Le nouveau disque en magasin le 20 mars sur étiquette Jazz Village

Montréal, mars 2012Blue Moon n’est pas juste le nouvel album d’Ahmad Jamal. C’est son nouveau chef-­‐d’oeuvre, irrigué par une émotion qui nous rappelle ses plus grandes heures, celles de Chess et d’Impulse! Compositions originales majestueuses,  brillantes relectures des mythes américains (le film noir, Broadway, les grands espaces) chacun des neuf morceaux est une réinvention du swing, un prétexte à des vertiges mélodiques, un appel vers des syncopes rythmiques à vous couper le souffle.

Blue Moon, le titre qu’il a choisi fait sens, même s’il s’en défend. « Tous les titres de mes projets sont dictés par eux-­‐ mêmes. Ce sont eux qui me disent comment ils doivent s’intituler. » Cette ballade crépusculaire,  écrite en 1934 pour un film made in Hollywood, a notamment été chantée par Elvis Presley, le pianiste en connaît les tréfonds. « Je la jouais souvent enfant, en privé. C’est la première fois que je la pose sur disque. » Ahmad Jamal en donne une version expansive et suspensive à souhait. Ce n’est pas le seul thème en référence au septième art au programme.

S’il n’est plus allé au cinéma depuis « Sur La route de la Madison » – « Ma fille a insisté pour que j’y aille : Clint Eastwood avait utilisé ma musique » – il fut plus jeune un fondu de salles noires. « Il m’arrivait d’enchaîner les séances le même jour. » Voilà sans doute pourquoi il revisite « Invitation », une chanson de la bande originale de « A Life Of

Her Own », le film de George Cukor en 1950, qui prend les atours d’une vaste suite où il embrasse — embrase tout autant – le clavier. De même, il relit avec un exceptionnel sens de la narration, seul face à lui-­‐même, « Laura », le classique de Johnny Mercer, qui donne son titre au chef-­‐d’oeuvre d’Otto Preminger en 1944. « C’est l’une de mes chansons préférées que j’ai interprétées de nombreuses fois ! La musique joue un role central au cinéma. C’est bien pour cela qu’il y a eu des générations de grands compositeurs  et arrangeurs dédiés à cet art : Johnny Mandel, Quincy Jones… Même lors du muet, on utilisait un pianiste ! » Tout comme les populaires comedies musicales de Broadway ont souvent été transfigurés par les jazzmen : écoutez donc la vision « This Is The Life », extrait de « Golden Boy », un succès de 1964 avec Sammy Davis Jr…

Ahmad Jamal trace des obliques originaux à la force du poignet, ferme et sensuel. Pareil don d’ubiquité permet au pianiste de se montrer tout à tour allusif puis nettement plus expressif sur « Gypsy », un autre emprunt au répertoire populaire, devenu un standard depuis que Charlie Parker l’a parcouru en 1946. Quant à « Woody’n You », il fait partie des classiques d’ Ahmad Jamal. « Ma première version figure sur le « Live At Pershing » ! Un énorme succès. De manière générale, je joue depuis bien longtemps ces compositions.

Pour ce disque, Ahmad Jamal s’est entouré d’une équipe renouvelée. Le contrebassiste  Reginald Veal, un « petit jeune » qui s’est fait un nom et un son chez Wynton Marsalis, succède ainsi à James Cammack. À charge pour lui d’être le pilier autour duquel gravite une paire de rythmiciens, comme Ahmad Jamal aime les assembler. D’un côté, son vieil ami Manolo Badrena, percussionniste  qui a fait les beaux jours de Joe Zawinul. De l’autre, le batteur Herlin Riley qui, après des années à faire swinguer le tout New York, revient auprès du pianiste qui l’a lancé dans le métier. Comme beaucoup d’autres qui ont jalonné la carrière d’Ahmad Jamal, du génial Vernell Fournier au terrible Idris Muhammad, en passant par Gordon Lane, ce drummer confirme la prédilection qu’a le pianiste pour La Nouvelle-­‐ Orléans en matière de rythmes. « Ce n’est pas un choix pensé, mais c’est une réalité qui s’impose à chaque fois. Il y a une affaire de style derrière tout cela. Toute une tradition de transmission au fil des générations : les funerals, les tambourine men… » Tout ce qui donne un terrible parfum funky à ce nouveau disque, qui a comme toujours été capté live et en direct, histoire de placer les bonnes vibrations.

« Enregistrer un disque, c’est comme jouer sur scène. Tous ensemble, surtout pas isolés chacun dans sa cabine. Il n’y a pas de secret : c’est une affaire très humaine. Quand vous commencez à mettre beaucoup de technique entre les musiciens, cela change dramatiquement la philosophie même de leur propos. Et qu’on ne vienne pas me parler de problèmes de son : si on est capable d’envoyer des hommes sur la lune, on peut bien enregistrer des disques comme je les aime! »

http://www.ahmadjamal.net/