Le nouveau disque en magasin le lundi 29 août

Juillet 2011Aznavour toujours. Ce n’est pas un titre d’album, c’est un autoportrait. Il y a chez lui quelque chose qui tient du prodige, à la fois pour les altitudes qu’il fréquente et pour sa phénoménale fidélité à son public et à son art.

Il y a toujours eu Aznavour dans nos vies, pour la plupart d’entre nous qui écoutons ses chansons. Toujours l’Aznavour des petits mots de rien et des grands sentiments, des petites gens et des grandes mélodies. Toujours l’Aznavour des grands classiques et des chansons que l’on n’a jamais entendues et soudain nous prennent au creux de l’estomac ou à la pointe du cœur…

Car Charles Aznavour n’aime guère s’arrêter. Il n’a jamais pris le temps de s’inventer des distances, de s’installer dans la retraite, de rêver à des retours. Non, il n’a jamais quitté son métier, il n’a jamais cessé d’écrire. Alors, une fois de plus, il a écrit douze chansons, douze pures chansons d’Aznavour. On y retrouve tout le souffle et toute la puissance d’une plume de légende, qui ne craint pas de mêler nos secrets les plus intimes aux plus grands mouvements de l’humanité, la plus volatile sensualité aux énormes questions existentielles. Il met en scène une histoire d’amour sur fond de Mai-68 dans Ce printemps-là, s’attarde sous les draps dans Que j’aime j’aime ça, démêle l’écheveau froissé de nos existences dans Les Jours…

Dans ce mélange des registres, l’auteur-compositeur a des fulgurances fascinantes, comme J’ai connu, chanson allègre qu’Yvan Cassar a habillée de friselis heureux et de petites étincelles, alors que le texte navigue à travers les horreurs humaines, des génocides du dernier siècle aux pires injustices de masse – « Ce que l’homme fait à l’homme/L’animal ne le fait pas ».

Tout Aznavour est là, qui ne perd jamais de vue la vaste machinerie de l’histoire quand il fait se promener deux amoureux main dans la main, et qui distingue toujours, derrière le fracas du monde, la pauvre vie ébréchée d’un anonyme. Car, encore et toujours, il est obsédé par ce qui est juste – la justesse autant que la justice.

Voilà pourquoi, d’ailleurs, on résiste rarement à l’honneur de jouer pour Charles Aznavour. Aussi cet album est-il un rassemblement de sommités des studios et des scènes françaises : le pianiste Jacky Terrasson sur cinq titres, les bassistes Laurent Vernerey et Jean-Claude Ghrenassia, le batteur Loïc Ponthieux, l’accordéoniste Lionel Suarez, le guitariste Pedro Xavier Gonzales… Et Thomas Dutronc, au chant et à la guitare pour Elle, duo frémissant et radieux.

Aux arrangements, Aznavour a fait appel à Eumir Deodato (cinq cents albums dont Frank Sinatra, Aretha Franklin, Astrud Gilberto, Björk, Christophe…) ou Yvan Cassar (Mylène Farmer, Johnny Hallyday, Claude Nougaro, Nusrat Fateh Ali Khan…) et l’album se promène entre Brésil et Paris, avec de temps à autre un petit détour par Broadway… voire par l’Espagne de Flamenca, flamenco, dans laquelle il évoque cet « Enfant typé d’Andalousie/Mêlé d’Islam et de Chrétien/Entre prière et poésie/Dont les accents tissent les liens ».

Aznavour
toujours est ainsi voyageur parce que toujours Aznavour a voyagé – dans l’espace comme à travers la mémoire, le sensible, les élans de l’âme. Il sait toutes les faiblesses et toutes les faillites de l’humain, mais il ne cesse de célébrer l’espoir, l’amour, le plaisir, le partage. Il voit la vie comme un combat, avec Des coups de poing, superbe rêverie sur l’existence dans laquelle il a le courage et la classe d’ajouter, à l’évocation des blessures reçues, l’aveu des blessures infligées. Mais il voit aussi la vie comme « le trésor dont le destin/Nousfait l’offrande » dans La vie est faite de hasards.

Ce sont des chansons, bien sûr. Mais c’est bien plus. Des leçons de vie, par exemple, comme Va dont toutes les femmes aimeraient rencontrer l’élégance lorsque meurt la passion. Ou des célébrations éperdues du bonheur que l’on peut se donner l’un à l’autre, comme Viens m’emporter… On comprend vite le plaisir qu’a eu Karl Lagerfeld à photographier Charles Aznavour pour la pochette : il a rencontré un artiste, certes, mais aussi un mythe. Un des derniers mythes qui nous restent, un mythe qui a contribué à nous façonner, à nous libérer, à nous grandir. Aznavour, toujours.