonnent et de microdétails se réveillent. Je suis surpris par la position du chanteur qui m’apparaît, pour la première fois, se trouver à un endroit beaucoup plus ponctuel. La dynamique est excellente et certainement à la limite de ce qui se faisait à l’époque, en 1977, date de la création de ce disque.

Mon album Sweet Smoke m’entraîne vers d’autres sons, d’autres émotions. La brillance instrumentale que produit ce disque semble disparaître avec l’équipement Clearaudio et sa lecture semble renouvelée, fraîche, décortiquée. Bien sûr, même si je n’ai jamais écouté mon disque sur une platine vinyle très haut de gamme, que lisent un bras tangentiel et une cartouche nouvelle, je connais tout de même la moindre note de ce vinyle, le moindre changement de rythme. Pourtant, là encore, quelque chose semble plus nouveau, plus précis. Les effets stéréophoniques exagérés – on passe du canal droit au canal gauche avec une conviction électronique surprenante – paraissant presque ridicules tant je les trouve accentués. C’est un trucage de la part de l’ingénieur du son ayant enregistré ce disque, mais admirablement transmis par Clearaudio.

Et peut-on écouter le premier disque de Black Sabbath avec un tel équipement ? Mais bien sûr, pourquoi pas ? En ce qui a trait à la complexité d’une œuvre musicale et de sa prise de son, l’enregistrement, là aussi, surprend par son côté précis et dynamique. Je dois vous présenter un variété de pièces musicales qui permettra de vous faire réaliser que cette platine peut affronter toutes sortes de musiques. Les microdétails se détachent de façon surprenante et l’inimitable voix d’Ozzy Osborne atteint une dimension vertigineuse. Après quelques minutes, je ne suis plus en train d’écouter un vinyle, croyez-moi !

Et quoi de mieux pour clore le déroulement de cette écoute que le Lac des Cygnes ? Pour simplement voir le ballet, dès lors que la musique l’emporte par sa qualité de transcription, nous serons fixés. Et c’est vrai, en peu de temps, nous sommes fixés, car les images viennent vite. Je ne dis pas que j’assiste au ballet, mais tout de même, mon idée première de revoir mentalement quelques images est satisfaite. Cette œuvre balance entre la délicatesse et la dynamique, et ce que j’en entends habituellement est totalement mis en échec avec cet ensemble Innovation Basic de Clearaudio.

Conclusion
La conclusion n’est pas facile dans le cas de ce banc d’essai. Je l’ai su au fur et à mesure des écoutes. Il faut d’abord accuser le prix, peu habituel, mais tout à fait justifié si on considère la classe très haut de gamme de la fabrication. Je vous recommande d’utiliser cette platine vinyle et ce type de bras pour connaître ce qui se fait de mieux en la matière. Si je suis un peu habitué au son des vinyles, je dois bien avouer que je ne m’attendais pas à une telle différence de clarté et de beauté. À qui en revient la responsabilité ? Je ne peux le dire avec exactitude. Le bras tangentiel, la cartouche ou finalement l’ensemble ? Une chose est sûre, le vinyle n’a pas révélé toutes ses qualités et vous conclurez que ceux qui le dénigrent vous mentent après avoir entendu une prestation de cette envergure. Il existe une qualité d’écoute, très humaine, que le vinyle révèle et que l’esprit éclairé reconnaît immédiatement. Le côté émotionnel est sans commune mesure avec ce qu’on entend habituellement, et cette réalisation Clearaudio de très haut niveau nous le prouve.

C’est la ténacité de certains constructeurs à tendance analogique, et leur conviction profonde à vouloir nous faire comprendre que l’avenir n’est pas seulement réservé à la dématérialisation, mais également à cette forme de délicatesse respectueuse qui fait que de nouvelles générations découvrent la musique avec le même type d’équipement que d’autres ont, avant eux, utilisé. Et sans des manufacturiers comme Clearaudio, il nous manquerait quelque chose d’important. Il est rassurant de constater que nous nous servons de deltaplane et autres parachutes volants parce que nous avons pratiquement maîtrisé les airs avec l’aéronautique. Nous revenons à l’usage primaire du vol et si nous ne battons pas des ailes, c’est que nous n’en avons pas. Vive l’écoute analogique en audio ! Selon moi, Clearaudio procure, avec la platine vinyle Innovation Basic, des émotions profondes permettant de révéler la musique de chacun dans toute sa beauté. Ce qui est décrit ici se place au sommet d’une réalisation analogique.

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX
P.S. pour les prix, veuillez consulter votre
détaillant autorisé Clearaudio car ce banc d’essais date de 2018

Platine vinyle
Prix : 7 495 $ pour la finition en banc d’essai
Garantie : 5 ans, pièces et main-d’œuvre
Bras de lecture
Prix : 4 495 $
Garantie : 5 ans, pièces et main-d’œuvre
Cartouche
Prix : 1 295 $
Garantie : 2 ans, pièces et main-d’œuvre

Médioagraphie

• Jacques Bertin, Domaine de joie, Le Chant du Monde, LDX, 74701
• Sweet Smoke, Just a Poke, EMI Columbia, 2C 062 28 886
• Black Sabbath, Black Sabbath, Vertigo, VTY, 847 903 Tchaïkovski,
• Le lac des Cygnes, Philips, 6539 008
Pour informations: 1 866.271.5689
info@focal-naim.com